Il a pour moi des mots câlins
Et me dit d'une voix gentille,
Tout en clignant ses yeux malins :
- Tu n'es qu'une petite fille.
Moi qui serais bien sa maman,
je ne puis m'empêcher de rire;
Mais je tiens à mon doux roman
Plus que je ne saurais le dire.
Et petite fille en effet,
Contre lui je suis sans défense.
Il est la cause et moi l'effet,
Par lui je respire et je pense.
Sans souci du lieu ni du temps.
Sa voix qui me charme est la même
Que j'entendis en mon printemps.
Et c'est mon printemps puisque j'aime.
Et sans rire du mot câlin,
J'écouterai sa joie gentille
Me répéter d'un ton malin :
- Tu n'es qu'une petite fille.
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Se rend-il compte de la disproportion
De nos âges ?... Je crois qu'il n'a pas notion
De cela qui me grise et pourtant me ravage
Et fait que dans mes mains je cache mon visage.
A son dernier voyage il fut indisposé
J'aurais voulu le voir et je n'ai pas osé,
Car il est descendu dans un hôtel très digne.
Je lui dis : - Tu pouvais pourtant me faire signe
Et dire : - C'est ma tante. Elle vient me soigner.
- Non. Ce n'est pas ainsi qu'il faut te désigner,
Toi que j'ai dans mes bras tant de fois enlacée.
J'aurais dit : - C'est ma fiancée !
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Tu daignas en pleine jeunesse,
Doté de tous les dons du ciel,
Jeter les yeux sur ma vieillesse,
M'offrant ton amour, ce doux miel.
Quoique l'on me dise à voix basse
Que, papillon, tu n'es pas sûr,
Que l'objet d'amour vite lasse,
Plus encor s'il est d'âge mûr.
N'importe !... A l'hiver de mon âge
Je puis me croire au temps des nids.
Aussi, volage ou pas volage,
Ami très cher, je te bénis.
Jane Guy
Printemps d'arrière-saison (1936)
Jane Guy
Printemps d'arrière-saison