Le site du parti de l'In-nocence

Le Brevet des collèges aujourd'hui

Envoyé par Phil Steanby 
Il s’agit d’un exercice visant à préparer les élèves de troisième au Brevet blanc. L’exercice porte sur une sélection de trois textes de Stefan Zweig tirés du Monde d’hier, où l’écrivain relate son enfance, la grande Vienne d’avant 1914 avec ses artistes, sa haute société florissante, et la précipitation des événements qui allaient mener au désastre de la Grande Guerre, etc. Les trois textes sélectionnés traitent des souvenirs assez mauvais qu’eut le brillant Zweig, qui découvrait alors en cachette les poèmes du grand Hofmannsthal et écrivait des poèmes, du collège d’alors. Voici quelques questions posées aux élèves :


B/ Une époque révolue

a. Quelle image résume la soumission des élèves d’autrefois ?

b. D’après les deux premiers textes, montrez que l’âge d’or de la sécurité reposait sur le respect absolu de l’autorité.

c. Comment l’ennui et la frustration ressentis à l’école sont-ils compensés ?

d. Relevez les expressions appartenant au champ lexical de la soif de culture. Quel terme assimile cette passion à une maladie ?

e. Réécrivez le dernier texte, à partir de « désir de connaître », en remplaçant « nous » par « je ».
Merci, M. Bily. C'est ce genre de détails qu'il convient de mettre à jour, sans relâche, parce qu'ils parlent peut-être mieux que tout de la Grande Dégringolade (si je puis me permettre de galvauder quelques titres fameux).
On voudrait ficher les élèves, on ne s'y prendrait pas autrement.
(j'allais écrire fliquer)
Utilisateur anonyme
11 janvier 2012, 17:14   Re : Le Brevet des collèges aujourd'hui
Quand j'ai surveillé le brevet des collèges en 2009, c'était encore plus direct.
Dans le sujet de l'épreuve d'éducation civique, on expliquait qu'une méchante boulangère blanche avait refusé d'embaucher une gentille femme noire. Au milieu de la feuille, le logo et le numéro de la HALDE.
L'exercice, en gros, consistait à répondre à la question : Que doit faire la femme noire ?
Apprendre le français ?
Évite-t-on volontairement les auteurs français ?
Marc,

Je viens de "googler" et le premier sujet trouvé au hasard est relatif à un texte de Romain Gary tiré des Racines du ciel.
De temps en temps il faut bien cautionner la "culture".
Utilisateur anonyme
11 janvier 2012, 21:23   Re : Le Brevet des collèges aujourd'hui
Chers intervenants,

Lecteur quotidien de ce forum, je me permets d'intervenir sur ce sujet que je connais assez bien, pour être de la partie. Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai pas choisi de pseudonyme, mais que mon prénom est bien celui indiqué ci-dessus. Je n'y peux rien. N'y voyez aucune prétention, seulement un manque d'imagination certain.
Le système scolaire public est assez décourageant. Enseignant dans un collège moyen, je dois me battre contre le glissement des exigences qualitatives vers le strict minimum : notre inspecteur nous a parlé de "SMIC culturel" (sic) pour les élèves "en difficulté". Tout en maintenant les programmes "pour les autres", et ceci dans une même classe... Tout en discréditant la notation chiffrée, trop subjective et "traumatisante" (re-sic)...
Nos élèves de sixième - onze ans - arrivent sans savoir bien conjuguer le présent de l'indicatif et le futur simple.
Nous perdons des heures et des heures à devoir les adapter au travail régulier, et ce n'est qu'après un trimestre qu'une partie apprend correctement ses leçons... Je pourrais multiplier les doléances, évidemment...
Et pour ce qui est des textes, même les oeuvres de "littérature jeunesse" s'avèrent difficiles d'accès... (Il faut dire aussi que j'ai pu entendre certaines collègues de français s'exclamer que "Croc-Blanc, c'est ch..." (rime à deviner)).
Quand on arrive au brevet, quatre ans plus tard, il faut rester modeste - en somme, nous avons l'impression que l'épreuve ne sanctionne aucune progression depuis la sixième. Un texte de vingt à trente lignes, si possible pas un "classique", une dizaine de questions où les connaissances littéraires, historiques, stylistiques, sont évacuées au profit de notions grammaticales ponctuelles et d'analyses de sens évidentes.
Mais vous savez déjà tout cela.
Cependant, les dérives - les orientations, devrais-je dire, - idéologiques que vous signalez, cher M. Bily, ne me sont pas apparues aussi évidemment que le manque d'exigences, en français tout au moins. Il en va différemment en histoire.
Bien à vous.
Cependant, les dérives - les orientations, devrais-je dire - idéologiques que vous signalez, cher M. Bily, ne me sont pas apparues aussi évidemment que le manque d'exigences, en français tout au moins.

