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Tout est dit

Envoyé par Éric Veron 
16 mai 2009, 09:40   Tout est dit
« Le ministre de l'éducation nationale, Xavier Darcos, en visite au collège de Fenouillet, en Haute-Garonne, où une enseignante à été grièvement poignardée, vendredi 15 mai, a envisagé l'installation de portiques de détection de métaux devant certains établissements. "Nous sommes en face d'un fait divers grave, face auquel il faut chercher des solutions, mais nous ne sommes pas en face d'un problème structurel", a déclaré M. Darcos après s'être entretenu avec les enseignants et les parents d'élèves du collège François-Mitterrand. » Le Monde.

Tout est là, tout est dit. L’aboutissement flagrant de la longue dérive morbide, faite de lâcheté face aux adversaires, de trahison du patrimoine, de reniement du passé, de piétinement de l’autorité, de repentance perpétuelle, de ricanement cynique, de promotion du vice, de renoncement à penser, est réduit à un fait divers et la réaction à l'installation de portiques de détection de métaux. Demain passera en conseil de discipline le professeur dissident qui aura refusé le port du gilet pare-balles. Parfois, je me sens proche de la colère.
16 mai 2009, 10:55   Re : Tout est dit
C'est vous qui avez tout dit, Eric.

Ce petit monsieur Darcos rétorquait à un professeur : "Il y aura toujours des faits divers." Combien faut-il de "faits divers" pour leur ouvrir les yeux ?
Utilisateur anonyme
16 mai 2009, 13:16   Re : Tout est dit
Espérons que la jeune victime de l'odieuse punition sera prise en charge par une cellule psychologique afin de l'aider à gérer son traumatisme et à faire son travail de deuil pour le couteau.
16 mai 2009, 13:32   Re : Tout est dit
Au cours de la réunion avec le personnel du collège à laquelle il a participé, Xavier Darcos a déclaré qu'« il y aurait toujours des faits divers », ce qui est littéralement exact. L'exemple est intéressant parce qu'il permet d'éclairer la la question de la mesure dans laquelle un fait divers est représentatif d'une réalité sociale.
Monsieur Darcos a fait une remarque d'une grande stupidité, au vu du contexte. Il y a toujours eu des faits divers, c'est vrai, mais pas toujours des ministres qui se déplaçaient à cette occasion.
Utilisateur anonyme
16 mai 2009, 14:42   Re : Tout est dit
Vous avez entièrement raison, ce fait divers est en effet représentatif mais encore faut-il préciser ce qu'il représente. Je retiendrai de ma courte expérience au lycée que dans l'ensemble, les élèves ne comprennent pas ce que signifie l'autorité. Et on ne peut les en blâmer, l'école depuis des années tout en maintenant des procédures de sanction attaque systématiquement le magistère du professeur et cherche à faire de celui-ci non un maître mais un pair des élèves. Il va de soi que c'est toute la société qui se plaît à détruire la figure du professeur - les auto-désignés "profs" eux-mêmes, les parents, les chefs d'établissement, les médias, Tartempion, la langue elle-même comme l'a montré magistralement Renaud Camus. Les élèves sont invités par tous les moyens à considérer le professeur comme un égal, un semblable au sens le plus tocquevillien du terme. Et ce, jusque dans la disposition du mobilier dans les classes, au lycée dans lequel j'enseigne actuellement, le bureau du professeur est accolé aux (et aligné sur les) tables des élèves du premier rang, c'est très parlant. Les faits divers extrêmes comme celui-ci sont donc représentatifs de quelque chose de beaucoup moins spectaculaire pour le public mais de bien plus fatal encore pour l'école : placés en situation de parité avec les professeurs, les élèves ne peuvent comprendre ni l'importance de leur parole, ni la légitimité de leurs sanctions. Et sur ce problème (que n'importe quel professeur, même l' "enseignant" barbu faisant cours en tee-shirt en été et arborant un keffieh en hiver reconnaît, du moins en privé) il me semble que le ministre tient des propos contradictoires. L'article du Monde rapporte plusieurs de ses propos, d'une part : "Nous sommes en face d'un fait divers grave, face auquel il faut chercher des solutions, mais nous ne sommes pas en face d'un problème structurel." Mais d'autre part il concède que : "il y a un public scolaire qui se dégrade un peu." Notez bien l'ironie du "un peu". Il va falloir choisir à présent, on ne pourra pas continuer éternellement à entretenir cette ambiguïté et cette hypocrisie. Les élèves d'aujourd'hui sont de petits Frankensteins, nous les avons construits de toutes pièces avec nos petites mains et nos petites idées pseudo-révolutionnaires, ils n'ont peut-être pas tort de vomir les professeurs...
16 mai 2009, 17:30   Re : Tout est dit
J'approuve absolument votre conclusion : l'école d'aujourd'hui reçoit le respect qu'elle mérite. C'est cruel mais sans doute pas réellement injuste et cela a le mérite de dire la nécessité absolue de changer radicalement de direction.
Utilisateur anonyme
16 mai 2009, 19:35   Re : Tout est dit
Citation
Les élèves d'aujourd'hui sont de petits Frankensteins, nous les avons construits de toutes pièces avec nos petites mains et nos petites idées pseudo-révolutionnaires, ils n'ont peut-être pas tort de vomir les professeurs...

