Je reste perplexe quant à certains interdits liés au jeu d'échecs. Je n'ai jamais entendu parler d'une interdiction de faire analyser ses parties par correspondance par l'ordinateur. De quel ordre serait cet interdit ? Moral ? légal ? Du reste, quel sens aurait un interdit que nul n'a le moindre pouvoir de faire respecter ? Mais il est vrai que je n'ai jamais joué par correspondance, je ne connais pas les règlements.
Mon point de vue est le même sur ce dont parle Pyrrhon. En effet, jusqu'à il y a vingt ans, les parties d'échecs connaissaient l'ajournement. C'est-à-dire qu'elles étaient interrompues au bout d'un certain nombre de coups et reprises le lendemain. En compétitions internationales, les Soviétiques étaient connus pour mettre leurs équipes au travail, souvent durant toute la nuit. Cette tâche d'analyse en collaboration offrait bien sûr un avantage considérable sur le joueur qui se serait contenté de travailler tout seul ou n'aurait pas travaillé du tout. Mais là encore, je ne vois pas où réside le péché.
Pour prendre un exemple dans un autre domaine, il y a-t-il triche si un élève s'accorde, pour un devoir à faire à la maison, des droits qu'il ne s'octroie pas lorsque le devoir est à faire en classe ? Et où commence la triche ? Consultation de livres ? aide extérieure ?
Pour moi, tout cela est licite et moral. Sauf interdiction explicite par le règlement du tournoi d'échecs ou le professeur.
Quant aux accusations de triche portées par Fischer contre les Soviétiques, elles ne portaient pas sur le travail nocturne des Russes. Il eût été un peu gonflé (Gonflé ? il doit y avoir un mot plus convenable mais je ne le trouve pas) de reprocher de tels griefs à ses adversaires car lui-même disposait d'une équipe de secondants dans les grandes occasions. En revanche, il accusa à de nombreuses reprises les joueurs de l'est de collusion. Selon lui, les parties de ses adversaires étaient
pre-arranged, c'était-à-dire que leur déroulement et leur résultat était décidé avant que les joueurs ne commencent à jouer. Dans ce cas, il y aurait eu, j'en conviens, grave violation de l'éthique et des règlements.
Pour reprendre mon analogie avec le travail scolaire, ce dernier cas correspond à celui de l'élève qui vole le sujet d'un devoir en classe et répond aux questions avant que le sujet ne lui soit formellement distribué. Ce sont deux choses très différentes.