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La “banlieue” est dans la tête

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 12:37   La “banlieue” est dans la tête
Contrairement à ce que les pleurnicheries philobanlieusardes affirment, il n'y a pas de “réalité de la banlieue”, ou alors, c'est une réalité purement architecturale, purement urbanistique (ce qui est certes déjà beaucoup et une des préoccupations du parti). La banlieue est dans les têtes, dans les têtes de certains, du moins. C'est une question de modes d'être (ce qui a déjà été dit ici), de “façons d'habiter” mais aussi de façons de nommer. Le nom qu'on donne aux choses a une importance immense, tout comme le rapport au nom des choses (« Moi, j'habite à Balzac... »). Il y a deux types de responsabilités : celle du technocrate qui décide de nommer de manière tout à fait abstraite, administrative, tel ou tel bâtiment tour Balzac ou tour Musset (rien de plus lointain de Balzac qu'une tour qui porte son nom) et celle de celui qui habite. Car il y a chez les banlieusards (ou banlieusards en puissance) ce que je nommerais un désir de banlieue. A cet égard est particulièrement édifiante une anecdote que m'a racontée Stéphane Bily il y a un mois. Il m'a dit avoir vu, il y a quelques années, dans un village du fin fond de la campagne française un graffiti représentant... des tours ! Il existe chez d'aucuns un désir de la tour, de garder son mur, la cage d'escalier. C'est un modèle d'organisation sociale comme un autre, après tout (très haut sur l'échelle de la nocence, il est vrai).

Mais là où je veux en venir, c'est que des pans entier du territoire (principalement urbanisés) sont bombardés “banlieue”, labellisés ainsi par ce qu'il faut bien appeler des experts en la matière. Ainsi, le footballeur Lilian Thuram, dont la mère habite Fontainebleau (il lui a acheté une maison là avec son argent de footballeur) a parlé de cette ville comme d'une banlieue. Rien de plus absurde ! Fontainebleau est une ville bourgeoise, de droite à 70 %, illustration typique de la sous-préfecture de province. Mais il est bien évident que cette manière de nommer a une influence décisive sur les réalités sociales, politiques, existentielles. Ainsi, il existe une proportion non négligeable (et certainement croissante) de la population qui est remplaçante. Le Grand remplacement a lieu, petit à petit : “ethniquement”, si je puis dire et surtout existentiellement (la “face de craie” qui joue au “gangsta”). Nommer Fontainebleau “banlieue”, nommer “banlieue” un endroit qui n'en est pas une, c'est préparer le terrain. Préparer le terrain où les envahisseurs (au sens propre et au sens figuré : les “envahisseurs dans la tête”) sont les meilleurs : celui de la nocence. C'est vraiment de la traîtrise à la France éternelle au sens bien compris.

Un autre exemple accablant : le “film” Les Kaïra, sorti récemment. (Par parenthèse, j'ai entendu à l'occasion de ladite sortie, sur France Inter (bien fait pour vous, me direz-vous), une émission hallucinante de délire “France d'après” où le réalisateur de ce “film” venait parler d'icelui et, plus particulièrement, de la place du sweat à capuche (souitakapush) dans son œuvre. Une petite journaliste était fascinée de l'entendre lui expliquer qu'à ses yeux, il n'y avait rien de plus “sex” qu'une “meuf” en souitakapush...) Donc, ce “film” se déroule à Melun, préfecture de Seine-et-Marne, que les personnages désignent allègrement comme une banlieue. (« Tu comprends, c'est trop la galère, j'vis à Melun, moi. C'est la fin du RER, quoi ! ») Une fois encore, cette manière de nommer prépare le terrain, adapte les esprits, autorise. En gros, c'est : si la banlieue existe, tout est permis !

Et c'est à ce moment de ma démonstration que je vais faire l'éloge du film Intouchables (du moins en comparaison de ces pauvres Kaïra). Dans Intouchables, il n'est pas sans cesse question de banlieue (les médias en ont rajouté, sur ce coup, en bons “collabos” qu'ils sont), en vérité, il y est très peu question de banlieue. Il est question d'un personnage, qui a une histoire individuelle et qui rencontre un autre personnage, qui a une autre histoire. Et le personnage du banlieusard que joue Omar Sy est confronté à l'altérité, à un monde qu'il ne connaît pas, un monde assez “France d'avant”. Certes il y importe du sien mais il en apprend aussi. C'est tout le contraire du mouvement qui consiste à voir de la banlieue partout, à en montrer toujours, à ne parler que de ça, mouvement qui amène certains à n'envisager le monde que sur deux modes : la ville et le reste : la banlieue.

La banlieue est dans la tête.
On pourrait, en prenant l'exemple du sport, remplacer les Kaïra et Intouchables par, d'un côté, les joueurs de l' Équipe de France de foot et, de l'autre, les athlètes présents actuellement aux Jeux olympiques de Londres. Tout oppose ces deux groupes.

Les footballeurs illustrent l'étrange idéal banlieusard et les épouvantables manières d'être y associées dont vous parlez. Lors des dernières compétitions internationales, ils se sont montré agressifs, écœurants (le premier acte que pose Samir Nasri en entrant sur un terrain est de cracher), hostiles à Blanc (!). Leur comportement résume assez bien la France d'après.

