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Mitterrand vu par De Gaulle

Envoyé par Henri Rebeyrol 
Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, tome II, Fayard, 1997, p 578-80


Le 15 septembre 1965, quatre mois avant le premier tour des élections présidentielles et vingt ans après la capitulation de l’Allemagne, Peyrefitte s’entretient avec DG des candidats qui lui seront opposés en décembre 1965.


"Au nom de Mitterrand, le Général éclate franchement de rire. « Le Rastignac de la Nièvre ? Léon Noël, qui était mon délégué pour le RPF dans ce département, m’a raconté que Mitterrand, lors de sa première campagne, en 46, se mettait au premier rang de la cathédrale de Nevers, à genoux sur un prie-Dieu, la tête dans les mains. L'évêque disait à Léon Noël, en joignant ses doigts avec extase : " Comme il est bien, ce Mitterrand, c'est tout à fait ce qu'il nous faut." (Rire.)
A.P. — Vous l'avez rencontré vous-même ?
GdG. — II est venu me voir à Alger dans l'hiver 43-44. Il a mis du temps à me parvenir. Il avait travaillé pour Vichy avec tant de zèle que ça lui avait valu la francisque. Il était entré dans ce corps d'élite. Voyant que ça allait tourner mal, il a voulu se dédouaner en entrant dans un réseau. Il est arrivé à Londres. Il est allé trouver d'abord les Anglais et les Américains, qui n'ont pas été très chauds pour l'accueillir, puisqu'ils voyaient qu'il mangeait à tous les râteliers. À la fin des fins, Passy (le colonel Passy, chef du BCRA, Bureau central de renseignements et d'action) l'a vu, l'a cuisiné, l'a expédié sur Alger, me l'a fait recevoir avec une fiche le présentant comme un personnage douteux. Mitterrand m'a demandé de lui confier la direction d'un réseau Charette, qui marchait très bien sans lui. Je n'avais pas envie de risquer de mettre un agent double dans un mouvement de résistance. Je lui ai donc proposé de se battre, soit dans le corps expéditionnaire en Italie, soit comme parachutiste dans le corps qui serait le premier à prendre pied en France. Il a refusé les deux propositions. Je l'ai congédié : "Nous n'avons plus rien à nous dire. Eh bien si, nous avions encore à nous dire ! Il s'était arrangé pour prendre la tête d'un mouvement national des prisonniers et pour se faire nommer secrétaire général du ministère des Anciens combattants et Prisonniers.
AP. — II dit qu'il a été ministre dans le gouvernement de la Libération.
GdG. — C'est faux ! Un mensonge de plus ! C'est un imposteur ! Il a été nommé secrétaire général à titre intérimaire. Le ministre, c'était Henri Frénay. Mitterrand a essayé de le faire sauter en lançant son mouvement contre lui. Vous imaginez ! Le plus haut gradé du ministère prenant la tête d'une rébellion contre son propre ministre ! Il a organisé des manifestations, qui se massaient devant le ministère en hurlant : "Frénay au poteau !" (Rire. Le Général avale sa salive avec un petit sifflement.) Je l'ai convoqué au ministère de la Guerre. Il est arrivé avec deux acolytes. Il m'a prétendu que les prisonniers avaient bien raison d'être en colère. Je lui ai dit : "De deux choses l'une. Ou bien, vous ne pouvez rien pour empêcher ces désordres bien que votre mouvement les ait provoqués, et vous me remettez votre démission. Ou bien, vous êtes le chef et vous me signez l'engagement de faire cesser tout ça aujourd'hui même. Sinon, je vous fais mettre en état d'arrestation à la sortie de ce bureau." Il a demandé à se concerter avec ses deux acolytes dans l’encoignure de la fenêtre. Je lui ai donné trois minutes pour se décider. Je lui ai dicté la formule. Il a obtempéré.
AP - Si vous avez gardé ce document dans vos archives, vous devriez le publier !
CdG - J’y avais pensé dans le temps, mais ce n’était pas possible de le publier, il y avait deux fautes d’orthographe (Gros rire. Il met quelques secondes à se reprendre). Eh bien, Mitterrand, il aurait des voix. Il aura les voix socialistes, s’il n’y a pas de candidat socialiste. Il aura les voix communistes. Il aura quelques voix radicales, mais c’est pas grand-chose. Ce sera comme le cartel des non en 1962".
Merci JGL. Cette évocation du "sauteur de haies" du Luxembourg me ravit.
15 avril 2010, 17:02   Re : Mitterrand vu par De Gaulle
On a ici en détail le passé vichyste de Mitterrand :
serumdeliberte.blogspot.com
Malgré tout, Mitterrand a toujours été un faux homme de gauche, comme Chirac un faux homme de droite.
18 avril 2010, 12:45   Critique
Il s'agit ici de l'ironie d'un homme fait sur les démarches d'un homme qui se cherche (et qui deviendra l'homme éminent que l'on sait), rapportée par un compère du premier dans le cadre d'une partie de bonne humeur entre hommes du même bord, et livrée ici, dans ce forum, par un lettré de droite. Je m'étonne qu'on présente ceci comme l'avis historique d'un grand personnage.
"Lettré de droite", j'ai quelque répugnance à répondre à cela, à cause du sentiment désagréable de déroger, même si ces étiquettes dont on a honoré naguère Simon Leys, Aron, Revel, Muray, Orwell et des milliers d'autres pouvaient satisfaire ma vanité, si j'en avais. Quoi qu'il en soit, c'est mieux que le contraire "illettré de gauche", comme "nouveaux réactionnaires" était préférable à "nouveaux actionnaires".

Ces étiquettes sont les cris de ralliement des meutes. La politique, c'est comme le football ou la Guerre du Feu ou la Guerre des boutons ou la lutte des classes dans les écoles primaires d'autrefois : on est yankee ou ultra, auteuil ou boulogne, CM2 ou CM1, Velrans ou Longeverne, de droite ou de gauche. Comme les yankees, les hommes politiques ne trouvent que des avantages à cet étiquetage : ils peuvent ainsi mobiliser facilement la meute ou la horde (la harde ?) contre la horde d'en face et ainsi ne jamais perdre les privilèges qu'ils tirent de l'exercice de leurs mandats, quels qu'il soient.

Ces mots de "droite" et de "gauche" ne veulent rien dire. Pour le comprendre, il suffit d'un peu "d'usage du monde" : en un mot être sorti de son trou. Prenons deux pays. Le premier a un régime socialiste et "de gauche"; le second est une monarchie autoritaire "de droite". Le premier est vénéré par la "gauche" mondiale; le second haï par la même "gauche", la "droite" elle gardant prudemment le silence. Le premier régime a été béni par les papes Sartre, Beauvoir, Berque, Lacouture, etc.; le second maudit par les mêmes. Le premier subit la tyrannie d'un parti unique et une corruption dont on n'a pas idée en France, sauf quand est d'Urba Gracco; le second tolère des espaces de liberté, une légère opposition, du dissensus. Dans les deux régimes, les intellos sont choyés de la même manière et accèdent tous ou quasiment tous au râtelier. Mais, objectivement, quand on est prolétaire, manoeuvre ou paysan, il vaut mieux vivre dans le second pays, haï par la "gauche", que dans le premier, sanctifié par la "gauche". Ce qui est vrai pour ces deux pays proches de la France l'est aussi pour les deux Corée, les deux Vietnam, la Côte d'Ivoire et la Guinée, etc. Cette vérité se vérifie universellement.

La connaissance assez précise des réalités de notre pays nous autorise à juger qui est "de gauche" et qui est "de droite". Entre 1958 et 1981, le partage des richesses entre le capital et le travail n'a cessé d'évoluer positivement en faveur du travail. En 1981, la part de la valeur ajoutée revenant au travail était de l'ordre de 72 ou 73%, le capital ne recevant que 27 ou 28 %. Jamais dans l'histoire de notre pays, les travailleurs (je dis "les travailleurs", pas la nomenclature ni les subventionnés ni les fonctionnaires ou assimilés) n'avaient reçu une part aussi important du gâteau : plus de deux fois la part dévolue au capital. En 12 ans, de 1981 à 1993, la "gauche" a réussi à faire tomber la part du travail à moins de 60% et à faire passer la part du capital de moins de 30% à plus de 40%. Pendant la même période, Delors, l'homme "de gauche", a, avec les lois et réglementations touchant les SICAV monétaires, offert aux rentiers une manne presque inépuisable (d'importants revenus sans impôts, ni prélèvements sociaux - ce qui est fort de café pour un homme "de gauche"), dont aucun gouvernement français depuis Mazarin avec sa tontine (et encore ?) n'a jamais osé faire cadeau à quelque classe sociale que ce soit. C'est aussi à partir de 1985 que "la gauche", qui a créé, entre autres, le MATIF, a transformé les anciennes 200 familles faisant du capitalisme national assez bon enfant et même "partageux" (contre son gré peut-être) en requins de la finance internationale...

Il se trouve que pendant cinq ans, de 9 à 14 ans, j'ai fait le petit paysan les jeudis, dimanches, jours fériés, pendant les vacances, chez ma grand-mère, veuve, qui essayait de survivre sur 10 ha de mauvaises terres; et que depuis l'âge de 14 ans, je n'ai cessé de travailler : d'abord pendant les vacances, puis après 16 ans, toute l'année, faisant tous les "métiers" possibles, manoeuvre pour un maçon, employé dans une cave viticole, contrôleur de gare intérimaire, gratte-papier à la Mutualité agricole, maître d'internat, etc. Je puis assurer que les prolétaires que j'ai rencontrés au cours de ces années-là avaient un mépris sans borne (réciproque) pour les lettrés ou les illettrés, plus souvent illettrés d'ailleurs, "de gauche", tous fonctionnaires ou assimilés, parce qu'ils savaient de science sûre que ces fonctionnaires et assimilés étaient à leur charge du berceau au tombeau et que, quand ils exerçaient le pouvoir, ils ne l'exerçaient qu'à leur profit ou à celui de l'immense clientèle des ayants-droit, des mangeurs de subventions, des quémandeurs d'allocations, etc. Trois mondes sociaux ont disparu ou sont à l'agonie. L'herbe ne repoussera plus depuis que Mitterrand est passé par là. Ces mondes sont les paysans, les ouvriers, le capitalisme familial, provincial et attaché à l'intérêt national. C'est ce que l'on peut nommer "la France qui tombe". Permettez-moi de préférer cette France-là à celle de Canal +, du PS, du clergé de l'Education nationale dont le seul cri de ralliement est "nos dîmes, nos dîmes, nos dîmes".
Je recommande à chacun la lettre de la savoureuse nouvelle de Marcel Aymé "En arrière" qui moque ces milliardaires qui sont pour la révolution et le peuple, et contre l'argent et les bourgeois ; s'ils le sont,c 'est pour que marchent bien leurs affaires, justement.
La nouvelle conserve toute sa pertinence : on peut même s'amuser à imaginer des noms contemporains derrière les personnages.
"Ces mots de "droite" et de "gauche" ne veulent rien dire", assez plaisante entrée en matière pour un message où il ne sera question que des infamies incurables de "la gauche".

Cela rappelle un peu l'attitude mentale de ces féministes enragées qui commencent par poser que la distinction entre "homme et femme" ne veut rien dire, avant de prononcer un réquisitoire en règles contre "les hommes"...
En effet, c'est un peu l'argument du chaudron...

(Et quand on se rendra compte que les féministes ont tout bêtement été au devant du désir profond des hommes, qui ne rêvaient que de partager le poids du phallus...)

Utilisateur anonyme
29 avril 2010, 12:51   Re : A la Bastille on l'aime bien Ni-Ni peau d'chien
Ces mots de "droite" et de "gauche" ne veulent rien dire",

C'est toujours à droite qu'on dit cela... Pas étonnant, puisque la droite ignore souvent tout ce qu'elle porte en elle. Ainsi elle n'a jamais complètement pris conscience, sur le plan formel, de tout ce que ses aspirations impliquent. Finalement, la gauche n'est forte que de la faiblesse idéologique de la droite, et de ses doutes, de ses hésitations.
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