Le site du parti de l'In-nocence

Éditorial n° 49 de Renaud Camus, texte de la conférence à l'invitation de France-Israël

Chers amis,

La transcription de la conférence donnée par Renaud Camus le 8 mars 2012 à Paris, à l'invitation de l’association France-Israël, est disponible sur ce site.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
"...mais dans les républiques démocratiques, ce n’est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l’âme."

Oh merci Monsieur d'avoir prononcé et rappelé ces mots si justes.
Quelle fut la réaction de l'auditoire ? Y-a-t-il eu un débat ?
Eh bien moi, au cœur de cette brillante intervention, je retiens cette formule : L’audace d’en croire ses yeux.
Voilà un viatique pour des temps nouveaux ! Voilà une fière devise pour des Lumières nouvelles !
Merci, Cher Maître !
Quelle fut la réaction de l'auditoire ? Y-a-t-il eu un débat ?
Petite correction à faire au quatrième paragraphe :
"Or ils sont le pouvoir qui jamais n’oublie ni de pardonne."
Ce passage me semble aussi à revoir (vingtième paragraphe) :
"Il ne s'agit nullement d’un passage de l'enseignement public à l’enseignement privé, encore de la création d'une quelconque système sectaire ; "
Oui, c'est une parole remarquable sur le temps, et si rare!
Bravo à Renaud Camus pour cette conférence, modèle d'élégance, de fermeté et d'esprit de synthèse.

Une des idées avancées laisse songeur et donne l'ampleur du problème. C'est celle-ci :

"Je ne serais pas étonné que le Grand Remplacement ait commencé avec la révolution industrielle ; ou peut-être seulement avec sa phase triomphale, où Charlie Chaplin et Fritz Lang ont vu et montré très justement l'entrée dans les véritables Temps Modernes : le moment de la taylorisation."

Comment revenir sur plus d'un siècle et demi d'une certaine direction prise ? Comment reprendre la main ? La tâche paraît outrepasser toute initiative politique. S'agit-il d'ailleurs, à proprement parler, d'inverser un ordre (et dans quel sens ?) ou bien, plutôt, de retrouver un des versants de la révolution industrielle qui a été laissé totalement en friche ?
"Que peut-on espérer faire de bien, voulez-vous me le dire, quelle éducation a-t-on la moindre chance de transmettre, dans un lycée construit en 1977, on vous le demande ? Jadis les institutions d’enseignement étaient d’autant plus prestigieuses qu’elles étaient plus anciennes. Aujourd'hui, si elles ont trente ou quarante ans, elles risquent d’être récusées pour vétusté."

Exceptionnel. Je n'avais jamais vu ça sous cet angle.
Avec la permission de l'auteur, je diffuse tous azimuts.
Je fais de même qu'Alain L. (En publiant le texte de la conférence en tant qu'article sur Le carnet des visages - entendu sur France Culture -, je me suis permis de taguer Richard Descoings, étant entendu qu'il était mentionné par Renaud Camus et qu'il faut bien rire un peu.)
Ce texte est dense et complet, c'est presque un petit livre. Il faudrait quand même y trouver quelques failles, si nous voulons en débattre...
La faille est en nous-mêmes. J'évoquais plus haut l'extrait de la conférence qui met en cause la révolution industrielle. L'avons-nous, oui ou non, appelée de nos voeux, cette révolution ? Nous sommes-nous, oui ou non, laissés séduire par elle ? Laissés abuser ? Nous a-t-on menti sur le contenu de cette révolution pour que rien ne fasse obstacle à ses progrès, jusqu'à aujourd'hui ? Et aujourd'hui, quelle est notre attitude face à l'extension tous azimut de cette même révolution ?

Renaud Camus semble dénoncer un excès, sinon un cauchemar en marche, quand il déclare : "Le corps est d’abord remplaçable par pièces, par morceaux, selon une structure empruntée à l'industrie taylorienne : et de fait il n’y a plus guère en vous de pièce, cœur, rein, sein, sexe, main, bras, visage, que la chirurgie ne puisse à présent changer, à condition de disposer de la pièce de remplacement, dont il est indispensable de posséder une réserve toujours plus large, jusqu’au moment où ces pièces de rechange indispensables au système pourront elles-mêmes être remplacées à volonté, produites et presque auto-produites : cœurs artificiels, cellules souches, bébés médicaments."

