Toute la musique que j'aime

"Nous avons bien cru que nous allions être trempés, lors de notre promenade de fin d'après-midi. Mais le ciel noir et gris est resté où il était, et ne nous est qu'assez peu tombé sur la tête. En revanche le vent était d'humeur très facétieuse, puis grandiloquente, puis lyrique, puis furieuse, puis un peu de tout cela à la fois, mélangeant les rythmes selon les hauteurs dans l'air et les types de feuillage, mélangeant les couleurs orchestrales, mélangeant les intensités, toujours imprévisibles, sauf dans sa maîtrise unique du silence et des sforzando (di ? dos) : il arrive même à faire entendre des silences pendant des quasi tutti, par une voix qui soudain s'efface, se tait brutalement et manque à merveille, fait défaut d'énorme façon. je connais peu de compositeurs aussi virils, aussi gais, aussi sûrs d'eux ni aussi tendres, et qui sachent aussi bien se faire aimer."


L'isolation - (29 août 2006)

Enfin! Un peu de poésie sur ce forum et un rappel que nous aimons, si nous sommes là, Renaud Camus.

Il conviendrait peut-être de rappeler à Monsieur S que ce site est celui d'un parti politique.

Et peut-être à moi serait-il bon de le rappeler ?

Ce qui me semble "politique" dans cet extrait (hors les réminiscences qu'il a fait naître en moi et le désir de vent dans les branches, c'est-à-dire de promenades à venir (autrement dit la double "action" de la littérature de maintenir le lecteur en équilibre entre ces deux néants du passé et de l'avenir), c'est la perception heureuse de la nature par l'auteur, perception toujours présente dans ses journaux et qui semble devoir résister à l'amoindrissement d'autres, mettons, "sensations".

Il s'agit cependant d'une nature inévitablement médiatisée (au sens noble du terme) par la culture de celui qui entre en communion avec elle. Ici le vent, passé compositeur dans le genre, je crois, symphonique, et qui semble "imiter l'art", selon le renversement d'Oscar Wilde.

Renaud Camus, sans bien sûr le dire, pose par là la nécessité de la culture comme seul moyen d'appréhension pleine et heureuse des phénomènes naturels. Autrement dit, qui n'aurait dans sa caboche que musiquettes de variétés ou tempo ("pis", "pos" ?) furieusement électroniques ( et pourtant d'apparence très "organiques", naturels) ne pourrait saisir ce que ce vent "orchestre" et, par voie de conséquence, resterait globalement étranger aux phénomènes naturels, puis à la nature elle-même. Encore autrement dit, la "déculturation" musicale aurait pour première conséquence de couper les liens entre les hommes et la nature et de permettre ainsi la mise en pièces du paysage qui ne serait plus vu, en premier lieu parce qu'il ne serait plus entendu.

« Même le sentiment de la nature n'est pas naturel, non plus que le sens de sa beauté particulière : les siècles et les civilisations ont eu là-dessus les opinions les plus diverses, et souvent les plus divergentes. Celles du nôtre, en matière de paysages, se distinguent (...) par un nominalisme extrême. » Renaud Camus, Esthétiquede la solitude, p.133, Editions P.O.L., 1990

Il y a le cas des Italiens, qui m'a souvent intrigué. Pour avoir vécu et travaillé quelques temps en Italie et fréquenté des naturels, m'a toujours frappé la faiblesse de leur sentiment de la nature, justement. Or, n'étais-je pas dans un des berceaux mêmes de la civilisation (Rome), quotidiennement environné de ce qu'elle avait pu créer, siècles après siècles ?

Si se cultiver c'est se cultiver toujours, aller toujours plus loin, jusqu'à devenir créateur soi-même, un tel raffinement ne risque-t-il pas de conduire à la même attitude d'indifférence ou d'éloignement vis-à-vis du sentiment de la nature, telle qu'elle suit la "déculturation" ?

Le "sentiment de la nature" est une affaire dix-neuviémiste, chateaubrianesque, pauletvirginique, que l'Allemagne, la France et l'Angleterre (et l'Amérique primitive - Thoreau, Fennimore Cooper) ont en commun. Bref, c'est le Romantisme. L'Italie, il faut croire, n'est pas tombée tête la première dans l'urne. Quand nous y baignions, elle restait grecque, minérale, gardant toute sa tête et réservant son coeur à la lutte pour voir le jour.

Les Nambikwara de Lévi-Strauss, jamais sortis de leur forêt, se fichent bien pas mal de "la nature". Ils n'ont probablement pas de nom pour la désigner, tout en ayant, probablement comme certaines tribus de l'archipel des Philippines, cent vingts noms de vert et de gris pour dire le nuancier des frondaisons autour d'eux (chez ces Philippins, le gris et le vert sont une seule et même couleur). Pour les hommes et les femmes Nambikwara, "la nature" n'existait pas, le concept ultra-civilisé de "nature" ne les avait pas atteints.

La nature re-naturée est une des (nombreuses) entreprises, un des nombreux loisirs dix-neuviémistes qui épargna, dans une grande mesure, ou qui n'affecta pas dans une mesure comparable, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie.

Il est d'ailleurs intéressant de constater à quel point Renaud Camus est anti-rousseauiste sur ce sujet (et sur bien d'autres).

