L'évêque de Gap a accepté d'exposer dans sa cathédrale, à l'occasion de la célébration de Pâques (Rameaux, Mort du Christ et sa Résurrection), une statue (une performance ?), oeuvre d'un sculpteur anglais (semble-t-il), qui représente le Christ mort, assis sur une chaise électrique. On en comprend les raisons : de la statue, pas de la présence de cette statue dans une cathédrale. Ce sculpteur est de toute évidence hostile à la peine de mort qui est appliquée aux Etats-Unis d'Amérique ou ailleurs. Il utilise les moyens qui lui paraissent les plus efficaces pour faire connaître ses opinions (beaucoup de provocation, anachronismes délirants, susciter l'indignation ou une de ces émotions qui ébranlent les convictions les mieux arrêtées, etc.). Bien, jusque là, il n'y a pas grand chose à redire à cela - sauf peut-être quelques réserves sur l'art de ce sculpteur. Mais des goûts et des couleurs...
L'incongruité ne vient pas du sculpteur (après tout, il fait sa propagande), mais de l'évêque et de la petite équipe qui l'entoure. Aux Etats-Unis, ce sont les criminels avérés, reconnus coupables de crimes épouvantables, qui sont condamnés à mort; pas les voleurs de pain ou de vin ou de poules. Ils ont tué deux, trois, quatre, cinq innocents, enfants, femmes, vieillards, et souvent pour rien ou par cupidité. Laisser croire que le Christ a pu mourir sur la chaise électrique, c'est accepter qu'il a été un criminel, c'est laisser croire que sa mort a été justifiée par des meurtres de femmes ou d'enfants dont il se serait rendu coupable, c'est donc dire, en substance, qu'il n'était pas innocent.
Or, si tel était le cas, le christianisme n'aurait plus aucun sens, tout l'édifice moral, métaphysique, théologique s'effondrerait d'un coup, deux mille ans de foi passeraient à la trappe. Ce qui fonde le christianisme, c'est un Christ innocent qui entre dans sa Passion volontairement. Il faut vraiment que l'Eglise soit désorientée pour qu'un évêque, au demeurant le meilleur homme qui soit au homme, soit fier de montrer à tous, croyants et incroyants, qu'il ignore les fondements mêmes de la foi qu'il est censé propager.