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La philosophie au ras des pâquerettes.

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
27 avril 2010, 06:56   La philosophie au ras des pâquerettes.
Nicolas Sarkozy à l’école de la haine
par ALINE LOUANGVANNASY, professeur de philosophie
22.04.10 Le Monde


Comme à son habitude, le discours présidentiel sur le thème de la sécurité mêle habilement les questions de la grande criminalité, de la délinquance et de la difficulté scolaire. Le 20 avril 2010, sur fond de débâcle électorale, Nicolas Sarkozy s’est contenté simplement de durcir le ton, ce qui en matière de politique éducative — l’éducation étant maintenant incluse dans les problématiques liées à la sécurité — témoigne du profond mépris dans lequel il tient la communauté scientifique qui a planché récemment sur la question de la sécurité à l’école, et de la grande vanité ou de l’aveuglement de cette même communauté scientifique.

La construction du discours vise à nous faire croire que nous sommes face à un seul et même phénomène (les mêmes causes explicatives nécessitent les mêmes réponses) qui se décline selon une différence de degré. À chaque palier correspond un personnage : le truand, le voyou et maintenant le perturbateur. Le perturbateur est un voyou en puissance, lequel ne peut avoir qu'un destin de truand. Le paragraphe qui précède l’annonce des mesures pour endiguer la violence scolaire — vision hallucinée d’un climat de terreur urbaine — est significatif de cette confusion des registres.

« [Les violences] montrent le désarroi des truands ( 1) qui amassent des fortunes sur le malheur des autres. Et ces truands se vengent en agressant les policiers, les chauffeurs d’autobus, les sapeurs pompiers. Ces truands se défoulent en insultant et en lynchant ceux qui tombent dans leurs mains, qu’ils soient enfants, personnes âgées ou handicapés. Ils essaient de répandre un climat de haine et de terreur. »

Autant dire que le film de Stanley Kubrick, Orange mécanique, était prémonitoire de notre époque.

Le maintien de l’ordre nécessite une vitrine. Aussi il est important de délimiter un périmètre — le département de Seine-Saint-Denis – qui, par ses caractéristiques, pourra être le laboratoire « social » idéal dans lequel l’exception sera désormais la règle (2). Si l’expérience est concluante, on pourra ensuite la généraliser au reste de la population. Dans ce « parc humain » comme l’écrirait le philosophe Peter Sloterdijk, pour construire de la cohésion, il faut cibler un ennemi, cause de la violence et donc susceptible de corrompre le corps social. Ici il n’y a pas d’ambiguïté, l’ennemi ce sont les classes populaires originaires des flux migratoires principalement du Maghreb et de l’Afrique, « celles qui touchent les allocations familiales » et sur lesquelles se déploient tous les fantasmes collectifs construits sur l’opposition civilisation/barbarie. Un paragraphe du discours est bien évidemment consacré à la question de l’immigration, puisque « 40 % des jeunes de Seine-Saint-Denis ont au moins un parent d’origine immigrée ». Mais de la question de l’intégration, le discours glisse très vite vers le problème de l’immigration clandestine contre laquelle il faut absolument lutter : « Tout migrant en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays. Il n’existe pas de solution alternative. Toute autre politique, notamment celle d’une régularisation globale, conduirait au désastre, à un choc (3) dévastateur pour le pacte républicain ». À nouveau le ton est emphatique, il faut donner corps à la menace pour susciter la mobilisation.

La répétition de la nécessité de supprimer les allocations familiales aux mauvais parents, proposition que la grande majorité des élus, qu’ils soient de gauche ou de droite, refuse d’appliquer, n’a que cette seule fonction : désigner l’ennemi. Qu’elle soit appliquée ou non est tout à fait secondaire.

Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy va beaucoup plus loin. Il propose d’autoriser les juges à « interner », contre l’avis des parents, les adolescents « perturbateurs » dans des établissements spécialisés. Il ne s’agit plus simplement d’éloigner les mauvais éléments du troupeau pour les rééduquer, mais de priver de la solidarité collective et de déchoir de leurs droits fondamentaux toute une partie de la population. Ainsi lorsqu’il dit que « nous devons préserver à tout prix la sécurité de [nos] enfants », et bien voilà le prix qu’il nous faudrait payer.

(1) L’image du « désarroi du truand » a de quoi nous laisser perplexes lorsque nous savons que la récente réforme de la justice a minimisé le délit d’abus de biens sociaux.

