"C'est plus fort que moi, je les trouve grotesques - insupportables, odieux, haïssables, nuisibles, nocents au possible, mais surtout grotesques."
C'est en effet la première impression mais elle est bientôt concurrencée par une autre, celle de se trouver environné de malades mentaux, comme on plaignait jadis dans les campagnes les malheureux simples d'esprit qui parlaient tout seuls en chemin avec l'air de chercher quelque chose par terre.
De plus, ce que le téléphone portable a paradoxalement le mieux contribué à détériorer c'est la
parole, l'engagement, le rendez-vous pris, engloutis dans la fallacieuse liberté de pouvoir changer d'avis continuellement, comme si la réalité dans laquelle les quidams évoluent était celle d'un Q.G. militaire à l'instant du choc de deux armées et c'est bien pour cela que ces malheureux sont toujours pendus à leurs appareils : plus rien n'est sûr, tout peut avoir évolué entre deux quarts d'heure. Comme c'est pratique ! Et comment a-t-on bien pu s'y prendre
avant ? se demandent, non seulement des adolescents - qui, au fond, ont quelque raison de se le demander - mais des sexagénaires pour qui leur propre passé semble être devenu une énigme.
On va objecter l'habituelle rengaine sur l'outil-n'est-rien-en-lui-même-ça-dépend-de-ce-qu'on-en-fait. Evidemment. On peut en dire autant des drogues, de n'importe quelle drogues, car les individus capables de contrôler l'usage d'un portable sont aussi nombreux que ceux qui parviennent à se servir des drogues.