Et cependant, qui d'entre nous, le moment venu, a laissé sa dentition suivre la pente naturelle du déchaussement et de l'édentation promise ? Qui n'a pas accepté de bon coeur de participer au remplacement du vieillard de jadis par le "senior" d'aujourd'hui ? Qui ne s'est pas dopé, peu ou prou ? Qui d'entre nous refuserait le "changement d'une pièce" de son organisme, quelle qu'elle soit, si devenue défectueuse et faite pour entraîner la mort rapide de son propriétaire en l'absence d'intervention ? Et quant à l'âme, qui d'entre nous ne troquerait contre celui d'un autre le "disque dur" de son cerveau si celui-ci était promis à un dysfonctionnement majeur de type Alzheimer ?

Si, comme le démontre très bien cette conférence, le Grand remplacement a tout à voir avec la taylorisation et son extension contemporaine, il faut mesurer notre acceptation ou notre résignation à sa mise en oeuvre, à l'aune des bénéfices que nous comptons en tirer ou que, du moins, nous ne refusons pas d'en tirer.
Je suis d'accord avec Bolacre. La considération sur les conséquences de taylorisme m'a, entre autres choses excellentes, beaucoup frappé.
Le taylorisme dans un premier temps a permis le grand remplacement du monde ouvrier issu de l'artisanat, qui par ses qualifications détenait un pouvoir réel face au capital, par une nouvelle figure dépossédée de tout : le prolétaire sans qualité. Le génie de Ford a été de comprendre que cette dépossession pouvait être rendue acceptable par une hausse des salaires, laquelle permettait en outre de fournir un débouché à la production en croissance exponentielle. La société de consommation est née à cette époque. Cette consommation de masse - et c'est ma réponse à Orimont - a effectivement rendu la société capitaliste et marchande désirable à la majorité des individus par la "démocratisation du luxe" qu'elle autorise. Elle a permis en outre d'intégrer les barbares, et leurs rêves de socialisme - né je le rappelle des couches les plus qualifiées de la classe ouvrière - à la société. Ce processus commencé en France dans les années 20 a trouvé son plein épanouissement dans les années 1960. Parallèlement, la taylorisation a touché le monde des paysans et des employés (eux aussi prolétarisés) pour créer un modèle d'individu massifié et interchangeable.
Par ailleurs, la place que prend la consommation finale, sans cesse croissante, d'objets standardisés dans l'économie (60- 70 % du PIB) rend l'augmentation de la population (qui doit croître au rythme de production) absolument vitale. Une population qui vieillit et qui stagne est donc une mauvaise nouvelle pour le capital.
Voici pourquoi on la remplacera afin de continuer d'assurer des débouchés à une mégamachine dont l'unique préoccupation est d'avoir en bout de chaîne une "ménagère qui bourre le caddy" (selon l'aimable expression d'un Jean-Marc Sylvestre). Peu importe que celle-ci soit tamoule, shintoïste, bouddhiste zen, chiite duodécimaine,polythéiste, druze ou sunnite : ce que le système lui demande, pour poursuivre son accumulation, est de consommer (on a vu la chose à l'oeuvre de manière caricaturale au moment de la crise dite des subprimes).
Je dirais donc qu' à la source du Grand Remplacement se trouve d'abord la Grande transformation, à savoir la place démente prise par la logique, par définition abstraite, de l'économie dans nos sociétés. Comme le voyait Guénon, nous sommes plongés dans le règne de la quantité, lequel fait fi de la qualité des peuples et des individus. Le terme du processus ? Leur disparition programmée par une oligarchie indifférente - la corporation des économistes dominants est la plus remplaciste qui soit. C'est contre cela que nous nous battons.
Merci cher petit-Détour de nous montrer combien le point de vue du président de l' In-nocence est pertinent !
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Certes, cher Didier, vous avez raison, mais ce problème précis du taylorisme a été bien moins souvent mis en lumière, me semble-t-il , que d'autres, d'où cette impression d' -- heureuse -- découverte.
La volonté des peuples de ne pas disparaître ou de voir leur singularité niée peut s'avérer persistante et la "mégamachine" (remplaciste et expansionniste) infléchit alors son cours (le cas japonais dans lequel une décroissance démographique et économique sont assumables). D'autre part, trois cinquièmes de l'humanité au moins rêvent encore de "bourrer le caddie" et souscrivent à ce modèle existentiel quantitatif. Et c'est une tautologie de dire que la minorité des deux cinquièmes, dans un régime universel quantitatif, doit se soumettre au désir de la majorité. Standardisation des biens de consommation, appauvrissement général du spectre des modes de vie et d'existence, commonalité des modèles de vie désirables, sont le lot actuel de l'humanité dans cette phase de regroupement et de mise à niveau. La sagesse et la volonté des peuples qui permettraient d'infléchir ce flot d'indifférenciation doivent attendre l'affranchissement du besoin, aussi auto-engendré et auto-entretenu puisse être ce dernier. Rien n'empêche d'oeuvrer, dans cette attente, à les renforcer et à les parfaire, rien n'empêche non plus d'oeuvrer à dé-stigmatiser les manifestations de cette sagesse et de cette volonté naissantes, ni de dénoncer la dynamique d'auto-engendrement ou d'auto-émergence du besoin et de son expansion.
(Message supprimé à la demande de son auteur)
Le cas japonais, malgré les résistances louables de ce peuple à l'idéologie immigrationniste, n'infléchit pas le cours de la mégamachine, cher Francis, puisque le système productif (hypertaylorien) va chercher ailleurs (hors du marché intérieur) les consommateurs que le pays ne produit plus.
13 mars 2012, 18:12   Changer les pièces
Pardon d'insister, mais l'absence de réponse à cette question m'intrigue :