Ce que vous décrivez est très exact, cher Monsieur. Les exigences en français en troisième sont très basses, et un élève auquel je donne des cours individuels a de la peine à distinguer entre les temps de l'indicatif et du subjonctif. Il est très difficile de rattraper ce retard. Le temps que les professeurs consacraient à l'étude de la langue est aujourd'hui consacré à l'enseignement de la moraline dont les moindres exercices sont imprégnés. De même, il est presque impensable aujourd'hui d'exiger d'un élève de troisième qu'il sache situer sur une frise chronologique (et qu'il sache orthographier) Flaubert, Dumas, Mallarmé, Marot, Corneille, Racine, Baudelaire, Vigny, etc.
Beaucoup de Français ne savent pas orthographier Baudelaire.
Utilisateur anonyme
11 janvier 2012, 22:11   Re : Le Brevet des collèges aujourd'hui
Citation
Jean-Marc
Beaucoup de Français ne savent pas orthographier Baudelaire.

Ah ben tout va bien alors...
Pour ma part, j'ai dû démissionner avec fracas d'un projet de rédaction de manuel d'anglais pour classes de Première. Ce livre a fini par être ce que j'avais prévu qu'il serait : un véritable manuel d'édification de la jeunesse. Les pauvres noirs, les pauvres asiatiques, les pauvres ceci, les pauvres cela —des milliards de victimes, et toujours un seul et même coupable, l'homme blanc. Obama glorifié parce qu'il est noir.

Inutile de dire qu'avec toute cette bien-pensance, il n'y avait, comme par hasard, jamais de place pour insérer quelques grands textes de littérature anglaise, ni une gravure de Hogarth, ni une peinture de Turner, ni quoi que ce soit ayant un rapport réel (c'est-à-dire historique) avec la civilisation britannique d'avant.
J'ai eu droit, naturellement, à toutes les insultes et à toutes les AAL (armes absolues de langage) habituelles. Dieu merci j'avais lu Renaud Camus, entre temps. Sa lecture a confirmé mes impressions, validé mes constats.

On n'a pas idée à quel point l'Education Nationale est idéologisée, et à quel point les profs s'en donnent à coeur joie. En les fréquentant un peu, on se rend compte qu'enseigner la bien pensance leur permet de dissimuler leur abyssale inculture tout en prenant des airs sérieux et moralisateurs. C'est parfait.
Mallarmé aussi, d'ailleurs.
Vous préférez qu'on vous parle de Grand Remplacement, Jean-Marc ?
Utilisateur anonyme
12 janvier 2012, 19:11   Re : Le Brevet des collèges aujourd'hui
Citation
Gérard-Philippe
Chers intervenants,

...
Et pour ce qui est des textes, même les oeuvres de "littérature jeunesse" s'avèrent difficiles d'accès... (Il faut dire aussi que j'ai pu entendre certaines collègues de français s'exclamer que "Croc-Blanc, c'est ch..." (rime à deviner)).
....


"Croc-Blanc, c'est ch...aud" ?
"Croc-Blanc, c'est ch...ocolat" ?
"Croc-Blanc, c'est ch...ocolat blanc" ?

Arf...

Comme je vous comprends Gérard-Philippe.
En classe de troisième, ma fille, torturée et obligée de lire "Le malade imaginaire" M'a lancé: "C'est quoi c'te truc ? C'est même pas écrit en français...." Dois-je préciser, au risque de passer pour un mauvais père, que cette année-là, elle eut une moyenne de 16/20 en français....
Je pleure encore....
Bonsoir,
le texte de R. Gary dont vous parlez plus haut a été donné l'an dernier et il était très bien. Très difficile pour des élèves, et je n'y aurais probablement rien compris à leur âge, heureusement pour eux les questions ne portaient bien sûr que sur des points précis.
Je m'amusais, en voyant les questions posées plus haut,
B/ Une époque révolue

a. Quelle image résume la soumission des élèves d’autrefois ?

b. D’après les deux premiers textes, montrez que l’âge d’or de la sécurité reposait sur le respect absolu de l’autorité.

c. Comment l’ennui et la frustration ressentis à l’école sont-ils compensés ?

d. Relevez les expressions appartenant au champ lexical de la soif de culture. Quel terme assimile cette passion à une maladie ?,
à les imaginer reposées telles quelles sur un extrait des Faux-Monnayeurs.
Pour les question c. on hésiterait sans doute entre : la fausse monnaie, les femmes, et la roulette russe.
Pierre,

Je me lance, pardonnez-moi d'apporter une vision un peu gidienne à ma réponse :

a. Quelle image résume la soumission des élèves d’autrefois ?

