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Mots qui tuent

Envoyé par Henri Rebeyrol 
29 avril 2011, 19:41   Mots qui tuent
A chacun d'entre nous, il est arrivé (et il arrive quotidiennement) de noter dans la langue parlée et écrite par les journalistes des impropriétés, des constructions syntaxiques absurdes, des phrases qui disent explicitement le contraire de ce que leur auteur voudrait faire entendre, etc.

Pourtant, il est, dans le discours des journalistes, des habitudes ou tics de langage qui trahissent des structures mentales singulières qui ne font pas honneur à la profession - Bourdieu dirait des habitus verbaux ; en fait, il ne le dirait pas ou il n'aurait pas osé le dire, parce que l'habitus renvoie à des réalités permanentes, stables, qui esquissent une essence - et qui consistent ou à énoncer, mais sans le dire, une condamnation, ou à gommer la réalité des choses. Deux exemples.

Il y a deux jours, toutes les heures, sur Europe 1, les auditeurs ont entendu le même "titre", répété pendant plus de vingt-quatre heures, à savoir "les deux policiers impliqués dans la mort des deux jeunes de Clichy sous Bois, Zyed et Bouna (ou Bounia)...", et qui laissait entendre que ces deux policiers avaient participé, d'une manière ou d'une autre, à la mise à mort ou devaient en porter la responsabilité. Or, ces deux policiers ne sont impliqués dans rien - et surtout pas dans la mort accidentelle de ces deux jeunes gens. Certains essaient, pour des raisons idéologiques ou politiques (policiers par essence racistes, etc...) de les mettre en cause pour "non assistance à personne en danger" (à chaque minute, il y a des millions d'hommes ou de femmes ou d'enfants qui meurent dans le monde et nous ne faisons rien pour empêcher qu'ils meurent). Ce qui est tout à fait différent.

Aujourd'hui, au sujet de l'attentat de Marrakech, les auditeurs de la 5 ont eu droit à une annonce de "débat", répétée deux ou trois fois : un attentant qui vise le Maroc et le tourisme ou un attentat dont les cibles sont le Maroc et le tourisme. Or, cet attentat a tué des hommes et des femmes. Etaient visées des personnes, et non un pays et une abstraction économique. Ce café de la place historique de Marrakech est fréquenté à 90% par des étrangers. Les personnes qui étaient visées sont des personnes, et si elles sont visées, c'est parce qu'elles ne sont pas marocaines ou que, par leur seule présence, elles altèrent les lieux qu'elles fréquentent.

Autrement dit, et ce ne sont que de "petits" exemples entendus "par hasard" à la radio ou à la télévision, les journalistes (qui n'ont que présumé ou présomption aux lèvres) ont condamné, par la seule énonciation fausse d'un fait, deux innocents, et ils ont déformé, avec cinq ou six mots et une petite phrase, la réalité d'un événement, essayant d'imprimer dans l'esprit de milliers d'auditeurs bienveillants et peu méfiants cette déformation du réel.
Utilisateur anonyme
29 avril 2011, 23:06   Re : Mots qui tuent
"Si j'étais chargé de gouverner, dit Confucius, je commencerais par rétablir le sens des mots".

Il semble qu'à l'inverse de ce que prônait Maître Kong, ceux qui nous gouvernent et leurs voix stipendiées travaillent à pervertir le sens des mots.

Relever comme vous le faites ce travail de sape c'est ne plus être la dupe de cette entreprise et c'est même y résister.
Utilisateur anonyme
30 avril 2011, 00:35   Re : Mots qui tuent
A ce propos il me semble que le manque de rigueur journalistique commence très tôt et très simplement, avant d'être la manifestation d'une raideur idéologique.
Ainsi, quelques jours après l'accident du Rio-Paris d'Air France, un airbus de Yemenia Airways s'écrasait au dessus des Comores. Le Journal télévisé de TF1 sous-titrait les images de l'accident d'un : "Nouvel accident d'avion"...
Les deux faits sont distincts l'un de l'autre. L'un n'est pas nouveau par rapport à l'autre.

