A notre époque, nul n’admettrait que l’État prescrive arbitrairement quoi que ce soit aux citoyens sans le consentement de la majorité d’entre eux. Pourtant, on a vite oublié que lorsqu’il s’est agi un jour d’aller à l’encontre du principe démocratique, de contourner le manque de recul des masses hystériques pour avaliser une mutation sociale et l’imposer dans les esprits, nos endimanchés politiques n’ont pas hésité une seconde. En démocratie, finalement, il y a peu de logique, tout est affaire de mœurs…
Le 9 octobre 1981, sans aucune ratification populaire, Robert Badinter parvenait à faire promulguer la loi sur l’abolition de la peine de mort en France. Le lendemain, un sondage à l’échelle nationale relevait que 62% des Français étaient opposés à cette abolition. Rousseau, dont il convient de se réclamer anachroniquement selon la teneur des débats, leur donnait raison dans son
Contrat Social. De fait, quelques mois seulement après la grâce de Philippe Maurice par François Mitterrand – grâce, il faut le reconnaître, qui permettra à l’ancien condamné à mort de se refaire socialement – les foules étaient probablement encore sous l’emprise de la passion. De là la décision en hautes sphères de se passer du consentement des masses jugées pour le coup irresponsables et inconscientes de leurs choix. Nos principes démocratiques ont bon dos lorsqu’ils ne vont pas dans le sens du progrès de commande. « Progrès » qui, peu à peu, drapé d’une sorte d’angélisme judiciaire, nous a amené à ce dramatique et incontestable paradoxe : aujourd’hui, un bourreau aura toujours davantage de considération en sa qualité d’homme, qu’un homme ou, pire encore, un enfant ne pourra en avoir en sa qualité de victime, au risque de pousser la victime à devenir bourreau à son tour. Le bon sens sacrifié sur l’autel des Droits de l’Homme !
Néanmoins, tant que le laisser-aller ambiant n’épargnera pas même la justice, il est certain que la peine capitale – dont le rétablissement est rendu quasiment impossible depuis plus de vingt ans par l’Union européenne – n’est pas à souhaiter, sauf à s’attendre à en être soi-même un jour l’innocente victime. Pauvres de nous !