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Sauvés par la Corne d'Abondance!

Envoyé par Gérard Rogemi 
Je fais une nouvelle fois appel au blog Le meilleur des Mondes. Mais par pitié ne jetez pas la pierre sur le messager.


Sauvés par la Corne d'Abondance


Sauvés! Nous sommes sauvés.

Ils étaient tous là, nos chefs d'Etat européens, venus au chevet d'une Europe financière agonisante. Les discussions se sont poursuivies tout le week-end, avant et après le sommet proprement dit. Il fallait contrer les vils, les odieux spéculateurs. A l'aide de quelques décisions bien senties, il fallait rassurer les marchés. Remettre de l'ordre dans la maison. Exprimer sa confiance dans l'Euroland et restaurer le bon droit européen et la qualité de son économie.

Et ils n'y sont pas allé de main morte. Un fonds de stabilisation de 440 milliards d’euros. 60 milliards d'euros de facilité de paiements pour la Grèce, comme ça, c'est cadeau. 250 milliards d'euros d’aide du FMI. Tout ça prêt à l'emploi, à disposition pour faire taire les ignobles vautours et autres charognards rôdant près des bourses.

Ce lundi, les places financières européennes ont éclaté dans une explosion de vert. Les records ont été battus dans l'euphorie de la confiance revenue.

Tout va bien. Il n'y a plus de raison de s'inquiéter. La crise est jugulée - mieux que ça, elle est résolue. L'Europe en est sortie grandie, plus mature aussi...

Les optimistes feraient mieux de ne pas poursuivre la lecture de ce billet plus avant!

...N'importe quel quidam avec un peu de jugeote, même s'il ne comprend pas grand-chose à la haute finance, devrait se douter que quelque chose ne tourne pas rond. Vendredi, l'Europe est dans l'impasse, la cessation de paiement menace, les pays de la zone euro sont au bord de l'effondrement. Lundi, tout va bien?

L'Europe vient tout simplement de trouver de l'argent frais en quantités homériques. Pensez donc, de 500 milliards d'euros - 500'000'000'000 si on l'écrit en chiffres - on peut en faire des choses. Ca représente tout de même 1'500 € par habitant de l'Euroland, du nourrisson au grabataire, car ils ne sont que 322 millions.

C'est une sacrée somme.

C'est étonnant qu'on ne l'ait pas trouvée avant. Voire, qu'on ne s'en serve pas pour résorber les dettes qui étranglent ces états vivant au-dessus de leurs moyens... Après tout, à combien se monte la dette par habitant des social-démocraties européennes, déjà?

A moins qu'il ne s'agisse de nouvelles dettes. Ou de pire encore.

Penchons-nous dans les détails de ce plan, soulevons quelques cailloux.

Si 500 milliards d'euros redonnent de si belles couleurs aux marchés financiers, c'est parce qu'ils détestent l'incertitude. L'Europe politique a engrangé un premier succès: elle a annoncé qu'elle ferait faillite plus tard.

Dans l'intervalle, elle a trouvé le moyen de se couvrir. La Commission Européenne disposera d'un premier niveau de fonds de 60 milliards, qu'elle empruntera. Ensuite Les quinze membres de l'Euroland annoncent qu'ils se protègeront les uns les autres en s'accordant des prêts bilatéraux.

Comme ils sont tous endettés jusqu'au cou, cela ne suffira pas. Les deux premières couches du plan consistent donc en:

1. davantage de dettes;
2. des dettes partagées.

Pas terrible. La suite est plus prometteuse. On arrive enfin au centre du dispositif, le coeur de l'étoile noire: la Banque Centrale Européenne (BCE). Celle-ci annonce que, désormais, elle acceptera de prendre en dépôt des obligations souveraines. Certains économistes disent dans les colonnes du Nouvel Observateur que cette décision revient à actionner un bouton nucléraire, et le terme n'est pas trop fort - dans le monde de la finance en tous cas.

Qu'est-ce que cela veut dire?

Eh bien, revenons en arrière de quelques jours. Vous vous rappelez lorsque le gouvernement grec geignait parce que sa note était dégradée? La dette souveraine grecque est descendue au niveau junk bonds, des dettes spéculatives dont on ne sait si l'emprunteur les remboursera ou non.

Désormais, la BCE accepte de prêter à ce genre de clients.

Il s'agit d'un affaiblissement considérable de la signature de la BCE. Car si la BCE accepte de prêter à des débiteurs douteux, ses créances deviennent également douteuses. De proche en proche, son bilan et la confiance qu'elle inspire sont affectées. De plus, avec des conditions aussi "avantageuses", on imagine sans peine que les clients les moins fiables (Portugal, Espagne, Irlande, Grèce...) vont se bousculer au portillon, et remettre leurs plans de rigueur, déjà bien timides, à plus tard.

Il va falloir la créer, toute cette monnaie empruntée. Comment la BCE va sortir tous ses milliards d'euros de ses coffres? Elle ne les a pas. Elle va les créer de toutes pièces (c'est la fameuse "planche à billets"). Nous allons donc assister à un retour de l'inflation et une contamination de l'endettement à tous les pays de la zone euro, banques centrales comprises. La dette des pays d'Europe est devenue la dette de l'Europe. Il sera encore moins possible de contingenter la panique à un seul pays comme la Grèce; tous chuteront ensemble désormais. Lorsque la prochaine crise surviendra, elle sera dix fois plus puissante que celle que nous venons de traverser.

En surface, tout va rester calme pendant quelques mois, mais comme aucun pays ne réduit sa dette d'un iota, la crise est tout sauf résolue.

Il y a de quoi être rassuré, en effet...
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