"Qui d'entre nous refuserait le "changement d'une pièce" de son organisme, quelle qu'elle soit, si devenue défectueuse et faite pour entraîner la mort rapide de son propriétaire en l'absence d'intervention ?"
13 mars 2012, 18:40   Re : Changer les pièces
L'absence de réponse n'est-elle pas une réponse claire ?
13 mars 2012, 19:02   Re : Changer les pièces
Citation
Et quant à l'âme, qui d'entre nous ne troquerait contre celui d'un autre le "disque dur" de son cerveau si celui-ci était promis à un dysfonctionnement majeur de type Alzheimer ?

Là vous poussez le bouchon un peu trop loin, cher Orimont. Le coeur, une articulation, les poumons, etc.. sont remplacables mais l'âme (harddisk) jamais même en cas d'alzeimer.
"L'absence de réponse n'est-elle pas une réponse claire ?"

Il faut comprendre "qui ne dit mot consent" ?
13 mars 2012, 21:27   Re : Changer les pièces
Vous demandez qui, parmi nous, refuserait le "changement d'une pièce" de son organisme, quelle qu'elle soit, si devenue défectueuse et faite pour entraîner la mort rapide de son propriétaire en l'absence d'intervention. Personne ne répond, on peut donc imaginer que personne ne refuserait...
13 mars 2012, 21:42   Re : Changer les pièces
» Et quant à l'âme, qui d'entre nous ne troquerait contre celui d'un autre le "disque dur" de son cerveau si celui-ci était promis à un dysfonctionnement majeur de type Alzheimer ?

Je suis d'accord avec l'objection de Rogemi : le cas du "remplacement " de l'âme pose un problème inédit : si on la change, on ne survit pas, mais un être différent naît ; pour qu'il y ait survie, il faut qu'il y ait encore du même, un élément de conscience assurant la pérennité et enregistrant la continuité, c'est à dire la même "âme", précisément.
"(...) le cas du "remplacement " de l'âme pose un problème inédit : si on la change, on ne survit pas, mais un être différent naît (...)"

D'après ce que j'ai cru comprendre, il me semble que c'est le même genre de bouchon que pousse Redeker dans les Cahiers de l'In-nocence quand il écrit : "Outre qu'apparaît un corps nouveau, apparaît aussi une fonction sur les ruines de l'âme et du moi : le mental. Cet homme nouveau d'un genre inédit n'a plus d'âme, l'homme nouveau n'a plus de moi : il a un mental."

Les mêmes (c'est-à-dire vous et moi) qui ne refuseraient pas le "changement de pièce" défectueuse, telles que poumon, coeur ou foie hésiteraient encore moins à un "changement de pièce" dans une partie lésée du cerveau et, de proche en proche, au changement de n'importe laquelle des régions d'icelui, en vue d'éviter de perdre la raison ou d'augmenter sa puissance cognitive. Que resterait-il, alors, de l'idée de l'âme, sinon, précisément, l'équivalent de ce qu'on peut penser qu'il en reste chez un malade atteint d'Alzheimer en phase terminale ?
Cher Orimont, Lyotard avait écrit un bel essai sur l'âme, intitulé je crois "Y a-t-il une pensée sans corps ?" Lui aimait à parler de "pensée-corps". En effet, la métaphore du hardware/software semble appropriée. L'âme est peut-être le nom de la synthèse entre sens (au pluriel) et sens (au singulier). Si tel était le cas, on s'imagine mal comment le corps nouveau dont parle Renaud Camus, à la suite de Redeker, pourrait ne pas modifier l'âme. Au demeurant, c'était un peu déjà ce que disait Günther Anders dans "L'Obsolescence de l'homme", vers la fin des années cinquante... Reste que tant que nos prothèses ne nous garantiront pas contre la mort, l'âme n'est pas près de disparaître. Le reste n'est que science-fiction ou métaphysique.
13 mars 2012, 22:43   Re : Changer les pièces
je ne sais, pour ma part, ce que ces "mêmes", qui ont encore une âme et un moi, préfèreraient ; à vrai dire, si ce type de "prolongement" ne consiste en réalité qu'en l'émergence de quelqu'un d'autre, au sens le plus propre du terme, cela finalement ne les concerne plus en rien. Ils mourront de toute façon, de corps ou d'âme.
Qui se souvient du livre magnifique d'Oliver Sacks, L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau ?
On y trouverait des éléments sur ce que devient l'âme quand le cerveau, atteint de différentes tumeurs, se dissout... On ne remplace pas, et pourtant "quelque chose" demeure, du moins c'était ce que tendait à montrer Sacks.
"Je ne sais, pour ma part, ce que ces "mêmes", qui ont encore une âme et un moi, préféreraient (...)"

Pour ces "mêmes" qui ont encore une âme et un moi, je n'utilisais pas exactement le verbe "préférer", mais écrivais "ne refuseraient pas". Ce n'était pas : "préféreraient-ils un cerveau tout neuf" mais : "refuseraient-ils qu'en cas de nécessité on le leur remette en état moyennant quelques menus remplacements". C'est un peu différent.

D'autre part, au sortir de l'anesthésie, personne n'a l'impression d'avoir été si peu que ce soit "remplacé" sous prétexte que le chirurgien à greffé un nouvel organe en lieu et place de l'organe d'origine irrémédiablement malade, jugé indésirable ou modifiable. Seuls le philosophe ou l'artiste s'interrogent, comme le font Redeker et Camus, sur le nouveau sens que prennent le corps et l'âme dans ces conditions inédites et sur les implications que ce nouveau sens peut avoir sur la vie des peuples. Et cependant, ils ne vont pas jusqu'à prendre position et affirmer qu'eux-mêmes, pour rien au monde, n'accepteraient de "changer une pièce", si c'était nécessaire à leur maintien en vie. J'entends par là que cet Egobody, tout cauchemardesque qu'on se plaise à le décrire, a malheureusement pour lui de solides arguments pour croître et se développer, aussi solides que l'horreur de la mort et de la déchéance physique, au point que la question n'est plus de savoir ce que ces "mêmes" "préféreraient", mais de ce qu'ils préfèrent d'ores-et-déjà.


"(...) si ce type de "prolongement" ne consiste en réalité qu'en l'émergence de quelqu'un d'autre, au sens le plus propre du terme, cela finalement ne les concerne plus en rien (...)"

