Lettre à Renaud Camus

Lettre à Renaud CAMUS




Je me permets de vous écrire ces quelques mots car l'annonce de votre candidature aux élections de 2012 va me permettre de ne pas prendre mon chemin routinier de l'abstention. En effet j'y vois un espoir que le jeu de quilles habituel pourra être ébranlé. Mais dans les deux types de campagne que je crois possibles pensez-vous qu'on vous laissera loyalement exposer vos idées ?



1° Une campagne de témoignage, une tribune loyale ?

Comme le système électoral est caduc et que les «élites» sont durablement disqualifiées, il y a une occasion formidable avec la campagne de 2012, de dire ces faits.
Ce serait une occasion inespérée de démontrer en quoi le gouvernant, quelqu'il soit, est un imposteur et particulièrement dans la Ve République où le jeu personnel tourne à la bouffonnerie saumâtre. Le syndrome Fujimori a fait des métastases dans toutes les soi-disant démocraties. Je crois qu'il est temps de déclarer que le roi est nu, comme dans le conte. Il faut passer à autre chose. La légitimité post-démocratique étant caduque, il faut innover, et il faut impérativement arracher de ces soi-disant «élites» que nos vies - nos pauvres vies uniques et fragiles ! - ne soient plus réglées par des gens qui, éthiquement, culturellement et même psychiquement n'ont aucun droit à y toucher.


2° Une campagne s'insérant dans la joute des partis ?


Le risque n'est pas négligeable de mettre les pieds dans un monde où il y a beaucoup de coups à prendre (car les maîtres du jeu sont seuls à disposer des fils qui ouvrent les chausses trappes) . Ce sont les règles de la connivence aussi qui biaisent tout, imposent les thèmes, les faux-vrais enjeux, les interdits, du FN au PCF via l'UMPS, tous sont d'accord pour mener une farce assez fade. En un mot, il y a grand risque à mettre les pieds dans un monde où, délibérément, l'électeur est tenu pour un crétin. Il y a à perdre à se trouver confronté aux interlocuteurs institutionnels qui ne font pas semblant d'ignorer mais qui, réellement, ne sont pas dans la capacité de comprendre votre univers, le vôtre, Renaud Camus (sinon des approximations, des amalgames....) . Qu'on s'imagine filmée au ralenti cette galerie de portraits qui vous attend, ne peut-on pas en avoir un certain malaise ? Fogiel, Xavier Bertrand, Guillaume Durand, Noël Mamère, Jean-Luc Châtel, Jean-Paul Huchon (roi d'Ile de France !)... ? Nous sommes nous-mêmes lassés de ces foires-Téléthon de la médiocrité, où l'on se demande comment ces dirigeants bouffis de vanité peuvent justifier leur infatuation (sinon la jouissance du pouvoir et des prébendes ?).
Rester au dessus de la mêlée (une mêlée convenue), le défi est là parce que les discussions ne sont pas possibles, comment jouer avec des tricheurs ?
Certes il faut agir sur la réalité et ne pas se contenter de contempler l'inexorable effondrement d'une civilisation, de la destruction de notre cadre de vie, d'un art de vivre. La vie vaudra-t-elle d'être vécue à l'horizon 2020 ? Pour ceux qui ne sont pas très exigeants, certes oui... Devant la Tiers- Mondialisation, pareille à une descente aux Enfers, je ne vois pas d'hommes politiques -insérés dans le système- qui aient la stature d'agir et même la clairvoyance de discerner ce qui est en gestation (on exclura les pervers -on sait qui !- qui comme Néron y prennent un évident plaisir *). Agir, est, au stade actuel se protéger d'eux et de leurs effets (l'horizon 2020 est peut-être celui des catacombes de Rome). Puisque l'irrémédiable est sous nos yeux (il n'y a pas à geindre, à se vautrer mélancoliquement dans les nostalgies), il faut penser à la partition. Il faut reprendre le concept qui a permis à la France de sortir des Guerres de Religion, celui des «places de sûreté». Ces places de sûreté, un peu comme des Bantoustans ou des réserves indiennes, seraient des aires dévolues aux derniers civilisés. C'est cela savoir s'organiser. Le reste du territoire national devra être cédé à l'«évolution naturelle» (si l'on peut dire...), Languedoc, Ile de France, Lille-Roubaix-Tourcoing, les mégalopoles régionales. C'est pourquoi il faut lutter contre le concept de «mixité sociale» laquelle n'est qu'un procédé pour accélérer la destruction des civilisés (c'est à dire ceux qui partagent notamment les idées de l'Europe des Lumières, grosso modo). On notera que nos politiques néroniens poussent de hauts cris en désignant la «France Moisie» d'un doigt tremblant d'une hystérie difficilement maitrisable et nous offrent sur un plateau comme un idéal féérique leur «France Pourrie». Manque la putréfaction pour illustrer ces temps de Peste...


* Ils sont plus nombreux qu'on ne croit, ils ont pour logique : «non seulement soyons gavés de profits, mais nous jouirons d'autant mieux que les autres autour de nous seront dans la souffrance», ce sont, par exemple, en Angleterre ces politiques qui transforment leur pays en bidonville.



En vous remerciant de votre attention, avec ma meilleure considération,