Je suppose que vous voulez dire que les élèves sont des créatures des Dr Frankenstein de l'Éducation Nationale.
Utilisateur anonyme
17 mai 2009, 00:41   Re : Tout est dit
Vous avez raison de corriger cher PhiX. J'ajoute cependant qu'il faut replacer ce phénomène dans un cadre social plus large : celui de l' "égalisation des conditions" chère à Tocqueville dont la catastrophe scolaire n'est qu'une illustration régionale.
Utilisateur anonyme
17 mai 2009, 11:47   Re : Tout est dit
Cher FJ,

"il y a un public scolaire qui se dégrade un peu."
Je relève que vous relevez ce "un peu", qui me semble un marqueur très répandu de l'époque, de la bouche du ministre à celle du quidam.
Nous vivons un âge d'or des bémols et des dièses langagiers, comme si par une sorte d'effort inconscient on évitait d'affirmer une opinion directe ou tranchée qui, naturellement, pourrait déplaire à d'autres, voire discriminer !
C'est la langue méandreuse du pleutre, des faux-fuyants.

Il y a deux régimes : "se dégrade un peu", "assez préoccupant", "plutôt désespérant" font pendant aux "trop bien", "complètement génial", "assez extraordinaire" qui sont à l'inverse un effort disproportionné de célébrer la banalité conforme aux consensus mous, au goût général.


Monsieur Darcos a fait une remarque d'une grande stupidité, au vu du contexte. Il y a toujours eu des faits divers, c'est vrai, mais pas toujours des ministres qui se déplaçaient à cette occasion.


Oui cher Jmarc, et ces fait-divers sont si peu réprésentatifs et susceptibles de se reproduire, que l'on en est aussi à installer des détecteurs de métaux.
C'est le réel en ombre chinoise qui hurle silencieusement pour dénoncer les mensonges de ces langues fourchues.
Utilisateur anonyme
17 mai 2009, 12:56   Re : Tout est dit
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Utilisateur anonyme
17 mai 2009, 13:40   Re : Tout est dit
Cher Guillaume Audrige,

Vous avez entièrement raison, la moyennisation généralisée passe par une atténuation systématique de l'extrême d'une part et une boursouflure du trivial d'autre part. Toutefois, je me demande si le ministre, qui n'est pas tout à fait stupide et à mon avis pas dénué d'un certain cynisme, n'usait pas ici d'un simple euphémisme, une sorte de clin d'oeil adressé à la frange de la "communauté éducative" consciente de la catastrophe et signifiant : "je connais la réalité, mais bien sûr, on ne peut pas la dire." L'opinion retiendra donc d'une manière générale que l'école ne va pas trop mal mais qu'il vaut mieux prévenir que guérir, donc portiques pour tout le monde de sorte que le niveau puisse continuer de monter en toute quiétude...
En écho aux remarques de Guillaume Audrige, les porte-parole de ce gouvernement commentant les événements dans leurs tournées du désastre se mettent progressivement à ressembler à ce porte-parole du gouvernement irakien, en mars 2003, annonçant des victoires éclatantes de ses troupes sur l'armée américaine battue à plate-couture dans la banlieue de Bagdad, contrainte à reculer, et rassurant le pays et la communauté internationale devant les caméras du monde sur la pérennité de son régime, la situation "entièrement sous contrôle", etc. cependant que "le réel" surgissait en contre-champ, dans son dos, pointant sur lui un canon de char à 100 mètres de là.
17 mai 2009, 22:10   Re : Tout est dit
«J'approuve absolument votre conclusion : l'école d'aujourd'hui reçoit le respect qu'elle mérite.»

«Je suppose que vous voulez dire que les élèves sont des créatures des Dr Frankenstein de l'Éducation Nationale.»

Oui, mais :

«On a tendance à tout ramener à l'école, à voir l'explication de tout, y compris des problèmes les plus politiques, dans l'échec patent, criant, des systèmes scolaires modernes. Mais il faut remonter encore plus haut, à mon avis. L'échec des systèmes scolaires n'est lui-même que le reflet d'un échec encore plus fondamental, et celui-là véritablement premier : l'échec du système de rapports entre parents et enfants.»
Éditorial n°24. 15 février 2003
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