(2) Autrement dit une zone de non-droit.

(3) Comment ne pas entendre ici une allusion subliminale au « choc des civilisations » ?
Il faudra un jour qu'il y ait un vrai débat également sur ce qu'a voulu dire Huntington en parlant du fameux "Choc des civilisations", car il est manifeste que la plupart de ses détracteurs, tout historiens ou philosophes qu'ils puissent être par ailleurs, ne l'ont pas lu.
Je suis entièrement d'accord avec M. Mèche.
Navrant en effet. Si Nicolas Sarkozy n'était pas président, et à la tête du pouvoir véritable, on ne sait pas ce que ces gens penseraient du réel. Le réel, la situation sociale véritable du pays, cesseraient de fournir matière à analyse et à pensée, il n'y aurait, sur cette matière qu'à appliquer les recettes habituelles par réflexe ancien (plus de moyens, de compassion, etc.) A vrai dire, l'homme Sarkozy est pour ces commentateurs "philosophes" une aubaine car il focalise toute leur pensée critique, voire toute leur capacité à penser l'état de la société. Sarkozy a tout faux et tout va mal en France à cause de Sarkozy. Sur un plan purement formel, il faut remonter à De Gaulle pour trouver un président élu qui fascine et monopolise ainsi sur sa personne toutes les pensées et tous les discours de l'opposition de gauche. (Il doit y avoir de ce fantasme là, chez un Badiou : être pour N. Sarkozy ce que Sartre était pour De Gaulle).

Je relis cet article du Monde et je ne sais pas ce qu'il dit. Dit-il que "les classes populaires issues de l'immigration" sont injustement "stigmatisées" par M. Sarkozy ? Que la criminalité qui y règne n'est qu'une vue de l'esprit ? Je ne sais pas. Il n'y a pas de conclusion, ni de thèse discernable dans ce ron-ron. Cela se présente comme une l'analyse et une "dénonciation" d'un discours (celui de N. Sarkozy) derrière lequel le réel n'est pas même envisagé, comme si toute vérité sur lui était de longue date entendue, sous-entendue et immuable, et qu'à l'énoncer en termes clairs et affirmés, sans parler de l'affronter, il n'y aurait pas le moindre intérêt, pas le moindre gain, et que toute entreprise de dénonciation de discours reste préférable à l'énonciation et donc au dévoilement des faits en référence. Ce type d'approche voilée du réel (chose entendue et qui ne mérite pas qu'on s'y attarde) caractérise cette doxa.
"Il est un analphabétisme de l'âme qu'aucun diplôme ne guérit."

Nicolás Gómez Dávila.
Les guillemets dans : les adolescents « perturbateurs » sont du plus haut comique. On se demande dans quelle sombre, dans quelle lointaine retraite vit et "philosophe" cette dame.
Utilisateur anonyme
27 avril 2010, 09:53   Re : La philosophie au ras des pâquerettes.
Après une rapide recherche sur google, on s'aperçoit que Mme Louangvannasy est responsable de la "CGT éduc'action" dans le Midi. La CGT des philosophes en somme...
La Philo pour les nuls !
"... pour construire de la cohésion, il faut cibler un ennemi, cause de la violence et donc susceptible de corrompre le corps social."

Ça, pour le coup, c'est rigoureusement exact. Mais on en a autant pour d'autres :

- La haine du patronat pour fédérer les prolétaires ;
- La haine de Sarkozy pour fédérer les socialistes ;
- La haine de Le Pen pour fédérer l'humanité ;
- La haine de l'Occident pour fédérer les pays du Tiers-Monde ;
- La haine d'Israël pour fédérer le Dar-al-Islam...
Utilisateur anonyme
27 avril 2010, 10:55   Re : La philosophie au ras des pâquerettes.
Si bancal, si creux que puisse être ce "discours philosophique" , il devient "vrai" dans la mesure où il constitue la réalité quotidienne qui nous environne et par rapport à laquelle nous nous définissons. Ce discours, dont on ne sait pas ce qu'il dit (F. Marche) - ou alors on ne le sait que trop bien, c'est trop h'évident -, est la "vérité" dans laquelle nous baignons. Comme le répètent les gauchistes, rien n'est innocent.
Utilisateur anonyme
27 avril 2010, 11:14   Re : La philosophie au ras des pâquerettes.
Évident mais pas trop quand même sans quoi Mme Louangvannasy n'aurait aucun mérite à proposer ses brillants "décryptages" dans les colonnes du Monde. Il faut pouvoir affirmer qu'on voit l'invisible, le détail caché qui tue, le lapsus sarkozien qui dénote sa politique raciste et fascisante, bref, il faut pouvoir encore prétendre qu'on s'attaque à la doxa.
Et puis : qu'est-ce qu'un tel article dit de la presse, de la grande presse, de ce qui fut, à une certaine époque, la grande presse ? (Je me mets à faire du Péguy, maintenant...)

