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Fétichisme de la marchandise

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
23 février 2012, 02:55   Fétichisme de la marchandise
Dans un passage de ses mémoires Casanova nous décrit le contenu de ses malles. Quelques habits, des bijoux, des tabatières, un nécessaire de toilette, des jeux de cartes. Somme toute assez peu de choses.

Et l'on s'aperçoit en comparaison de la quantité effroyables d'objets qui nous entourent.

Dans ces mêmes mémoires, les différences entre les peuples d'Europe sont très marquées et Casanova se plaît à souligner les moeurs contrastées des peuples au sein desquels il vit (et des filles qu'il s'offre car ce séducteur payait en fait beaucoup).

A cette époque et même il y a peu encore peu les objets étaient rares, indispensables ou uniques.

Aujourd'hui ils sont tous remplaçables, interchangeables, superflus et jetables. L'ordre marchand a besoin de cette indifférenciation des objets même s'il nous fait croire, avant l'échange, que chaque objet est unique et que nous en avons un besoin urgent.

L'indifférenciation et l'élasticité de substitution qui s'appliquait aux marchandises semble concerner aussi les peuples. Tout nous incite à oublier ce qui faisait la singularité d'un peuple : son histoire, ses ancêtres, ses origines. Ce sont là des rigidités, des archaïsmes, des lourdeurs qui gênent la fluidité des flux (Mercure est le dieu des flux : les flux honnêtes des commerçants, les flux malhonnêtes des voleurs, le dieu psychopompe des flux d'âmes et celui des corps qui voyagent, le dieu des flux d'informations ; nous vivons le règne de Mercure-la-bougeotte).

Et l'ordre politique et social exalte le caractère unique de chaque individu, l'originalité de chaque peuple et de chaque civilisation qu'on doit respecter et ne surtout pas comparer. Pour mieux faire accepter au bout du compte de nous fondre et disparaître dans une masse indifférenciée. Tout peuple est remplaçable mais pour le remplacer on lui fait croire que les autres peuples, riches de leur diversité, lui sont une chance, un avenir, un destin.

On a dépassé l'idée de l'individu matière première jetable et remplaçable pour passer à celle de peuple "input" dans la grande usine mondiale et tout autant jetable et remplaçable par un autre peuple.

La politique du PI consiste à dire : revenons à un monde où tout était plus rare, où les gens étaient moins nombreux, les campagnes plus désertes.

Je crains que l'emprise du mode de pensée économique sur le politique ne soit si profond que rien ne se pourra se faire sans une remise en cause de l'extension indéfinie de l'ordre marchand, de ses valeurs et de ses modes de pensée.

En ce commencement de Carême, Benoît XVI a justement rappelé "le sécularisme et le matérialisme qui réduisent l'être (et les peuples pourrait-on ajouter) à un horizon mondain sans référence à la transcendance".
Brunetto,

Ouvrez un jour un sac à main de femme (je n'ai guère vu d'allusions à ce sujet, dans le Journal, d'ailleurs...). Vous serez surpris par tout ce que vous y trouverez. Cela va du porte-monnaie au nécessaire de maquillage, en passant par la tronçonneuse et le lapin surgelé.
23 février 2012, 10:38   Re : Fétichisme de la marchandise
C'est de la profanation !
Comme l'écrivait Hilaire Belloc dans son livre "L'Europe and the Faith":

Citation
Europe will return to the Faith, or she will perish

Les chances que cela se produise, sont minimes.

On remarquera que les oeuvres de cet auteur mort en 1953 n'ont pratiquement pas été traduites ou si peu que cela ressemble à une conspiration du silence.

C'est lui qui écrivit L'Europe c'est la Foi et la Foi c'est l'Europe.

Monsieur Chirac, notre brave ex-président, réussit à empécher d'inscrire dans la constitution européenne ou aka le Traité de Lisbonne toute référence au Christianisme.
Je conseille, dans le genre moins pieux, encore que, le livre de Z. Bauman, "Vie liquide"...
Tout peuple est remplaçable mais pour le remplacer on lui fait croire que les autres peuples, riches de leur diversité, lui sont une chance, un avenir, un destin.

La fonction-peuple reste à définir. Paris, celui que nous connaissons encore un peu, en mille neuf cent vingt-deux, était riche d'une phénoménale diversité (cf. Morand: Le voyageur et l'amour); le peuple français, qui continuait d'exister à cette époque, et le peuple parisien, la Grande Guerre aidant, offraient au regard extérieur (le regard américain, très souvent, jusque dans les prunelles du cosmopolite Morand) une palette vaste et crue, un très beau et très libre mélange aventureux, de destinée incertaine. Le peuple parisien fut cela, à ce moment. Et étant cela il fut irremplaçable en inventant dans cet état sa première diversité multi-ethnique et intercontinentale.

La fonction-peuple connut à ce moment une destinée culturelle, à Paris, qui s'éloigna de toutes les autres fonctions-peuples de France. La musique syncopée, par exemple, participa dès lors à une certaine fonction-peuple que la Corrèze ou le Gard ne rejoignirent jamais.

La fonction-peuple, en France, devint diverse, devint complexe.

Cette diversité, cette complexité, et le caractère éminemment contradictoire de pareil avènement inédit, sont aujourd'hui, dans l'empire de la diversité institutionnelle conquérante, anéantis et oubliés. Néanmoins, il nous reste à reconnaître et à aimer comme nôtre cette fonction peuple qui fut unique, épisodique et à ce titre moins que remplaçable puisque à peu près uniquement parisienne, si tant est que la fonction-peuple de France mérite qu'on la nomme, s'y attarde, etc.

Le peuple de France est double: il est accueillant, très largement, et admet que cet accueil et cette ouverture lui soient prétexte et moteur de sa re-définition; et il est un aussi un grand réticent, un grand critique à pareille redéfinition. Il est ce double. Le peuple de France est un grand complexe. Or ce complexe est inatteignable, ininterprétable par ce qui se déclame et se couronne aujourd'hui DIVERSITE. Cette diversité qui s'affirme ainsi est un masque, un éteignoir de la complexe, contradictoire et aimable identité française.
23 février 2012, 15:58   Re : Fétichisme de la marchandise
Citation
Jean-Marc
Brunetto,

Ouvrez un jour un sac à main de femme (je n'ai guère vu d'allusions à ce sujet, dans le Journal, d'ailleurs...). Vous serez surpris par tout ce que vous y trouverez. Cela va du porte-monnaie au nécessaire de maquillage, en passant par la tronçonneuse et le lapin surgelé.

Avec ou sans taches de sang, la tronçonneuse?
Il faut les tremper dans de l'eau oxygénée, les traces de sang identifiables disparaissent.
23 février 2012, 18:35   Re : Fétichisme de la marchandise
Merci cher Francis de dire bien mieux que moi ce que je ressens profondément.
La différence entre cette aimable diversité dont vous parlez et celle si peu aimable d'aujourd'hui, est que la première formait, précisément, un peuple, alors que la seconde ne forme qu'une population, la quelle est au peuple ce que la nationalité de papier est à la vraie nationalité.

Sur un autre fil que je ne retrouve pas, à propos de l'obstination des Français d'origine maghrèbine de la troisième génération à donner encore des noms typiquement arabes à leurs enfants, quelqu'un faisait remarquer que les Français d'origine italienne, espagnole, portugaise ou russe, ne se gênaient pas pour nommer, par exemple, leurs enfants : Pietro, Pedro ou Piotr plutôt que " Pierre", Anton ou Antonio plutôt qu'Antoine, Maria ou Marina plutôt que Marie, Antonia plutôt qu'Antoinette, Giulia plutôt que Julie, etc. Mais tous ces noms viennent , comme des dizaines d'autres, d'une racine et d'une culture communes à laquelle appartient la France. Ils ne lui sont pas foncièrement étrangers, contrairement à Mohamed, Selim, Malika ou Aïcha.
La différence entre cette aimable diversité dont vous parlez et celle si peu aimable d'aujourd'hui, est que la première formait, précisément, un peuple, alors que la seconde ne forme qu'une population, la quelle est au peuple ce que la nationalité de papier est à la vraie nationalité.

Parfaitement dit ! Tellement simple et évident.
23 février 2012, 22:49   Re : Fétichisme de la marchandise
C'est tout à fait ça.
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