Les terroristes arabes qui en 2001 ont détourné quatre avions pour les précipiter e. a. dans les tours du WWC étaient tous les fils d'une certaine bourgeoisie cossue qui pouvait se permettre de les envoyer étudier en Allemagne où ils ont été très bien recus et même aimés et respectés par leurs professeurs.
Après l'éffondrement des tours une des professeurs interviewés fut peinée de devoir raconter que lors de la remise de son diplôme à Mohammed Atta celui-ci avait refusé de lui serrer la main.
Ce brave Stiegler avait la prétention de renouveller la critique des conditions existantes mais il reste strictement cantonné dans le convenu.
A propos de Badiou qui m'est venu tout de suite à l'esprit en lisant le texte de Stiegler je remets en ligne un extrait tiré d'un livre d'Etienne Barilier qui critique de manière acerbe un article d’Alain Badiou paru dans le Monde en date du 23 février 2004 se rapportant à la loi sur le voile.
Titre de l’article :
Derrière la loi foulardière, la peur
Dans ce texte Alain Badiou ne traite pas moins de 32 points et E. Barilier en choisit seulement deux pour la simplicité de la démonstration.
E. Bariier tient à noter que A. Badiou est dans ce texte du début à la fin méprisant et cette attitude est à son avis exemplaire de cette autocritique dévoyée qui rend aveugle à autrui comme à soi-même.
Je cite :
[…]
Point1 : le foulard n’a aucunement le sens qu’on lui prétend donner. A vrai dire il n’en a aucun. La foulard est la « particularité insignifiante » de « quelques filles ». Insignifiante est à prendre au sens fort : porter foulard ne change pas plus le rapport à la liberté que de « faire des mathématiques en culotte de cheval jaune » ne change la valeur d’un théorème. D’ailleurs, opposer la République au communautarisme est une foutaise. Les coutumes, vestimentaires ou non, n’ont aucune importance, aucun poids, aucun sens : « se prosterner à toute heure devant des dieux fatigués » (car Allah est mort, comme tous les dieux ; il a « e longue date déclaré forfait », voilà qui n’a ni plus ni moins d’importance que de porter minijupe ou turban, ou s’entre-photographier tout le temps à la mode japonaise. Et puis, à tout prendre, mieux vaut un « idéalisme, même de pacotille », mieux vaut « l’ascétisme volontaire » du foulard que la misère, la bassesse et la culpabilité occidentales.
Point 2 : parlons-en, de l’occidental. S’il prétend interdire le foulard, c’est qu’il se sent coupable d’avoir renié toute raison révolutionnaire, d’être un jouisseur qui tue les pauvres, et, pour tout dire, un capitaliste pour qui nulle étoffe ne saurait dérober au regard acheteur la marchandises féminine. »La loi sur le foulard est une loi capitaliste pure ». Et sous le capitalisme, la peur. Nous avons peur de l’islam parce que nous ne sommes plus capables de sacrifier notre vie pour une idée, contrairement à des gens comme, par exemple, Ben Laden. Cela dit, ces gens-là commettent l’erreur regrettable de mourir « sous la funèbre invocation de ce qui depuis longtemps n’existe plus » (M. badiou n’insiste pas sur le fait qu’ils tuent au passage). Allons plus loin : ces gens ont tort. Ils ne sont ni purs, ni grands. Un peu pourris, même. Qu’on se rassure, cependant, leur pourriture est notre faute : « On ne dira jamais assez que Ben Laden est une création des services américains. »
C’est parler d’or : cette vérité chomskyo-canforienne, M. Badiou, assurément, ne la répétera jamais assez. C’est le propre des dénégations que de devoir sans cesse être réitérés si l’on veut espérer s’en convaincre, si l’ont veut continuer en dépit du bon sens à cultiver l’ignorance dédaigneuse de l’autre et la haine amoureuse de soi.
Le texte de Badiou est vraiment digne d’éloge : il réussit l’exploit de vomir son mépris et sa haine de l’occident tout en tenant pour absolument vide et non advenue la religion islamique et la signification qu’elle donne au port du foulard. Les dieux sont « fatigués », Allah est mort, ce que pensent d’eux-mêmes les musulmans n’a donc aucune importance. Voilà qui permet, superbement, de renvoyer tout le monde à sa nullité : ils sont infantiles et nous sommes ignobles.
Quant à la sujétion de la femme : foutaise encore. On ne la fait pas à M. Badiou, qui a lu Foucault, et qui sait que la sexualité est « controlée » dans nos sociétés comme partout. Non, pardon : pire que partout :
« Le contrôle commercial est plus constant, plus sûr, plus massif que n’a jamais pu l’être le contrôle patriarcal. » Tiens, comme on se retrouve : c’est le fameux schéma du « exactement la même chose, mais en pire », qui fait le bonheur morose de tant de nos flagellants satisfaits. S’il s’agissait seulement, par ce genre de « raisonnements », d’excuser une ignominie par une autre (du style : pourquoi supprimer l’esclavage chez autrui puisque nous avons des esclaves chez nous). Mais c’est plus fort encore : pour mieux se complaire dans la haine de soi, on recourt au plus sinistre jeu de concepts, comme si un « contrôle » diffus, hypothétique, relatif et relaché, sans autre controleur que le corps social tout entier, était comparable aux interdits religieux imposés par une caste au pouvoir ; comme si, en un mot, démocratie et théocratie n’offraient point de différence. Pourquoi supprimer le travail des esclaves, M. Badiou, puisque chez nous, l’on est esclave du travail ?
Parti pour défendre le port du foulard, ce factum ahurissant finit par nous expliquer que Ben Laden a raison, et que s’il a tort, c’est dans la seule mesure où il est notre créature. L’islam représente l’ascétisme et l’idéalisme que nous avons perdus ou bafoués – un idéalisme « de pacotille », bien sûr, et dont les signes sont insignifiants. Il est donc à la fois bon et nul ; il ne devient mauvais que dans la mesure où il est le fils de nos œuvres.
Mais laissons M. Badiou à ses fureurs et aigreurs.
Jusqu’à plus amples informé, l’islam existe en soi et pour soi, son Dieu n’est pas fatigué du tout, il est dans une forme olympienne, et même davantage, et ses foulards sont puissamment signifiants. Ce n’est pas en déniant ces réalités qu’on va les abolir. De plus, on ne respecte pas autrui en méprisant le cœur même de sa pensée et le sens même qu’il donne à son existence.
Sl’on veut combattre pour l’égalité entre hommes et femmes dans l’islam, il n’y a pas d’autre chemin que de prendre cette religion au sérieux. […]
Pages 82-85 du livre « Nous autres civilisations… »