Conversations

"Dans les pays latins, la politique peut suffire aux besoins de conversation des mâles d'âge moyen ou élevé ; elle est parfois relayée dans les classes inférieures par le sport. Chez les gens très influencés par les valeurs anglo-saxonnes, le rôle de la politique est plutôt tenu par l'économie et la finance ; la littérature peut fournir un sujet d'appoint."

Michel Houellebecq - La carte et le territoire

Un peu approximatif, me semble-t-il. Il manque, selon moi, la question du "boulot", de l'argent, de l'achat de ceci ou cela, de l'état de santé et de la psychologie (sujet naguère plutôt réservé aux dames mais qui n'effraie plus les "mâles d'âge moyen".) Quoi qu'il en soit, cette question des conversations m'a toujours intrigué. Il fut un temps où je notais systématiquement et succintement les sujets de conversation qui avaient animé tel ou tel moment de la vie sociale. Malheureusement, je ne trouve plus ce carnet.

Ce monsieur ne discute pas beaucoup avec des habitants des pays latins.

Si on considère que la France est un pays latin, les sujets de conversation des mâles d'âge moyen et élevé sont :

- les femmes ;

- leur femme ;

- leur mère, par opposition aux deux premières catégories ;

- leur voiture ; le racket des radars ; les amendes injustes ; les fous du volant ; les amendes justes ; les ivrognes au volant ; la nécessité de mettre hors d'état de nuire les ivrognes au volant ; le fait qu'on tient très bien l'alcool ; le fait que les forces de l'ordre sont trop strictes ; le fait qu'il faut des places pour handicapés ; le fait qu'il y en a trop et toujours vides (les places) ;

- les femmes au volant ;

- la chasse / la pêche / la télévision ;

- les actrices et chanteuses ;

- le temps ; le réchauffement climatique ; le complot ; les complots ; l'affaire DSK ; l'assassinat de Kennedy ; celui d'Henri IV ;

- à propos de Kennedy et DSK, les femmes ;

- les bonnes adresses de restaurants ; la cuisine affreuse des femmes actuelles ; celle, excellente, de maman ; le fast-food ; le kebab ; le halal ;

- les femmes voilées ;

- la prostate, mal noble ;

- la ménopause, la femme est foutue ;

- le tiercé ; l'équitation (suivant le milieu) ;

- les performances comparées des chevaux, juments et hongres ;

- l'équipe de France de football ; la diversité ; je ne suis plus chez moi ; il y en a marre de l'insécurité ; je ne comprends pas pourquoi on ne les met pas dans un bateau ;

- Fatima, qui garde maman est cependant très bien ; c'est justement ce que je vous disais à propos de l'épicier Rachid ;

- je ne suis pas raciste, mais... ; j'ai d'ailleurs de très bons amis juifs...

- les politiciens, tous les mêmes... vous avez raison, tous pourris...

Vous voyez, les sujets ne manquent pas.

La conversation est un art français dont les femmes avaient encore récemment la maîtrise. Les offensives des ploucs, c'est à dire l'économie et la finance, étaient subtilement neutralisées au profit de l'expression de chaque invité et pour une meilleure connaissance de tous. C'est l'idée que je m'en fais.

Dans un domaine davantage culturel, vous avez les conversations sur les films :

"Nietzsche et les Petits Hommes Gris", de X. Emmanuelli ;

"Les Hauts de Claqueporte", de Sgronff Krakmorsen ;

"L'Argent Roi", suivi de "L'Argent Furieux", ouvrage collectif ;

"Duel sur le Net", de Didier et Alain ;

"Ce n'est pas si sûr, ou le retour du Commissaire Bourrel", de l'Ecole de Nantes.

Je crois que M. H (je ne sais jamais comment l'écrire, il devrait y avoir une loi sur les écrivains à nom compliqué, il y en marre de ne pas pouvoir écrire Beaudelaire) parle de la population en général, et que ce qu'il nomme conversation est ce que nous nommons propos de comptoir, puisqu'il semble que le thème en soit unique.

"Si on considère que la France est un pays latin, les sujets de conversation des mâles d'âge moyen et élevé sont :

- les femmes ;

- leur femme ;

- leur mère, par opposition aux deux premières catégories ;"

Pardonnez-moi, cher Jean-Marc, mais je me demande si vous-même n'êtes pas un brin à côté de la plaque des conversations contemporaines entre "mâles d'âge moyen" et que celles que vous mettez en tête de votre palmarès ne datent pas légèrement, à la façon de vos joviaux porteurs de "poil dans la main".


Et puisque Où est le bec (moi, c'est sur Nitche que je bute) vous met en belle humeur (ce que vous me transmites, comme c'est très souvent le cas), voici la suite de l'extrait :

"En l'occurrence, ni Jed ni son père ne s'intéressaient réellement à l'économie, et à la politique pas davantage. Jean-Pierre Martin [le père] approuvait dans l'ensemble la manière dont était dirigé le pays, et son fils n'avait pas d'opinion ; l'un dans l'autre, ça leur permit quand même, en détaillant ministère par ministère, de tenir jusqu'au chariot de fromages.
Aux fromages le père de Jed s'anima un peu, et questionna son fils sur ses projets artistiques."

(Message supprimé à la demande de son auteur)

« Cette relecture de Nietzsche ainsi faite, on ne voit pas le rapport avec un appel à l’engagement dans une lutte pacifique contre la Morale (et les mensonges) du (des) plus fort (s)… Combat ô combien Nietzschéen ! … »

Nan mais c'est pas vrai !!!...

(Message supprimé à la demande de son auteur)

C'est la notion d'âge moyen ou élevé qui m'a fait penser à cela. Etant donné que les sujets de conversation sont les mêmes pour les deux catégories, et donc par hypothèse différents de ceux des jeunes gens, j'en ai conclu qu'il était convenable de considérer le type de conversation qu'une homme de soixante-dix ans pouvait avoir.