On pense spontanément que chacun profite en Dieu, grâce à la prière, ce qui évoque l'auteur des Mains jointes, et on se rappelle qu'à propos d'une autre de ses oeuvres Gide avait écrit "Ce compromis rassurant qui permet d’aimer Dieu sans perdre de vue Mammon", à la suite de quoi on imaginera que lesdits élèves, dans l'idée de Gide, parvenaient à ce compromis en joignant les mains tout en écartant autre chose.

b. D’après les deux premiers textes, montrez que l’âge d’or de la sécurité reposait sur le respect absolu de l’autorité.

Il s'agit d'une protection contre le vent grelottant du dehors, volets clos, portes refermées ; familles, je vous aime, dit le comte de Passavant approchant du logis.

c. Comment l’ennui et la frustration ressentis à l’école sont-ils compensés ?

Par les attentions d'un monsieur très aimable qui écrit son journal et qui récupère le jeune Djeïzeun victime des Argonautes.

d. Relevez les expressions appartenant au champ lexical de la soif de culture. Quel terme assimile cette passion à une maladie ?

La corydonite, dite en langage vulgaire "abus du pompier".
Très bien, très cohérent et érudit.
Dans un genre plus facile, je vous propose cette copie sur La Guerre des Boutons.

a. Quelle image résume la soumission des élèves d’autrefois ?
C'est quand le père Simon il les traite de sauvages.

b. D’après les deux premiers textes, montrez que l’âge d’or de la sécurité reposait sur le respect absolu de l’autorité.
Les enfants font plein de misères au garde champêtre qui rentre cuit chez lui, ça prouve que qu'on traite comme ça un policier impunément (ch... dans la marmite et tout), c'est qu'on a besoin de personne pour assurer l'ordre et que l'ordre s'assure tout seul.

c. Comment l’ennui et la frustration ressentis à l’école sont-ils compensés ?
Ben par la guerre des boutons, tiens !

d. Relevez les expressions appartenant au champ lexical de la soif de culture. Quel terme assimile cette passion à une maladie ?
Y en a pas beaucoup. Y a bien La Crique, qui sait tout, mais il a compris comment qui fallait s'y prendre pour pas se faire traiter d'intello.

Qui se charge des Souffrances du jeune Törless ?
Rogemi me semble qualifié pour cela...

Je suggèrerais qu'on prît plutôt Siegfried Lenz et "Die Freuden der Pflicht" comme thème dans Deutschtunde, cela me semble plus proche de Zweig que le texte de Musil...

Un texte peu connu (et arcadien), sur Musil :

[ddata.over-blog.com]
Ce texte mérite de demeurer si peu connu.
Et d'un autre côté, il est fascinant, à titre documentaire. (Merci pour ce lien, Jean-Marc ; et je ne sais rien des autres pistes que vous lancez)
On y voit de façon transparente, surtout dans le dernier §, comment la sottise militante du monde ancien (1960) y accouche de celle du monde actuel : ce livre me gêne et gêne mes intérêts --> il est faux et mauvais ; mais c'est sans doute une attitude qui se rencontre à tous les âges.
Alain, vous ignorez l'époque Baudry et son style (je m'étais fait mal voir, c'est une habitude, en disant qu'Arcadie voulait faire vivre les homophiles dans le coton) ! cela vallait le coup d'oeil (ceci dit, Baudry fut un grand précurseur, il eut comme soutien un Cocteau).

Tout comme Pierre, je suis sensible à la continuité dans la bêtise, j'avais trouvé l'occasion bonne. Il est vrai que les exemples ne mentent pas (il faudra rédiger un jour "La sottise dans Le Monde". Je peux déjà vous proposer le tome 1, intitulé "D'Hiroshima à Phnom Penh").

Cela commencerait par la Une du mercredi 8 août 1945 indiquant : "Une révolution scientifique: Les Américains lancent leur première bombe atomique sur le Japon" (on comparera avec l'éditorial de Camus dans Combat :

"Le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes, que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. [...] Il est permis de penser qu'il ya quelque indécence à célébrer une découverte qui se met d'abord au service de la plus formidable rage de destruction dont l'homme ait fait preuve depuis des siècles".

Et se terminerait par un florilège des articles de M. de Beer :

[www.libres.org]
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter