Le site du parti de l'In-nocence

Ces « pagailles » que l’État faible sous-estime

Envoyé par Marcel Meyer 
Le bloc-notes du jour.

Ces « pagailles » que l’État faible sous-estime

Chapeau bas à José Luis Zapatero, alias Bambi. Confronté, le week-end dernier, à une grève sauvage des contrôleurs aériens espagnols, le premier ministre socialiste a brisé net le mouvement. Il a envoyé l’armée dans les tours de contrôle, promulgué l’état d’alerte, menacé de poursuites les récalcitrants. Cette métamorphose d’un doux est d’autant plus spectaculaire qu’elle émane aussi d’un des promoteurs du « soft power », cette doctrine qui promeut l’apaisement en tout. Les Espagnols ont toutes les raisons de se réjouir de cette fermeté. Qu’attend la France pour assumer, à son tour, la politique du coup de poing sur la table ?

Quand Brice Hortefeux assure mercredi, par excès d’optimisme, que la neige sur l’Ile-de-France ne créera pas de « pagaille généralisée », le ministre de l’Intérieur raisonne, comme en réflexe, en sous-estimant une réalité. Or ce comportement est souvent la réponse publique aux désordres plus graves qui affectent la société. Mardi, sur RTL, le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, a dit vouloir mener « la guerre contre la délinquance ». « La peur doit changer de camp. » Mais combien de fois ces propos ont-ils été entendus ? L’État a bien sûr le désir de répondre aux insécurités. Mais il ne s’en donne pas tous les moyens.

Il est d’usage de faire peser sur la justice le laxisme qui permet aux voyous de défier la police. De fait, la réponse pénale faiblit à mesure que la délinquance augmente. Remarque du député UMP Éric Ciotti ( Le Figaro, 4-5 décembre) : « Alors que nous vivons dans une société où la violence progresse, le nombre de détenus ne cesse de diminuer. » Mais c’est l’État qui a dispensé de prison les condamnés à moins de deux ans. C’est lui qui encourage le placement alternatif. «La justice est un bateau ivre » , assure le juge Didier Gallot, qui reproche aux politiques de s’en prendre davantage aux « honnêtes gens » (délits routiers, outrages divers, etc.) qu’à la grande délinquance. Cela ressemble à une lâcheté.

La main tremble encore. Derrière le discours de l’ancien ministre de l’Immigration, Éric Besson, disant vouloir maîtriser l’immigration, Le Journal du dimanche révèle que les expulsions ont été en baisse de 6 % sur un an (malgré les reconduites des Roms), que les visas d’entrée pour raisons familiales et les demandes d’asile ont été en hausse de 8 %. Une langueur empêche même l’État bouffi de maigrir. «La France est droguée à la dépense publique », se désespère le député UMP Gilles Carrez, qui voit progresser les budgets sociaux. Cette mollesse peut être fatale. Montée en puissance de Marine Le Pen « L’immigration illégale doit baisser et elle baissera » , assure pourtant Hortefeux ( Le Figaro, mercredi), qui a repris le dossier laissé par Besson. Cependant, la montée en puissance de Marine Le Pen, qui recueille cette semaine 27 % d’opinions favorables (Ipsos-Le Point), illustre la vacuité de tels propos quand ils n’arrivent pas à passer à l’acte. La prétendante à la présidence du FN, qui tente de se désolidariser du noyau dur de son parti représenté par Bruno Gollnisch, a beau jeu de souligner que le gouvernement ne sait pas faire respecter la laïcité quand il accepte des empiétements de l’islam démonstratif sur le domaine public. Ses critiques contre le communautarisme sont également de celles qui devraient être portées sans relâche par la majorité. Il faut «se bouger», admet Jean-François Copé, le patron de l’UMP. Et comment ! La droite ne se relèverait pas d’un échec dès le premier tour de 2012 face au FN.

Voyez l’école : elle paye l’effacement de l’autorité et le flou assigné à sa mission. Le classement international de l’OCDE sur les acquis des jeunes de 15 ans, publié mardi, montre que l’Éducation nationale est tirée vers le bas en lecture et en mathématiques, à cause d’une proportion toujours plus importante (22,5 %) d’élèves qui peinent à lire et à comprendre. Mais cette déculturation, qui produit des déclassés n’ayant acquis ni les fondamentaux ni même parfois l’adhésion à leur pays, est aussi le fruit d’un multiculturalisme qui s’est développé dans l’indifférence d’une République ayant parfois bradé jusqu’à sa langue officielle. La réponse de Luc Chatel visant à lancer un « plan Sciences à l’école » risque d’être vaine, si ce constat préalable d’un échec de l’intégration n’est pas corrigé.

Reste que cette pagaille-là est aussi une des conséquences d’une légale immigration de peuplement, dont le pouvoir semble vouloir négliger les effets négatifs pour ne retenir que la perspective, présentée comme réjouissante, de compter 73 millions de Français en 2040. La démission de la République se mesure, en l’occurrence, à son incapacité à s’opposer à ce qui ressemble pourtant de plus en plus, ici et là, à une contre-colonisation d’une partie de ses territoires perdus. Faut-il se résigner à ces appropriations et à ces repliements, au prétexte d’encourager la France des minorités ? Dédramatisation surjouée «La France a perdu le sens des réalités » , estime l’économiste Christian Saint-Étienne ( La Tribune, mercredi), qui dénonce le refus de s’attaquer sérieusement à ses déficits, contrairement à ses voisins. Cette critique vaut pour le reste. Et la persistance du pouvoir à surjouer la dédramatisation pourrait bien semer le trouble auprès d’un électorat qui redoute un État ayant accepté sa propre faiblesse. Obama « manque de courage » «Manque de courage» : une accusation que même des démocrates américains portent aujourd’hui à Barack Obama ( Le Figaro d’hier), porte-drapeau de ce « soft power » qui affaiblit les États-Unis aux yeux du monde.

Ivan Rioufol
Le Figaro, 10 déc. 2010
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter