Le site du parti de l'In-nocence

La guerre civile syrienne menace toute la région

Envoyé par Gérard Rogemi 
Dernière dépêche de la Mena. Il y a de quoi se faire du souci !

La guerre civile syrienne menace toute la région (info # 011907/12) [Analyse]
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency

Avec Michaël Béhé à Beyrouth

La tension est palpable dans les régions limitrophes de la Syrie, suite à l’explosion d’hier, à la disparition de Béchar al-Assad, et aux combats à Damas, qui se poursuivent sans discontinuer ce jeudi.

Hier soir, mercredi, à la tombée de la nuit, les forces loyalistes n’ont pas hésité à bombarder leur propre capitale à l’arme lourde, depuis les hauteurs dominant Damas, dans une tentative désespérée de faire lâcher prise aux rebelles.

Des hélicoptères d’assaut ont participé à ces attaques contre des quartiers aux mains des insurgés.

Mais le problème du régime est avant tout démographique : les chiites ne représentant que deux millions et demi d’individus parmi les 23 millions de Syriens, et encore, en additionnant les Ismaïliens et les Duodécimains à la secte alaouite des al-Assad.

Les Alaouites seuls ne dépassent pas le million deux de personnes ; et cela est largement insuffisant pour faire face à tout le reste de la population, que cette petite minorité a maltraité depuis plus de cinquante ans, et, plus particulièrement, lors de ces onze derniers mois.

Jusqu’à présent, les Druzes, les Kurdes et les chrétiens, demeurent relativement à l’écart de la guerre civile. Ils craignent ouvertement les orientations que prendront les musulmans sunnites, qui regroupent seize millions et demi d’âmes, après qu’ils auront renversé la dynastie al-Assad.

Les rumeurs les plus débridées font florès, comme ailleurs à l’occasion des fins de règnes ; selon certaines d’entre elles, après avoir éliminé les Alaouites, les plus extrémistes des islamistes sunnites s’en prendront au quelque million et demi de chrétiens.

L’heure n’est plus à la négociation, la répression du régime ayant été par trop sanglante pour permettre d’entrevoir une réconciliation, ou même un transfert coordonné du pouvoir, voire des élections, comme en Egypte, en Libye ou en Tunisie.

Ce n’est pas les armes qui manquent aux Alaouites pour tenir le coup, pas plus que les conseillers ou les alliés, avec les Russes, les Iraniens, les Chinois, le Hezbollah libanais et les Aounistes qui restent, indéfectibles, aux côtés de la dictature à l’agonie.

Hier, en apprenant la nouvelle de la mort de trois piliers de la népotie assadienne - le ministre de la Défense, Daoud Rajha, le général chargé de la répression, Hassan Turkmani, et le beau-frère de Béchar et vice-ministre de la Défense, Assef Chawkat -, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, les a immédiatement élevés au rang de martyrs. Il a, de plus, décrété un deuil de trois jours.

Pour saisir l’abyssalité du fossé séparant désormais les chiites et les Alaouites du reste de la population, l’écrasante majorité des Libanais et des Syriens avait surnommé le beau-frère de Béchar "Chawkat l’éventreur", et ils tremblaient d’effroi rien qu’en entendant son nom.

Alors, pendant que Nasrallah canonisait ces bouchers, soufflés par une explosion dans le bâtiment en principe hyper-sécurisé de la Sûreté nationale, au cœur de Damas, dans une communion inhabituelle, l’écrasante majorité des peuples libanais et syrien dansait en versant des larmes de joie.

Ce n’est pas d’armes, de conseillers et d’alliés, disais-je, dont manquent les al-Assad, mais de soldats. Tous ceux qui ne sont pas alaouites sont tentés par le changement de camp pour éviter de se trouver du mauvais côté au moment du massacre annoncé.

Même la tribu sunnite des Tlass, alliée des Assad depuis leur accession au sommet de l’Etat, a déserté pour Paris, où elle compte des appuis fidèles. Des gens bien, ces Tlass ! Le patriarche de la tribu, Mustafa, ex-chef d’état-major de l’Armée syrienne, puis ministre de la Défense, s’était, en 1983, fendu d’un "chef d’œuvre littéraire", Les matza de Sion, dans lequel il soutenait que les Juifs préparaient leur pain de Pâque en mélangeant la farine avec le sang des goys.

Mustafa Tlass a lui-même déclaré à des journalistes, que c’est lui qui avait donné le feu vert à la cellule terroriste en passe de devenir le Hezbollah au Liban afin de faire sauter les 58 parachutistes français installés dans l’immeuble du Drakkar. Décidément, Paris n’est guère rancunier.

Reste que le régime alaouite s’est perpétué par l’usage démesuré de la force et du crime politique organisé. Assef Chawkat était ainsi incriminé par le TSL, le Tribunal Spécial des Nations Unies pour le Liban, pour l’assassinat de l’ex-1er ministre de pays du cèdre, Rafic Hariri.

Au fil des ans, les al-Assad ont accumulé les rancœurs et les haines, si bien qu’ils ne peuvent plus faire confiance à personne. Des divisions entières de l’Armée syrienne avaient été consignées dans leurs casernements, de crainte qu’elles ne rejoignent les opposants. Dès qu’ils en eurent l’occasion, les soldats de ces unités abandonnèrent leur matériel ou passèrent avec lui à l’ennemi.

L’engeance al-Assad s’est imposée et maintenue par la terreur, et aujourd’hui, le dauphin de la clique fait nettement moins peur que feu son père Hafez. C’est précisément ce qui rend leur chute irréversible. Personne ne veut mourir pour ou avec les Assad.

Bientôt, il ne restera plus que des Alaouites autour de la famille du tyran ; ce, parce que leur destin lui est lié, qu’ils n’ont pas le choix, et qu’ils combattent réellement pour leur survie.

La peur d’un génocide flotte dans l’air brûlant du Proche-Orient ce jeudi. Béchar al-Assad, le despote exécré, était introuvable depuis l’explosion d’hier. Certains pensaient qu’il avait également trouvé la mort lors de la déflagration, d’autres prétendent qu’il est blessé, d’autres, encore, qu’il s’est barricadé dans son palais fortifié de la capitale. Mais la rumeur la plus tenace, soutenue par des diplomates étrangers et par des personnalités de l’opposition, affirme qu’il s’est déplacé dans le port de Lattaquié, au milieu d’une région à forte densité alaouite.

Cyclicité de l’histoire ? Les Français, pendant qu’ils dirigeaient la Syrie, dans l’entre-deux-guerres, avaient tenté d’établir un Etat alaouite dont Lattaquié était la capitale. Un pays qui ne parvint jamais à prendre racine et dont l’existence fut éphémère.

Quant à Béchar, il donne le mauvais exemple. On attend d’un chef qu’il s’exprime publiquement et qu’il donne des ordres à ses troupes durant les instants difficiles, et non qu’il se terre tel un chien apeuré. Ce facteur d’hystérie fait grossir la cote de ceux qui prédisent une agonie rapide au régime : le jeune Assad est imprédictible, il pourrait même, dans les heures prochaines, quitter son pays à feu et à sang pour rejoindre la Russie de Poutine. Son épouse, Asma, s’y serait déjà réfugiée.

En milieu de cette après-midi de jeudi, Béchar al-Assad est certes apparu à la télévision nationale syrienne, mais il s’agissait d’un film enregistré, dans lequel on le voit uniquement en train de recevoir le nouveau ministre de la Défense, Fahad Jassim al-Freij, qui remplace Daoud Rajha, tué mercredi. S’il semble ainsi qu’Assad ne soit pas mort dans l’explosion, rien ne permet de déterminer l’endroit depuis lequel il est intervenu.

Au niveau des forces en présence, la bataille pourrait se prolonger très longtemps, jusqu’à deux ans, selon le renseignement hébreu. Mais cela dépend de la volonté de résister des militaires du régime, et de la qualité de leurs chefs ; trois parmi les principaux sont décédés mercredi, et le chef du clan n’a pas l’air d’avoir les épaules très solides.

Nous nous trouvons ainsi dans une situation de dangers multiples, à commencer par celui qui concerne les stocks d’armes de destruction massive que le régime a amassés. La dictature pourrait être tentée, dans un excès de rage, d’en faire usage contre la population. Ces armes pourraient aussi finir dans les mains des Frères Musulmans, l’un des mouvements les plus puissants au cœur du tumulte de la guerre civile. Ou encore franchir la frontière libanaise et rejoindre les arsenaux de la milice chiite.

Face à ces perspectives guère réjouissantes, Américains et Israéliens se concertent. Ils envisagent une opération militaire pour mettre ces missiles et leurs ogives chimiques et bactériologiques hors de portée des fous et des destructeurs. Une opération de ce type ne surprendrait personne dans la région.

On doit également craindre que la guerre civile ne s’étende au Liban voisin, à tout le moins dès que le régime alaouite s’effondrera, et qu’il ne pourra ainsi plus servir la profondeur logistique du dispositif Iran-Hezbollah. Les sunnites, les Druzes et la plupart des chrétiens du Liban ont hâte d’en découdre une bonne fois pour toutes avec la milice de Hassan Nasrallah.

Laquelle milice pourrait être à son tour tentée de faire diversion en déclenchant une guerre avec Israël, bien qu’elle sache pertinemment que cela ne ferait qu’accélérer sa chute et son dépeçage. Mais si l’on n’a plus rien à perdre ?

Et sur le Golan syrien, à moins d’un kilomètre de la frontière israélienne, on entend gronder le canon et siffler les balles, entre les légitimistes et l’Armée Syrienne Libre. Ehud Barak, le ministre israélien de la Défense, l’a constaté de visu ce matin, lors d’une tournée d’inspection des positions de Tsahal sur le plateau.

Barak a confié que les combats étaient ininterrompus. Si faire se peut, nous irons nous en rendre compte par nous-mêmes demain, appareils photo au poing. Nous connaissons des points de vue d’où l’on distingue l’intérieur de villes syriennes.

Nous sommes en mesure de réfuter l’information diffusée par la chaîne libanaise MTV et hâtivement reprise par plusieurs media imprudents, selon laquelle le cortège d’Ehud Barak aurait essuyé ce matin des tirs de mortiers en provenance de Syrie. Cette breaking news était sans fondement.

Dans l’entre-temps, face au risque de voir l’un des belligérants, se laissant emporter par son élan, ouvrir effectivement le feu sur notre versant de la frontière, ou à celui d’avoir à parer à un afflux de réfugiés fuyant les combats – cette après-midi, des centaines de civils observaient le territoire israélien à un demi-kilomètre de distance des barrières de sécurité -, toutes les permissions et les congés des militaires hébreux ont été annulés.

Au-dessus de nos têtes, toute la journée, les chasseurs-bombardiers du He’l Avir (l’Armée de l’air israélienne) n’ont cessé de vrombir. A l’arrière, les exercices de la protection civile, notamment ceux simulant une agression dotée de moyens non-conventionnels, se multiplient.

Pendant que la Bataille de Damas continue de faire rage, elle diffuse sur toute la région une odeur persistante d’avant-guerre. Ce, sans que l’on puisse déterminer de quelle guerre il s’agira. Mais ces moments d’incertitude surviennent souvent aux abords des guerres civiles, quand les combattants succombent par centaines chaque jour.
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter