Vélibologie

Sujet futile, me direz-vous. Et pourtant...

Les "vélibs" circulent dans les rues de Paris depuis deux ans. Le premier bilan est pour le moins mitigé : sur 20 000 bicyclettes lancées sur le bitume, plus de 16 000 ont été dégradées, 8 000 ont été volées. Dans les ateliers de réparation de l'entreprise JC Decaux (dont l'un est installé sur une péniche itinérante - récompensée d'un "Grand Prix de l'Environnement"), on répare environ 1 500 vélos par jour.

Pendant ce temps, des jeunes adeptes du "freeride" se mettent en scène sur "youtube" au guidon de leur vélib : cascades en tous genres, descentes d'escaliers spectaculaires, roues arrières, courses poursuites au programme. Dans la joie et la bonne humeur. Le but, ici, n'est pas (toujours) de casser, mais de prouver les capacités de résistance du deux roues pour mères de famille.

Les utilisateurs du vélib se disent cependant satisfaits - pour 94 % d'entre eux, dit un sondage. Pourtant, plus de 50 % de ces utilisateurs se disent insatisfaits de l'état des vélos - et pour cause. Beaucoup se plaignent de la complexité du système de location, du manque de vélos à certaines stations, de l'agressivité des conducteurs de bus, des déficiences des bornes, etc. Secret des sondages astucieusement élaborés... Ou foi inébranlable du "bobo" dans ses utopies urbaines ?

L'éco-cycliste joyeux roule avec son habituel insouciance et son optimisme ravageur. "Tiens, si je rentrais en vélib ?" se demande-t-il à haute voix sur le trottoir où la soirée bloubiboulga s'achève dans les rires et les bisous. "Ouais, c'est sympa, dans la nuit y'a personne, c'est cool. Et le long du canal St-Martin, c'est énorme." Il pense en pédalant : "quelle belle idée ! Merci monsieur le maire ! Il en fallait du courage pour imposer ce projet !" Demain, s'il a le temps, il se connectera sur velibeguin.fr, ou mieux, sur velibataire.fr*, pour savoir s'il peut retrouver le nom de ce beau jeune homme qui lui a indiqué son chemin rue des Archives...

Changeons d'univers. Un employé de l'équipe d'entretien des vélibs de JC Decaux raconte ses conditions de travail : ateliers non chauffés en hiver, véhicule d'intervention peu fiable, transport permanent de 25 kg de pièces détachées dans un sac à dos (à vélo par tous les temps) par les employés chargés d'intervenir sur les vélibs, paye au lance-pierre, licenciements abusifs à la moindre velléité de plainte.

En Roumanie, les employés des usines où sont construites les vélos du bonheur sont payés quelques centaines d'euros par mois. Alle menschen werden brüder.

C'est dans les rues des villes roumaines, aussi, que des vacanciers parisiens ont cru reconnaître... des vélibs ! Leurs vélibs ! On en aurait vu également à Dakar et Casablanca, à peine trafiqués, flambants neufs !

Serait-ce faire du mauvais esprit que de mettre ces quelques éléménts en relation (quant à la nature de la relation, je vous la laisse déterminer), avec le fait que la plupart des dégradations de vélib sont commises aux stations Gare du Nord, Châtelet, et Pigalle ? N'est-ce pas surprenant ? Certes, il est de bon ton d'accuser l'incivisme légendaire du Français - et je me garderais bien de réfuter cette accusation - mais comment expliquer que le Français soit plus incivique à Gare du Nord, Châtelet, Pigalle ? On attend avec impatience les résultats de la plaine Saint-Denis, où le service est installé depuis quelques mois.

D'éminents sociologues parlent de manifestations de violence contre l'image du vélib, symbole du pouvoir, de la richesse du "nanti" de Paris intra muros (blanc ? - oh non, restons sérieux). Cela rappelle quelquechose.

Sur son vélo, alors que les grands boulevards presque vides s'étendent devant lui, notre fêtard un peu grisé fait des conjectures : "L'idée a bien marché à Amsterdam, à Ulm, à Strasbourg, à Lyon ! Pourquoi pas à Paris ? Ce n'est qu'une question de temps, j'en suis persuadé. Juste une question de mise au point. Bon, d'accord, il y a ce problème de vandalisme, fruit du désoeuvrement et de l'égoïsme. Installons quelques caméras de surveillance, un système de géo-localisation, lançons de nouvelles campagnes dans les rues de la ville. Que disait la dernière déjà ? Ah oui : "Casser un vélib, c'est facile... Il ne peut pas se défendre !"* Génial ! Tiens, cela me donne même une idée : on pourrait mettre une affiche dans les bus : "Frapper un jeune homme des beaux quartiers, c'est facile... Il ne peut pas se défendre !" Cela m'aurait peut-être évité cette correction dans le Noctilien... Nous avons ce que nous méritons finalement... Tiens, me voici arrivé place de la Rép' !"

* Authentique.

D'éminents sociologues parlent de manifestations de violence contre l'image du vélib, symbole du pouvoir, de la richesse du "nanti" de Paris intra muros (blanc ? - oh non, restons sérieux).

Tiens, au fait, et l'père Mucchielli , que devient-il ?...

20000 vélibs dans les rues, 16000 dégradés, 1500 réparés par jour : on ne répare donc les vélibs que depuis dix jours ?

"véhicule d'intervention peu fiable, transport permanent de 22 kg de pièces détachées dans un sac à dos (à vélo par tous les temps)" cela veut-il dire que le véhicule est... un vélib ?

Cher Jmarc, il s'agit en effet de 1 500 petites réparations de toutes sortes. Les 16 000 vélibs dégradés l'ont été volontairement ; les dysfonctionnements dus à des causes mécaniques diverses concernent en réalité un nombre beaucoup plus élevé de vélos dans la totalité du parc.

Quant à votre seconde question, il est vrai que ma phrase n'est pas claire du tout : il faut distinguer les véhicules qui alimentent les stations en vélos - des petites camionnettes aux couleurs de Decaux - et les... vélos, sur lesquels circulent donc les employés chargés d'intervenir sur les vélibs.

J'ai corrigé mon message. J'ai d'ailleurs remonté le poids de leur sac à dos à 25 kg, car c'est leur vélo qui en pèse 22.

"J'ai corrigé mon message. "

On voit que vous n'êtes pas dans les petits papiers du Mossad, parce qu'on peut voir que vous l'avez corrigé.