Cher Didier, ne serait-ce pas Michel Serres ? Je crois qu'il a écrit un texte, expliquant que désormais les enfants (et non pas les élèves !) n'étaient plus capables de fixer leur attention trois minutes à cause de la télévision, du zapping, des sms et autres jeux vidéo.
Je vais faire comme les imbéciles et parler de ma petite expérience personnelle. J'ai une fille qui est en CE1 et aura sept ans en décembre. Elle est nettement plus jeune que les autres élèves. Ce que j'ai pu constater, c'est que l'école est incontestablement le meilleur moyen d'aider un jeune individu à sortir de l'enfance et devenir, justement, un individu. Et que ce n'est pas si évident.
Je veux dire que d'une part, un enfant devient un élève lorsqu'il sort de sa position narcissique pour accepter dans un groupe d'être mis à la même place que les autres. Donc dans un rapport où il gagnera en reconnaissance grâce à ce qu'il aura conquis par son travail, ses efforts, la qualité de son apprentissage.
Les enfants aiment qu'on les aime. Je considère qu'ils gagnent davantage à être non pas aimés (position passive et toujours un peu scabreuse, l'amour pouvant recéler toutes sortes de pièges) mais reconnus pour ce qu'ils font. Et cela, c'est l'école qui le leur donne.
Nombre de parents ne semblent pas vouloir que leur enfant soit un élève. J'ai le sentiment qu'ils souhaitent que leur enfant demeure une sorte de petit bibelot narcissique, préservé de l'effort, du risque d'échouer (au moins un temps, dans un apprentissage, on peut patauger puis progresser à nouveau) qui les gratifierait sans cesse et par procuration.
Il est évident que des parents sont gratifiés, fiers et heureux de la réussite de leur enfant. Néanmoins, nombre d'entre eux semblent avoir perdu de vue qu'il y a un prix à cela qui s'appelle travail.
Et ce travail, il existe ! Et dès le CE1. Les enfants doivent apprendre : dictée, poésies, tables d'addition, géométrie, lecture, emploi du dictionnaire, notions de sciences naturelles, mise-en-place de la grammaire du français, conjugaison. Autant d'excellentes choses qui en construisant leur personnalité vont leur permettre de poser un regard plus rationnel sur le monde et de sortir de l'éphémère pulsion, de l'humeur et de l'envie du moment.
Aussi à la citation soumise par Didier (et qui n'est pas fausse), je réponds une chose. Mais pourquoi des parents laissent-ils évoluer leur enfant dans ce monde du zapping ? Ont-ils une telle peur de dire "non" ? Y sont-ils eux-mêmes jusqu'au cou et trouvent-ils cela merveilleux ?
Il est vrai que notre société est celle de l'enfant roi qui n'est jamais qu'un petit despote, lui-même tyrannisé par ses caprices. J'ai pour ma part le plus grand mal à comprendre ce qui empêche certains parents de dire "non", "ça ne se fait pas", "j'attends mieux", "je considère que ce n'est pas intéressant", "réfléchis avant de parler", etc.
Si l'école demande des efforts à des enfants qui ont l'habitude d'être des objets de culte, certes, elle aura bien du mal à en tirer quelque chose.
Sans oublier notre nombreux lumpen prolétariat coloré qui, lui, ne semble concevoir la mission de celle-ci que comme une vaste garderie et dont les enfants, livrés à eux-mêmes, ne sont jamais que ce qu'on appelait des "gosses de la rue". Bien difficile dans ces conditions de préparer des dictées, de faire du calcul ou d'apprendre des poésies ...