Qu'un tel article (et c'est le cas pour des centaines d'autres ; il en est d'ailleurs de bien pires) ait obtenu l'assentiment de la rédaction d'un grand journal fait froid dans le dos.
Ah, je n'avais pas compris que cette petite rédaction de collégienne avait paru dans Le Monde.
Décidément, c'est toute une institution qui s'écroule.
N'est-ce pas plutôt un texte issu d'un "blog" du Monde.fr ?
Méta-discours et déréelisation sont désormais la matière politique d'un territoire qui n'est plus, perdu et déserté. Les territoires de la pensée, comme l'avait prévu Deleuze, sont défaits (déterritorialisés) à présent pour de bon: le terrain politique a été évacué par l'action des métadiscours. Le réel n'intéresse plus la pensée. La pensée s'est en-allée dans le méta-discours, territoire du faux et du mensonge qui, pour être régnant, n'est pas plus dénonçable qu'énonçable. Le "discours" de cette philosophe ne peut plus être dé-noncé car son énonciation (soit sont contenu véritable) est parfaitement évaporée.
Utilisateur anonyme
28 avril 2010, 16:36   Re : La philosophie au ras des pâquerettes.
Vers quoi tend ce discours ? Personnellement je ne crois pas à l'objectivité, mais je crois à la nécessité de tendre à l'objectivité. Je ne crois pas à la vérité pure, pas plus qu'au réel pur. Pourtant, la pensée, l'exercice même de la pensée, ne peut pas ne pas s'intéresser au réel.
La pensée de Mme ALINE LOUANGVANNASY, telle qu'elle s'offre dans ces lignes, apparaît comme le fruit d'un étrange désintéressement du réel. Je ne sais pas au juste ce qui protège ce désintéressement; il se peut que ce soit soixante années de pouvoir de la syndicature au sein de l'éducation nationale. C'est un désintérêt foncièrement aristocratique. Marie-Antoinette, Mme Caucescu, à ceux qu'elles pensaient être leurs enfants, ne disaient pas autre chose: mes enfants, vous êtes bons, vous n'avez aucune raison de m'exécuter. Vos raisons sont ailleurs.

Toute la bourgeoisie française, le coup tendu au couteau, répète à ses bourreaux cet étrange métadiscours: vous êtes mes enfants, vous n'allez tout de même pas m'égorger, si? quand ceux qui vous lèsent et se révèlent tels dans leurs discours, sont autres que moi...

C'est la gauche marie-antoinettiste qui s'exprime sous la plume de Mme Louangvannasy. Il y a dans cette dénonciation des discours qui vaut dénégation du réel, une manière aristocratique et particulièrement féminine d'inviter et d'innocenter le couteau.
Utilisateur anonyme
28 avril 2010, 20:46   Re : La philosophie au ras des pâquerettes.
... comme le fruit d'un étrange désintéressement du réel.

Vous avez raison M. Marche le réel, c'est bon pour les "beaufs". Nous savons aujourd'hui plus de choses que l'homme, avant nous, n'en a jamais su. Mais il semble que nous - je veux dire ceux qui parlent pour nous - en comprenions de moins en moins. Nous vivons aujourd'hui dans une société bloquée. Au plan philosophique et idéologique nous ne cessons d'osciller entre des excès inverses (négation du réel/obsession du réel), sans parvenir à trouver un équilibre.
29 avril 2010, 01:54   Fumette
Cette pauvre Mme Louangvannasy se voit à la fois accusée d'avoir le nez dans l'herbe et la tête dans les méta-discours et la "déréélisation".
Au demeurant, ces deux derniers travers ne constituent pas vraiment une nouveauté, depuis qu'on s'est mis en tête de s'enquérir du réel il ne cesse d'échapper. Tout de même, de ce point de vue, l'assise n'a jamais été si solide qu'on puisse reprocher à cette dame autre chose que d'être un épigone tâcheron.
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