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Pépite trouvée dans la blogosphére

Envoyé par Gérard Rogemi 
Ce Robert Marchenoir écrit sur divers sites (dont Causeur) des commentaires qui sont des petits chefs d'oeuvre.

Petite comparaison à l’intention de ceux qui entonnent l’air connu: chaque génération a sa musique populaire de référence, le rap n’est pas différent du rock, la jeunesse cherche toujours à choquer ses aînés, etc.

Prenons, au hasard, le plus grand groupe de rock du monde, les Rolling Stones. (Ce n’est pas un jugement de valeur: la démonstration reste valable si vous pensez que les Rolling Stones faisaient de la merde. Mais tel était bien leur statut.)

Rappelez-vous à quel point les Stones se voulaient choquants à leur époque — et réussissaient à l’être: rébellion contre l’ordre établi, utilisation forcenée de drogues, allusions sexuelles appuyées, etc.

Si l’on se contente de la surface des choses, on pourrait dire: vous voyez bien; le rap aussi parle de flics à buter et de salopes à niquer. La seule différence, en dehors de la forme artistique que l’on laissera un instant en dehors du débat, c’est l’époque et le milieu de référence: des Blancs sortant d’une université prestigieuse pour les Stones, des Noirs et des Arabes incultes sortant de banlieues mal famées pour le rap.

Mais pour mesurer le fossé entre les deux, sur le plan social et moral, il faut regarder Gimme Shelter, le film du concert d’Altamont. Pendant que Mick Jagger joue les méchants sur scène, un spectateur est tué à coups de poignard par le service d’ordre improvisé composé de Hell’s Angels, parce qu’il avait brandi un pistolet face au chanteur.

Quand Mick Jagger s’en aperçoit, il arrête la musique et change instantanément de personnage. Celui qui chante Let it bleed et incarne le Diable sur scène se transforme, instantanément, en brave type dépassé par les événements,. Il s’adresse à la foule et dit cette chose totalement déplacée, en apparence, par rapport à ce qu’il représente: hé.. ho… on est là juste pour s’amuser… on se calme…

Autrement dit, Mick Jagger est Mick Jagger à la scène, mais quand il se retrouve dans une situation grave et réelle, il débranche son cinéma et il redevient un Kevin Dupneu comme vous et moi. C’était pour rire.

Les rappeurs, eux, ne rigolent pas du tout. Dans des situations similaires, ce sont eux qui tiennent le couteau, défourraillent — et tirent. Ceux qui ne tuent pas avec des armes s’y emploient néanmoins par d’autres moyens, sur les plans humain, social et politique.

Il n’est pas indifférent, d’ailleurs, que le spectateur d’Altamont, tué par un service d’ordre trop zélé, fût noir.

Un Blanc de la bonne société anglaise, idole de la jeunesse mondiale, joue les rebelles. Un Noir américain brandit un pistolet dans sa direction. Une bande de motards blancs, réputée pour sa violence et qui fait régner sa loi par la peur, ne s’embarrasse pas de formalités citoyennes: elle le trucide, sans consulter la Halde ni faire appel à une cellule d’écoute psychologique.

La vedette blanche, qui incarnait le Mal l’instant d’avant, se transforme en Francis Cabrel: certes, c’est elle qui était visée, mais elle ne voulait pas ça, les Hell’s Anglers ont dépassé sa pensée, ce sont d’inquiétants fachos, le monde est trop injuste, on est tous potes.

Trente ans plus tard, non seulement ce sont les Noirs qui sont sur la scène, mais ils sont aussi dans la salle et dans la rue. Ils sont beaucoup plus nombreux. Ils ont toujours des flingues, et ils s’en servent. Et on serait bien en peine de voir un seul Hell’s Angel à l’horizon.

Les Rolling Stones avaient infiniment plus de talent que tous les rappeurs réunis. Mais il n’est pas interdit de penser qu’ils ont, sans le vouloir, préparé, accompagné et symbolisé le suicide social de la civilisation occidentale, face à la guerre de conquête ethnique qui la submerge aujourd’hui.

On n’incarne pas impunément le diable. On ne prône pas la rébellion pour rire. Le dandysme a un prix.

Le Mick Jagger d’Altamont était doublement inconscient: tout étonné que sa violence artistique déchaîne la violence réelle contre lui, et vaguement scandalisé qu’autrui ait recours au meurtre pour lui sauver la vie.

L’impunité avec laquelle les rappeurs vomissent leur haine était en germe dans l’incompréhension affichée par Mick Jagger face à cette suite d’événements: il chante, avec plus de succès que les Noirs, une musique dont il est allé chercher l’inspiration chez eux; un Noir fait mine de le tuer; il n’en a pas le temps et est tué à son tour.

Tragique illusion du “progressisme” du XXème siècle, qui pensa pouvoir danser sur des volcans tout en narguant Hadès.

Robert Marchenoir
Oui, Robert Marchenoir est souvent bon, parfois excellent. Il serait très bien ici. Sur Causeur, il m'ignore avec une telle superbe (je me suis adressé à lui une ou deux fois dans les commentaires) que je me suis demandé s'il n'a pas fait partie d'une de nos charettes d'exclus.
Mais par quel tour de passe-passe électronique un message de M. Rogémi a-t-il pu être modifié par Renaud Camus ?

On nous cache des choses, ici... on ne nous dit pas tout...
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