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De l'emprise du nombre (légitimité d'un Zemmour)

Envoyé par Éric Guéguen 
Bonjour à toutes et tous.

J'aimerais ouvrir un nouveau débat dont l'éventuelle issue me taraude depuis de nombreuses... années !
Suite aux mésaventures de l'ami Zemmour, je voudrais vous soumettre une piste de réflexion que tout le monde néglige... et pour cause.

Je suis personnellement pour une liberté d'expression totale, que ce soit pour Monsieur Zemmour et ses analyses sociologiques, pour Dieudonné et son obsession sioniste ou pour les rappeurs tels Monsieur R., conchiant la nation. J'estime qu'un état qui se veut libéral et démocratique doit assumer ses présomptions, agir en conséquence et favoriser tous les débats, même lorsqu'ils semblent voler au niveau des pâquerettes. En conséquence, les dépôts de plainte consécutifs à ce que l'on a coutume d'appeler "dérapages" (d'ailleurs en général toujours dans le sens du vent) me semblent irrecevables ; chacun doit assumer ses points de vue et être en mesure de les défendre becs et ongles, en privé ou par médias interposés.

Néanmoins, on peut constater depuis plusieurs années que cette liberté se rétracte de plus en plus, au point que certaines évidences d'hier passent aujourd'hui pour une provocation pure et simple, quand on n'y voit pas un fascisme larvé. D'où l'emploi systématique du mot "dérapage", relayé par l'ensemble des médias conformistes, qui en dit long sur les desseins de nos vertueux édiles : "déraper", c'est s'écarter plus ou moins volontairement de la route toute tracée par les argousins de la pensée. Sous couvert d'une terre de libertés, notre pays s'enfonce donc irrémédiablement dans un système, aujourd'hui orwellien, demain bradburiste.

Alors, comment en est-on arrivé là ? Pourquoi une telle police de la pensée, une telle hypocrisie drapée dans une toge de vertus ? Il me semble qu'en s'acharnant sur l'émission de propos jugés déplacés ou outranciers, on fait commodément l'économie de toute remise en cause au niveau de la réception. J'entends par là qu'en attaquant un Zemmour en justice, on sait pertinemment qu'on ne le fera jamais changer d'avis (au contraire ?), mais on lui signifie qu'il doit se taire de peur que son point de vue ne devienne... contagieux. C'est ici, selon moi, que se situe la pomme de discorde : nos édiles savent très bien que les gens sont de moins en moins armés culturellement et que prise de recul et part des choses ne font pas partie des outils intellectuels de la plupart. Ainsi chaque coterie, chaque association de minorités revanchardes, chaque mouvement intellectuel se dispute à présent la façon de nous raconter, qui l'histoire de France, qui la misère en banlieues, qui les vertus de l'Union européenne par le biais des médias, caisse de résonance de la bêtise populaire. Et bien entendu, lorsque le nombre donnera son aval à une idée jugée "droitière", on aura coutume, dans ce seul cas, de parler de "populisme".

Quid des responsabilités individuelles de chaque membre du troupeau ?...
Certains, les dominants, se comportent comme des sauvages qui croient comme des enfants en la vertu magique du verbe. Ils croient comme l'illettré, l'homme des tribus et des guerres, de l'amok et du sacrifice, que le mot fait advenir la chose et qu'il est interchangeable avec elle. Dès lors tout débat est dangereux. Tout logos est investi d'une puissance magique que nul ne connaît. Le verbe qui les a désertés, les menace. Il faut taire ce dont la nature nous est devenue étrangère, qui possède un pouvoir qui, désormais, pour toujours, nous échappe, n'est plus nous, qui nous est aliéné comme le sont les puissances de la déraison et de la perdition. Ainsi Daniel Cohn-Bendit qui, dans la récente soirée électorale, face au miroir cathodique, déclame, en véritable sauvage d'autrefois, que si le Front national est remonté, c'est à cause du débat sur l'identité nationale dont M. Besson a eu l'initiative. Le débat, ainsi, est dangereux. Le réel est secondaire, il est assujetti à la parole magique que des sorciers possèdent et qui nous tiennent à leur merci: Le Pen, Besson, Zemmour. Pour ces fous, la parole a ce pouvoir terrifiant de faire descendre sur nous la ténèbre. Cohn-Bendit se rapproche ainsi de ces primitifs qui attendent l'acteur qui jouait le méchant à la sortie du théâtre de planches descendu dans le village pour l'assassiner, ou pour l'aborder afin qu'il lui confie ses recettes de sorcier.

Le réel, peu ou prou, ne dérape pas pourvu que le verbe ne dérape pas lui non plus. L'axe du monde se tiendra dans l'idée qu'on s'en fait si Zemmour veut bien fermer sa gueule.
Citation
Francis Marche
Le réel, peu ou prou, ne dérape pas pourvu que le verbe ne dérape pas lui non plus. L'axe du monde se tiendra dans l'idée qu'on s'en fait si Zemmour veut bien fermer sa gueule.

Il n'y a pas de "dérapage". Il y a l'autocensure d'un côté, la part des choses de l'autre. On a généralement aucun mal à dénoncer un manquement à la première, on a beaucoup plus de scrupules avec la seconde, car si la critique individuelle demeure bien venue, personne n'osera se mettre le nombre à dos en l'admonestant vertement.
Autocensure et part des choses, toutes les deux sont nécessaires pour qu'il puisse y avoir débat public.
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