J'y vois une tentative de créer du nécessaire là où il n'y aurait que du contingent, en y faisant voir une loi des série - une "histoire" en somme. Une histoire, c'est feuilletonesque, ça vous tient plusieurs jours. Elle peut se concevoir, ce n'est en aucun cas aux journalistes de me la souffler. Ils sont déjà sortis de leur rôle en suggérant au lieu de dire.
30 avril 2011, 05:32   Nothing personal
Il est sans doute des terroristes intelligents qui sont capables de prévoir les conséquences qu'auront les effets purement physiques des bombes qu'ils ont posées ; ces conséquences peuvent également faire partie de leurs objectifs ; si elles ont des répercussions à un plan national, il n'est pas totalement insensé d'oser prétendre que les terroristes visaient un pays.
Il serait même à mon sens dangereux de les croire incapables de voir plus loin que le dispositif d'enclenchement de leurs explosifs et la seule destruction qui en résultera.
Parfois même les victimes ont cette chance de n'avoir pas été prioritairement visées.
30 avril 2011, 08:18   Re : Mots qui tuent
Je partage l'avis d'Alain : pour ces terroristes, justement, les personnes tuées ne sont rien, elles sont purement abstraites.
30 avril 2011, 09:31   Re : Mots qui tuent
Dans Le Monde (site), on peut lire le rappel des faits par un "spécialiste", Azergui, qui n'est pas tenu de "mentir" ou de "dissimuler", faits que tout journaliste ou tout connaisseur du Maroc, des pays arabes et de l'islam, devrait d'abord établir, avant de se lancer dans des considérations généralisantes :

"Pourquoi viser Marrakech ?
Cette ville est depuis toujours une obsession pour les djihadistes salafistes. Pour eux, c'est une ville symbole de débauche. La littérature islamiste en parle comme de la nouvelle Sodome et Gomorrhe, la ville qu'il faut détruire. Ils dénoncent une "invasion" de "mécréants" occidentaux. Le café Agrana était le symbole du lieu de rendez-vous des "mécréants". Il y a toujours cette profonde haine de l'Occidental dans la littérature islamiste. Il est porteur de toutes les valeurs de modernité et de laïcité".
De Gaulle, cité par Peyrefitte :

« Peyrefitte, je vous supplie de ne pas traiter les journalistes avec trop de considération. Quand une difficulté surgit, il faut absolument que cette faune prenne le parti de l’étranger, contre le parti de la nation dont ils se prétendent pourtant les porte-parole. Impossible d’imaginer une pareille bassesse, et en même temps une pareille inconscience de la bassesse. Vos journalistes ont en commun avec la bourgeoisie française d’avoir perdu tout sentiment de fierté nationale. Pour pouvoir continuer à dîner en ville, la bourgeoisie accepterait n’importe quel abaissement de la nation. Déjà en 40, elle était derrière Pétain, car il lui permettait de continuer à dîner en ville malgré le désastre national. Quel émerveillement ! Pétain était un grand homme. Pas besoin d’austérité ni d’effort ! Pétain avait trouvé l’arrangement. Tout allait se combiner à merveille avec les Allemands. Les bonnes affaires allaient reprendre. Bien sûr, cela représente 5% de la nation, mais 5% qui, jusqu’à moi, ont dominé. La Révolution française n’a pas appelé au pouvoir le peuple français, mais cette classe artificielle qu’est la bourgeoisie. Cette classe qui s’est de plus en plus abâtardie, jusqu’à devenir traîtresse à son propre pays. Bien entendu, le populo ne partage pas du tout ce sentiment. Le populo a des réflexes sains. Le populo sent où est l’intérêt du pays. Il ne s’y trompe pas souvent. En réalité, il y a deux bourgeoisies. La bourgeoisie d’argent, celle qui lit Le Figaro, et la bourgeoisie intellectuelle, qui lit Le Monde. Les deux font la paire. Elles s’entendent pour se partager le pouvoir. Cela m’est complètement égal que vos journalistes soient contre moi. Cela m’ennuierait même qu’ils ne le soient pas. J’en serais navré, vous m’entendez ! Le jour où Le Figaro et l’Immonde me soutiendraient, je considérerais que c’est une catastrophe nationale ! »
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