Ah ! Francis, pour le coup, c'est au M. Lepage du Confort intellectuel, encore frais dans ma mémoire, que vous me faites penser, quand je lui trouvais surtout un air de JGL et quelques traits de jmarc.

Haro sur le romantisme ! C'est tentant, en effet, mais un peu inopérant, il me semble, dans le cas de l'extrait cité, ce vent dans les arbres qu'on résiste mal, sur la pente de l'anthropomorphisme qu'il suggère, à figurer sous les traits d'un Berlioz ou d'un Liszt, mettons, vous m'avez compris, une tête plus romantique en tout cas que celle d'un Nambikwara.

Que Camus le Jeune ne perde pas une occasion, si elle se présente (je ne dis pas qu'il la cherche obstinément, comme d'autres, et c'est heureux) de manifester son anti-rousseauisme, ne me paraît pas faire de lui un anti-romantique, loin de là.

Bien cher Orimont,

Vous devriez essayer les cocktails...

Les goûts musicaux de Camus sont d'ailleurs fortement orientés vers le Romantisme (Chopin, Schumann).

Malgré les arguments d'Orimont Bolacre, je ne puis m'empêcher de lire ce bel échange littéraire avec un peu de mélancolie. C'est que bien souvent, l'Agora des lecteurs de Renaud Camus reste vide, ou quasiment, et l'on n'y voit pas d'interventions de lecteurs comme vous, qui écrivent ici. Bien sûr, ce n'est pas un reproche, et vous devez avoir de bonnes raisons de faire ce que vous faites.

Sur le sentiment de la nature : on trouve des évocations de la nature sauvage dans Tacite ou Ammien (qui est en outre un grand poète géographique), que certains n'ont pas hésité à qualifier de proto-romantiques. Je ne sais (l'historien des mentalités a ici un sujet d'étude) si cette impression vient de nos habitudes de lecteurs modernes, ou du texte même.

« Malgré les arguments d'Orimont Bolacre, je ne puis m'empêcher de lire ce bel échange littéraire avec un peu de mélancolie. C'est que bien souvent, l'Agora des lecteurs de Renaud Camus reste vide, ou quasiment, et l'on n'y voit pas d'interventions de lecteurs comme vous, qui écrivent ici »
Je vous rejoins totalement, Monsieur Bès. C'est un grand mystère, cet écart entre la SLRC et le PI (je parle des forums), et ce nonobstant les dissensions de 2002.

En ce qui concerne les forums, mon point de vue est le suivant :

- le forum du PI est un forum politique, il est tout à fait légitime qu'il y ait débat, voire que les positions prises par l'actuel (Marcel Meyer) ou le précédent (Renaud Camus) président soient critiquées. De tels débats ne sont pas possibles sur un site consacré à l'écrivain (si on n'aime pas ce qu'écrit un écrivain, on ne le dit pas sur un forum, on arrête de le lire) ;

- le site consacré à Renaud Camus, écrivain, présente pour moi certaines ambigüités (que la lecture de l'Isolation n'a pas dissipées).

Mon abstention du forum de la SLRC est due au fait que je n'aime pas, comment dit-on, le système des arborescences, l'ergonomie, le comment "ça marche" de l'envoi des messages et de leur lecture etc. Le seul forum qui me convienne, de ce point de vue là (autant dire de tous les points de vue), c'est le forum du P.I.

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Jmarc, pour les cocktails, que me conseillez-vous ?

Cocktail Alleluia pour 1 personne

6 /10 de cachaça Cachaça Thoquino Vieille
4 /10 de marasquin
1 Cuillère à café de blanc d' œufs
tonic (schweppes)


Ou traditionnel blody Mary :

Ingrédients du Cocktail pour 1 personne
4 cl de vodka Vodka Tovaritch
12 cl de jus de tomates
0.5 cl de jus de citrons
0.5 cl de sauce worcestershire
2 gouttes de tabasco
sel de céleri
sel


Il y a là deux mondes.
poivre

Connaissez-vous le Bloody Ceasar ?

5/10 de jus Clamato (jus de clams, une spécialité nord-américaine, on en trouve dans le Marais)
4/10 de vodka
1/20 de Tabasco
1/20 de Worcestershire
poivre
raifort (généreusement)
humecter le bord des verres de jus de citron et trempez-les dans du sel de céleri
quelques glaçons

Un régal

« _le site consacré à Renaud Camus, écrivain, présente pour moi certaines ambigüités (que la lecture de l'Isolation n'a pas dissipées)._ »
Ah tiens ?...

Bien cher Pascal,

Je crois comprendre, à la lecture de l'Isolation, que relation entre le Maître et les responsables du site n'est pas totalement apaisée...

Ouh là là, Cher Jmarc, je ne parlerai pas pour les responsables de la SLRC, mais s'il n'y avait qu'entre ces derniers et le Maître, que les relations ne sont pas apaisées...

Bien cher Pascal,

Je vous disais supra que des tensions sont normales sur le site de débat d'un parti politique...

En revanche, qu'il y ait tensions entre un auteur et les responsables du site de ses lecteurs, cela me trouble un peu...

Cher Jmarc, nous ne nous comprenons pas : je ne parlais pas du PI dans mon dernier message, et je suis d'accord avec vous (enfin, cette fois-là, quoi)