C'est l'histoire du gland qui n'est en rien concerné par le chêne ?
Impossible de répondre, Orimont, sans entrer dans le détail de ce qui constitue l'"identité numérique", c'est à dire ce qui vous fait être le même, ou du moins en avoir l'impression, tout au long d'une vie.
D'aucuns ont hasardé (Dennett, il me semble) que nous sommes notre cerveau ; et que si vous le remplacez, vous devenez un autre, parce que vous avez brisé la relation d'identité qui vous faisait être le "même".
Dans cette hypothèse, la question du remplacement du remplacé à son réveil ne posera pas du tout, c'est pourtant simple, parce qu'il n'aura plus aucune notion de ce qui a été remplacé ; l'oblitération totale de toute forme d'identité antérieure, dans ce cas, produit directement un autre chêne, ou mieux, carrément un autre arbre.
Bonjour.
J'ai assisté à la conférence de Renaud Camus, à l'association France Israël. Je répond donc à la question de Francis Marche:
Oui, le public a très bien réagi, et oui, il y a eu un court débat. Les questions posées ont porté sur la psychologie du peuple Français, sur sa capacité de résistance, sur l'identité et le programme du parti de l'in-nocence.
Il y a aussi eu une intervention constructive de Yvan Rioufol, qui s'est voulu plus optimiste que Renaud Camus. A ma question sur le pays occidental le mieux à même de relever les nouveaux défis, Mr Camus a répondu: "la Suisse".

Mr Camus a aussi mis en évidence les nombreux points qui le rapprochent de Gilles-William Goldnadel, président de France-Israël.

Quoiqu'il en soit, la conférence respirait l'intelligence et était réellement plaisante.
D'aucuns ont hasardé (Dennett, il me semble) que nous sommes notre cerveau ; et que si vous le remplacez, vous devenez un autre, parce que vous avez brisé la relation d'identité qui vous faisait être le "même".
Dans cette hypothèse, la question du remplacement du remplacé à son réveil ne posera pas du tout, c'est pourtant simple, parce qu'il n'aura plus aucune notion de ce qui a été remplacé ; l'oblitération totale de toute forme d'identité antérieure, dans ce cas, produit directement un autre chêne, ou mieux, carrément un autre arbre.


Vaste programme. Il faudrait se pencher de nouveau sur le mythe hindou fort dramatique de Kâli décapitée (déité présente dans les Nouvelles orientales de M. Yourcenar) et dont C.G. Jung se servit. Hélas le corps à ses mémoires, qui rendent la tête folle et par lui mal gouvernée. L'être humain est sans doute trop complexe mais aussi trop uniment inadapté et médiocre dans ses moyens de perpétuation (pas de greffe de soi à un autre qui ferait un hybride ou un être neuf comme dans le règne végétal, pas de reproduction végétative possible, etc.) pour rêver plus longtemps de se faire un corps kit-Ikéa pour reprendre l'image de Redecker par le cosmétisme (terme que Redecker met en echo avec cosmos -- Kâli est déesse du cosmos, son corps est bleu comme les profondeurs du cosmos).

Au sujet de la mort de la mort (Redecker) par le remplacisme à l'infini: revoir cet amusant petit film intitulé Death Becomes You (jeu de mots: "la mort vous sied à merveille", mais aussi "la mort devient vous") qui pour être une comédie n'en retentit pas moins dans l'interrogation métaphysique (là aussi par le détour du cosmétisme).
Merci cher Miza Lundeks. L'optimisme principiel est un moyen de résistance de bon aloi.
14 mars 2012, 11:47   Sacks
"Qui se souvient du livre magnifique d'Oliver Sacks, L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau ?"

