Plusieurs départements d'histoire (tous ? d'autres départements d'université ?) ont reçu en janvier par la poste une épaisse enveloppe envoyée d'Alexandrie (BP 834) et contenant un livret de 94 p, imprimé sur du très beau papier, intitulé "Muhammad" (Mahomet), "le messager d'Allah", et un dépliant cartonné de 4 pages en couleurs, vert et or, imitant les rouleaux sur lesquels étaient écrits les grands textes religieux et intitulé "Voici un message d'amitié à toute personne en recherche de la Vérité".
Le livret et le "message d'amitié" sont rédigés dans un français correct, dont on sent immédiatement à la lecture qu'il est une traduction de l'arabe ou de l'anglais, faite avec précision, relue et révisée avec soin, même si la mise en pages du texte est médiocre.
Le livret relève de l'hagiographie. Mahomet est présenté comme un être moral, pur, désintéressé, pieux, compatissant, miséricordieux, bon mari, bon père, bon commerçant, bon musulman : le modèle parfait. Les preuves alléguées sont extraites de l'abondante littérature hagiographique. Si on lit entre les lignes, on constate très vite que l'auteur de ce livret, un dénommé Abderrahman Al-Cheha répond, point par point, mais sans jamais les citer ou y faire explicitement référence, à toutes les objections et critiques qui sont adressées en Europe à Mahomet et au Coran, comme il insiste sur les convergences (fantasmées) entre le christianisme (jamais nommé) et l'islam, pour prouver que Mahomet est l'ultime prophète, qui rend inutile tout autre prophétie.
Le dépliant en couleurs, tape à l'oeil et m'as-tu vu, ressemble aux dépliants que distribuent parfois les témoins de Jéhovah ou les évangélistes. Ses auteurs ont dû copier des documents publiés par ces églises chrétiennes.
Tout cela (préparation des documents, impression, mise sous enveloppe, envois) bien entendu a un coût très élevé. Quand on sait la très mauvaise qualité des livres et fascicules publiés en Egypte, on peut dire que ces publications sentent le fric dépensé sans compter. Les très généreux mécènes du livret sont saoudiens : c'est "The Islamic Propagation Office", sis à Al Qaseem, "Kingdom of Saudi Arabia". Le dépliant, lui, est signé du tabligh, grand parti "fondamentaliste" fondé en Inde (le Pakistan actuel) en 1920. Ces deux "oeuvres" signent une convergence inquiétante entre les sectes missionnaires de l'islam (le tabligh), prétendument "pauvres" ou "déshéritées", et les richissimes conservateurs wahhabites
A ma connaissance, il n'est pas un seul historien, parmi les destinataires de ces documents, qui ait protesté contre cette propagande. C'est silence et bouche cousue : les historiens bien pensants, si prompts à s'indigner de tout empiètement dans leurs champs soigneusement clôturés, ne se seraient pas infibulé ainsi les lèvres, s'ils avaient été les destinataires de la même propagande de la part de l'Eglise ou des évangélistes.
On peut se demander quel sera l'impact de ces envois : sans doute nul. Encore que... Quand on constate l'état moral des universités, en particulier dans les secteurs des sciences humaines et sociales, on peut s'attendre au pire. Au moment où les wahhabites et le tabligh envoyaient en France leur propagande, des universitaires ont reçu dans leur casier un tract, rédigé par des étudiants, réunis en une coordination syndicale (UNEF, UNEF ID, Libertaires), appelant à résister à Sarkozy et à son gouvernement et qui concluaient ainsi leur appel, en caractères gras (je cite) : "en se sortant les doigts du cul, même dans la merde, on s'aperçoit qu'on a les mains libres !".
Tout compte fait, des étudiants qui rédigent ainsi sont capables d'écouter les sirènes du tabligh et des wahhabites, suivant la maxime connue : "on commence dans l'anarchie, on finit dans la sacristie".