Et puis il y a les athlètes qui représentent avec fierté et émotion la France aux JO, des athlètes, y compris de nombreux Noirs (judo, escrime), qui s'expriment très bien, dans une langue expressive, non percluse en tous cas des tics langagiers de la banlieue. Leur comportement et celui souvent touchant de leur famille (je pense à celle de Laura Flessel) renvoient à une France sensible et volontaire. Une France perdue de vue, qu'ils contribuent, à travers leur défense des meilleurs valeurs du sports, à faire remonter d'un cran dans l'estime du public. Ce qui est toujours ça de pris.
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 14:58   Re : La “banlieue” est dans la tête
[cette intervention contient des références et des citations de l'univers des variétés]

Monsieur Leroy,

nous avons je crois vingt ans de différence, et j'ai été collégien au milieu des années 1980 (à Dijon centre, autant dire que je n'ai jamais connu la banlieue quelle que soit l'acception du terme).

Je voudrais tout de même revenir sur ce que ce terme signifiait alors: il avait un sens uniquement urbanistique et social, sans composante ethnique ou religieuse (parce qu'il n'y avait pas de groupe minoritaire, constitué, en état de faire levier, pas de frictions?).

C'était la vague SOS Racisme (à raison sans doute, car il est possible qu'alors, les rares qui se faisaient parfois casser la g... étaient plus souvent bronzés) et la période la plus intéressante du chanteur Renaud (Renaud Séchan --- engagé, à gauche, idéologue, pas trop alcoolisé encore) qui situait la plupart de ses aventures en banlieue parisienne (écouter ou lire: banlieue rouge, la chanson du loubard, les aventures de Gérard Lambert, écoutez moi les Gavroches).

Voici les thèmes traités par ordre d'apparition:
- la haine du bourgeois
- critique de l'autorité (l'état, la religion, la police, l'armée) mais pas radicale. Par exemple, le service militaire est dépeint comme riche d'expériences et la marine c'est cool
- des millions de gens au grand coeur installés dans une petite vie gentille avec un cadre tristounet mais propre. Il n'est jamais question de bidonvilles, pourtant cela semble avoir été une réalité à Nanterre vers 1975
- de Palaiseau aux Lilas, de Rungis à Pantin, de Boulogne à Vincennes, tout se fait en cuir sur des mobes. Il n'y a pas de noms de cités, ce sont encore les noms topographiques. La banlieue, c'est donc tout ce qui est à 30min de meule.
- quand il y a désaccord, il y a baston (attention virage pacifiste du chanteur vers 1990)
- les difficultés rencontrées mènent soit au chômage, soit à la délinquance
- ...
- ...
- ...
- très loin derrière, presque absente, la composante maghrébine (la France est un pays merdique ...comme dit mon copain Mohamed... aux flics...).

Tout ceci servi avec un fond d'accordéon musette franchouillard plutôt réussi, impensable aujourd'hui pour dépeindre les mêmes lieux.

Cette vision pourrait cependant être déjà, une vision idéologisée. Mais je la crois relativement honnête car elle colle à certaines représentations comme celles des films de l'époque avec Montand: Le cercle rouge (action en 1970). Police Python 357 (1976). Je suis très friand d'autres exemples. La dérive religieuse commence à se voir avec L'union sacrée (1989).

«Elle travaille tous les jours
Elle a un super boulot
Sur l'parking de Carrefour
Elle ramasse les chariots
Le week-end c'est l'enfer
Quand tous ces parigots
Viennent remplir l'coffre arrière
D'leur 504 Peugeot
De quinze tonnes de lessive
De monceaux de bidoche
En cas d'guerre en cas d'crise
Ou d'victoire de la gauche
Ce spectacle l'écœure
Alors elle pense à ces gars
Qui sont dev'nus voleurs
Elle comprend mieux pourquoi.» (Banlieue rouge)


Sans invalider le propos original, je pense qu'il y a ici un bel exemple de changement du sens des mots.
Il y a quelques soirs, le film de Lauzier Je vais craquer. Scènes de la vie de banlieue, en fin des années 70 : appartements assez grands pour bourgeoisie moyenne avec enfants (les fameux cadres), résidences modernes avec baies vitrées ouvertes sur des façades blanches, espaces verts, calme ; opposé à Paris, bruyant, animé, assez sale, les spectacles de rues de Beaubourg, les chambres de bonne...
Les cadres s'installaient en banlieue pour la place et le calme, et allaient bosser à La Défense ; ils faisaient partie des classes moyennes/supérieures. Que sont-ils devenus ? Où sont-ils allés ? A moins que ces banlieues pour cadre n'existassent encore...
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 17:11   Re : La “banlieue” est dans la tête
Avant, ils étaient à vingt kilomètres de Paris, maintenant, ils sont à quatre-vingts kilomètres, c'est tout.
Utilisateur anonyme
02 août 2012, 17:39   Re : La “banlieue” est dans la tête
Et pourtant, vers la fin de la décennie 70 du siècle dernier, le sieur Séchan donnait déjà dans le récit édifiant...




[léger sentiment de dégoût à poster ceci, mais cette chansonnette, avec le recul, en dit long...]
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