Très bien. En ces temps de campagne électorale, relire le chapitre "Le discours du président", sur la réception d'un discours présidentiel (Reagan, peut-être) par deux types d'aphasiques : ceux qui ne saisissent plus le sens des mots mais perçoivent très clairement le ton et la gestuelle de l'orateur (en l'occurrence sa fausseté), et ceux qui, inversement, ne sont plus capables de percevoir ces expressions mais sont attachés de façon maladive au sens et à l'emploi des mots. Et Sacks de conclure :

"C'était là le paradoxe de ce discours : il n'y avait que nous, les gens normaux - soutenus sans doute par notre désir d'être dupés -, qui étions en effet bel et bien dupés ("populus vult decipi, ergo decipiatur"). L'usage trompeur des mots se trouvait si astucieusement uni à un ton de voix trompeur que seul celui dont le cerveau était lésé pouvait échapper à la supercherie."
14 mars 2012, 12:41   Re : Sacks
L'étendur de notre vision est doublement limitée : extérieurement par cette chose étendue et chétive qu'est notre corps; au-dedans par les axiomes de la rationalité pratique qui gouvernent notre action. En fait, nous ne sommes pas vraiment au monde. Ce qu'on appelle ainsi n'est qu'une illusion plus ou moins bien fondée. Un possible exigu nous tient lieu de réalité.

"Pycniques et leptosomes (sur C.-A. Cingria)."
De Pierre Bergounioux

Or si nous ne sommes pas vraiment au monde, que notre illusion est plus ou moins bien fondée, la simplification au maximum de ce monde robotisé, ce monde réducteur et massif, nous fait quitter définitivement ce possible exigu qui nous tenait lieu de réalité. Les penseurs visionnaires n'ont-ils pas sans cesse cherché à sauver au moins cet exigu qui nous tient lieu de réalité? Car sans lui, c'est la mort, et des choses, et de l'esprit.
Admirable citation de Tocqueville. Merci, cher Renaud Camus, de nous l'avoir donnée.
Belle figure, cette Kâli décapitée...
Par rapprochement incertain, cela me fait penser à ce scientifique de renom qui annonça dans les années 80 avoir découvert une "mémoire de la matière". Il en prit lui aussi plein la tête.
La fameuse "mémoire de l'eau" a fait couler beaucoup d'encre...
Cher Marc, le pauvre homme fut la risée de la communauté scientifique jusqu'à sa mort. Comme quoi les caciques des instances de délibaration rationnelle peuvent se révéler, à l'occasion, aussi dogmatiques et féroces que de bornéens coupeurs de têtes.
Certaines voix s'élèvent maintenant pour dire qu'il avait correctement décrit certains phénomènes qui n'ont toujours pas reçu d'explication...
15 mars 2012, 00:32   Re : Sacks
Citation
Marie Cournou
L'étendur de notre vision est doublement limitée : extérieurement par cette chose étendue et chétive qu'est notre corps; au-dedans par les axiomes de la rationalité pratique qui gouvernent notre action. En fait, nous ne sommes pas vraiment au monde. Ce qu'on appelle ainsi n'est qu'une illusion plus ou moins bien fondée. Un possible exigu nous tient lieu de réalité.

"Pycniques et leptosomes (sur C.-A. Cingria)."
De Pierre Bergounioux

Or si nous ne sommes pas vraiment au monde, que notre illusion est plus ou moins bien fondée, la simplification au maximum de ce monde robotisé, ce monde réducteur et massif, nous fait quitter définitivement ce possible exigu qui nous tenait lieu de réalité. Les penseurs visionnaires n'ont-ils pas sans cesse cherché à sauver au moins cet exigu qui nous tient lieu de réalité? Car sans lui, c'est la mort, et des choses, et de l'esprit.

Chère Marie, je trouve aussi que la limitation inhérente à un état est consubstantielle à sa condition de possibilité, et qu'en réclamant de façon tonitruante le tout, on finit par se retrouver avec rien.
Valéry était de notre avis...

« Le monde continue ; et la vie, et l'esprit, à cause de la résistance que nous opposent les choses difficiles à connaître. À peine tout serait déchiffré, que tout s’évanouirait, et l'univers percé à jour ne serait pas plus possible qu'une escroquerie dévoilée ou un tour de prestidigitation dont on connaîtrait le secret. »
15 mars 2012, 12:37   Re : Sacks
J'insistais donc sur le besoin vital d'espace pour pouvoir rencontrer ces choses difficiles à connaître, les envisager même, au lieu que nous en soyons privé d'emblée sous prétexte qu'elles sont infinies, ou encore que d'autres se chargent de nous les interdire par haine de leur aspect privilégié.
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