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Nomenklatura chérie

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
10 janvier 2011, 15:03   Nomenklatura chérie
Les cérémonies de vœux de la haute fonction publique ont ceci d’étrange que celui qui n’y arbore pas une rosette sur canapé se sent comme un resquilleur dans une grande première ou comme un immigré chez les Suisses. Crânes lisses, ventres rebondis, onction ecclésiastique, rondeur courtoise, reposante sérénité, plaisir d’être entre soi, membre d’un club d’honnêtes gens, voici ce qui donne à ces réunions ce style ronronnant si apaisant. Le bonheur des honorables membres de la Cour des comptes, du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation ne fait nul mal, à personne. Il est le plus souvent dû au mérite, aidé s’il faut d’une pincée d’intrigue, rarement de véritable bassesse. Et donc, ces lieux protégés, comme le fut dans un autre genre, le Tir au pigeon, enclave sereine, dans un bois de Boulogne qui l’est moins, seront un jour balayés par la pignouferie arrogante de nouveaux venus.

Et pourtant, je ne peux m‘empêcher d’être irrité par la boursoufflure de la haute administration, des innombrables instances officielles dont l’efficacité peut être mise en doute, quand ces institutions, ultimes avatars de la polysynodie de la Régence, ne sont carrément nuisibles. Les instances internationales font peut-être encore pis, avec par exemple le « groupe de personnalités de haut niveau » de l’ONU, surgi d’on ne sait quel consensus canaille. J’ai retrouvé un petit texte qui date de 2006, dont je ne connais pas l’auteur et qui s’en prenait à ce petit monde. J’ai vérifié sur le JO l’exactitude des références.

« Que ne publie-t-on quotidiennement le carnet mondain des Commissions et Conseils supérieurs pour annoncer baptêmes (fréquents), mariages (plus rarement) et décès (quasiment jamais) de ces instances en tout genre. C’est bien fâcheux, car on n’y lit que de bonnes nouvelles. »

« Ainsi, le Centre d'Analyse Stratégique CAS est né le 7 mars. Ce n'est pas une vraie naissance, le phénomène est plutôt de l'ordre de la métempsychose. Le commissariat du plan s’est réincarné. Probablement parce qu’on n’était pas insensible à la clameur du peuple privé de ce commissariat du plan. Certes, le CAS est doté d’un directeur général. Mais qu’arrive-t-il si ce directeur général disparaît ou s’il tombe simplement malade ? Le gouvernement, dans sa prévoyance, a devancé le gémissement du peuple et a doté le CAS d'un directeur général adjoint, suppléant naturel du directeur général. L’auteur du décret a donc prévenu notre panique. Fort bien, on a pensé au public, mais quelles seront la figure et la distinction de cet adjoint ? »

« Pour le savoir, il nous faut sacrifier à une agréable obligation et consulter derechef le décret. Qu’est le directeur général adjoint par rapport à ceux qui forment le comité d’orientation du CAS ? Rien car, il est sous le président délégué du Conseil d'analyse économique, sous le président délégué du Conseil d'analyse de la société, sous le président du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, sous le président du Conseil d'orientation des retraites, sous le président du Conseil d'orientation pour l'emploi, sous le président du Haut Conseil à l'intégration, sous même le secrétaire général des affaires européennes et encore sous le délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité du territoire" plus sous quelques parlementaires qui feront pâle figure quand ils échangeront les cartes de visite avec tous ces présidents. »

« Scrutons donc la question des dignités. O ! Saint-Simon, prête-moi ta plume ! L'habitude s'est prise, comme au Conseil d'Etat, que ce soit le Président de la République ou le Premier Ministre qui soit ici ou là président en titre. Nul ne déroge dans ces conditions s'il n'est que président délégué ou même vice président. Toutefois, qui est président du Centre d'Analyse Stratégique ? Personne ou presque rien ou sorti de rien ! le CAS n'a pas même un président délégué. Ainsi a-t-on privé le CAS de tout établissement. Le Directeur général et son adjoint sont de peu face à ceux qui ont un président ! Sauf injure, le directeur général, et, a fortiori l'adjoint, cèdent le pas et donnent la droite à la procession des commis de présidents et présidents délégués. Passent-ils tout même avant les secrétaires généraux ou délégués généraux ? Ceux-ci secouent les oreilles. »

« Levons les yeux et posons-les sur les présidents. Je laisse de côté le cas d'un premier président qui est une sorte de président des présidents et qui culmine tout naturellement. Le président du Conseil d'Orientation des Retraites, président à part entière, passe-t-il derrière un président délégué ? On peut soutenir et je soutiens que les présidents délégués sont revêtus du caractère du président en titre et doivent donc siéger sur un fauteuil à dossier, tout comme un premier président, ce qui est de toute mémoire interdit aux présidents ordinaires qui doivent se contenter d'un tabouret. Si bien que les premiers présidents et les présidents délégués ont, aussi loin qu'on remonte, posé leur pied sur l’épaule des présidents ordinaires. Fort bien, mais les présidents ordinaires peuvent-ils rester couverts quand les présidents délégués ont posé leur mortier ? Ce sont autant de points fondamentaux que le décret (pris en Conseil d'Etat) passe sous silence. Le temps presse. Sollicitons un nouveau décret qui tranche ces questions avant que le sang coule ! »

« La charge de ce comité d'orientation n’est point trop lourde, il se réunit deux fois l'an. Mais de l’autre main, si chacun est membre du comité d'orientation de l'autre, l’office est moins reposant : dix-huit conférences par an. »

« Voici pour le 7 mars. Le lendemain, bonne nouvelle pour le Conseil d'orientation de l'enseignement militaire supérieur. Soit, il existait déjà ; mais à peine. Il va enfin devenir un conseil de plein exercice. Le Ministre a abaissé les yeux sur son point faible : il n'embrassait pas la documentation. Et ce conseil a su émouvoir le Ministre. Son zèle déférent a reçu satisfaction : l’arrêté définit, par ailleurs, la politique générale de documentation de l'enseignement militaire supérieur. Il dispose à ce titre d'un comité directeur de l'enseignement militaire supérieur pour la documentation dont la mission et la composition sont fixées par instruction. »

« Si vous êtes aussi sensible que moi aux questions de protocole, j'attire votre attention sur le fait que ce n'est pas le conseil cette fois-ci qui est supérieur mais son objet, l'enseignement. Il s'agit donc d'un conseil de tout petit rang. En revanche, il ne faut pas le diminuer au point de le confondre avec le conseil d'orientation de l'enseignement militaire en maternelles qui sera, lorsqu'il sera créé, d'un rang encore inférieur, cette fois-ci encore par son objet. Il ne faut, en effet, pas comparer la supériorité d'objet qui est une toute petite supériorité à la supériorité d'état (ou d'Etat) qui seule compte, du moins pour les gens un peu nés. »

« Autre nouvelle qui réjouira, le même jour, deux nominations, un suppléant et même un titulaire à la Commission supérieure nationale du personnel des industries électriques et gazières. Cette fois-ci, faites attention à l'ordre des mots, ce ne sont ni les IEG ni le personnel qui sont supérieurs, mais la Commission qui est, en plus, nationale. A mon avis, ce double trait élève le rang de son président au-dessus des présidents de commissions et il domine peut-être bien un président de Haut Conseil. Je tiens qu’il ne doit rien raccompagner au-delà de sa première antichambre. »

« Le même numéro du Journal Officiel, annonce la nomination de gens titrés (à cartes de visites chargées) à une commission qui n'a rien de supérieur mais qui porte un nom qui donne envie d'en être : "Commission spécialisée dans la terminologie et la néologie des communications électroniques et des activités postales". Les internautes ont réagi massivement et posé la question des questions : "OK, mé Ké ce Ke Cé ?"

« Aujourd'hui encore, on apprend que l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (à ne pas confondre avec le Comité des entreprises d'assurances qui s'exprime également dans le même numéro du Journal Officiel) pourra désormais verser aux agents non titulaires de droit public sous contrat à durée déterminée ou indéterminée de l'ACAM une allocation complémentaire de fonctions. On s'en réjouit pour cette catégorie méconnue. »
« Cette allocation est calculée de la façon limpide, puisque l'allocation complémentaire de fonctions est allouée dans les conditions et suivant les modalités définies par le décret du 2 mai 2002 susvisé. »
« Cette indemnité est différenciée suivant :
- les catégories ou niveaux dans lesquels sont classés les agents
- les fonctions exercées, classées selon les critères de responsabilité, d'expertise, de sujétion ou de contrôle. »
« Ces critères peuvent se cumuler. »
« Chaque critère est affecté de taux de référence annuels en points, auxquels est appliqué un coefficient multiplicateur d'ajustement pouvant varier entre 0 et 3 pour tenir compte des caractéristiques des fonctions exercées ou de la manière de servir de l'agent. »
« Le montant de l'allocation complémentaire de fonctions est égal au produit de ces taux de référence annuels en points et de valeurs annuelles de point. »
« Les taux de référence ainsi que les modalités d'attribution de l'allocation complémentaire de fonctions sont ceux qui ont été fixés par l'arrêté du 2 mai 2002 susvisé ; ils sont reproduits en annexe. »
« La valeur annuelle du point est fixée par référence aux valeurs successives des arrêtés d'application du décret du 2 mai 2002 susvisé.
» (sic)

« La démographie et la vitalité de nos organes supérieurs de concertation nous rassurent sur la bonne santé du système. Ceci est d'autant plus réconfortant que cette fécondité paraît immunisée contre les changements de majorité. »

« Nous pouvons donc nous assoupir confiants, comme le passager de paquebot qui sait que quelqu'un veille, là-haut, sur la passerelle. »
10 janvier 2011, 15:27   Autant en emporte les CAS
Ce CAS-là m'en en rappelé un autre, millésimé 2004 ou à peu près. C'était pour désigner la création de Correspondants Absentéisme Scolaire. Que seront-ils devenus ? Aux abonnés absents ?
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