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Simon Petlioura

Envoyé par Henri Rebeyrol 
01 février 2011, 16:09   Simon Petlioura
Simon Petlioura est mort à Paris en mai 1926. Ce nom, hélas, ne dit plus rien à personne; pourtant celui qui l'a porté, qui était "progressiste" et luttait pour que son peuple jouisse de libertés publiques, a été un héros de la lutte des Ukrainiens pour leur indépendance entre 1900 et 1918-19, réussissant même pendant quelques mois à fonder une République libre et souveraine à Kiev, que les bolcheviks ont détruite pour intégrer l'Ukraine soumise et aux fers à l'URSS. Petlioura s'est réfugié en Pologne, puis en France, à Paris, où il a été assassiné rue Racine.

Son assassin est connu. C'est un "poète", juif communiste, Samuel Schwartzbard, qui était, pensent quelques historiens, un agent bolchévique et qui aurait agi à l'instigation des autorités de la RSS d'Ukraine. Cet assassin a choisi comme prétexte, pour légitimer son acte, les pogroms qui, au moment où les Ukrainiens s'émancipaient des Soviétiques, ont fait des milliers de victimes. Petlioura n'a pas participé à ces pogroms, il ne les a pas ordonnés, il n'était pas antisémite.

Schwartzbard a été arrêté, il a reconnu les faits et il a même revendiqué l'assassinat. Le tribunal français qui l'a jugé en 1927 aux assises l'a acquitté, sous le prétexte qu'il voulait venger les victimes de pogroms. C'est un avocat communiste, Torrès, qui l'a défendu, Torrès auprès de qui Badinter deux décennies plus tard s'est formé. C'est à l'occasion de ce procès, pour accabler un innocent, qu'a été fondée la Ligue contre les pogroms, première esquisse de la LICA.

De ce jugement ahurissant et incompréhensible (mais de la justice, on sait aujourd'hui qu'il faut s'attendre en toute occasion au pire et que, comme disait Montaigne, il y a des décisions de justice plus criminelles que le crime qu'elles sanctionnent), on peut tirer plusieurs remarques :
- ce procès a été totalement occulté, alors qu'il devrait être étudié dans toutes les universités et à l'Ecole de la Magistrature comme un "cas d'école";
- la mort de Petlioura annonce l'occultation en France - et même la négation - de l'extermination par la famine organisée, en bref le génocide, en 1932-33 de six à sept millions de paysans ukrainiens : personne n'a rien vu, rien su, rien entendu, aucun historien français digne de ce nom, bien entendu. Seul Robert Conquest a sauvé l'honneur de leur "corporation".
- ce procès prouve que l'URSS n'est pas le seul pays à organiser "des procès de Moscou" - procès politiques, avec avocats politiques, organisations politiques qui font pression sur les juges; la France est, de ce point de vue, plutôt bien lotie;
- on répète partout, dans les media, dans les feuilletons de la télévision, dans les films, etc. que la France, dans les années 1920-30, était antisémite, viscéralement antisémite, etc. Or, ce jugement prouve le contraire. La justice a fait preuve en cette occasion d'une complaisance extrême vis-à-vis d'un assassin et d'un mépris sans borne pour la victime, sa famille, sa mémoire, son peuple, n'hésitant pas à la charger de crimes qu'elle n'a pas commis, ni appelé à commettre, pour exonérer l'assassin de son acte.
01 février 2011, 16:50   Re : Simon Petlioura
Petlioura...


JGL, j'apprécie beaucoup vos interventions, mais, de mon point de vue, Petlioura ne mérite pas tant d'honneurs.
02 février 2011, 09:11   Re : Simon Petlioura
M. Jean-Marc pourrait-il nous en dire plus ?
02 février 2011, 09:39   Re : Simon Petlioura
La polémique à son propos est assez bien décrite sur Wikipedia.

Comme toujours après la bataille les historiens donneurs de lecon viennent pérorer sur le devant de la scène.
Utilisateur anonyme
02 février 2011, 10:13   Re : Simon Petlioura
Feu ma grand-mère me parlait souvent des pogroms perpétrés dans sa région d'Ukraine. Un souvenir terrible la hantait : des troupes ukrainiennes avaient pénétré dans sa ville de Toutchine et commencé à rassembler les Juifs complètement terrorisés, tous se croyaient condamnés lorsque in extremis les bolchéviques étaient intervenus, mettant les troupes en fuite après une sévère canonnade. Comment savoir à présent si Petlioura était impliqué de près ou de loin dans ce genre d'opérations, elle n'a jamais mentionné son nom en tout cas, ni parlé d'une politique nationale ukrainienne d'éradication des Juifs.
02 février 2011, 10:24   Re : Simon Petlioura
Maître,

Pour une approche littéraire et non wikipédique (?) de Petlioura, on se reportera à "La Garde blanche", de Boulgakov.

Petlioura ne fut pas le diable, il n'est pas non plus exempt de reproches. Plus exactement, il ne fut probablement pas l'instigateur des exactions de ses partisans, mais il les couvrit. Dans un genre un peu plus agité, nous trouvons Ungern-Sternberg.

Une part non négligeable du succès final des Rouges fut, on l'oublie, dû aux exactions des armées blanches et des armées des divers nationalismes.
02 février 2011, 10:45   Re : Simon Petlioura
Merci beaucoup. La salve de "vous avez" est vraiment un automatisme ou bien c'est un acte de résistance ?
02 février 2011, 10:52   Re : Simon Petlioura
Non, c'est un défaut dont je n'arrive pas à me défaire, il n'y a là aucun caractère volontaire, je corrige le texte.

De la même façon, je n'ai pas pu m'empêcher, pendant longtemps, d'écrire "ajoutter" au lieu de "ajouter". Au fait, dans ce cas, doit-on écrire d'"ajouter" ou de "ajouter" ?
02 février 2011, 11:31   Re : Simon Petlioura
Le destin tragique de Petlioura "pose" ou "soulève" trois "problèmes" ou "questions" - comme on disait jadis.

Il est assez semblable au destin tragique de nombreux hommes politiques qui ont voulu faire accéder à la souveraineté leur "petite nation" d'Europe centrale : Mihailovic, Sikorski et d'autres, qui non seulement ont été assassinés ou exécutés, mais dont la mémoire est bafouée. Pour les faire tuer ou les effacer de notre mémoire, le régime soviétique a inventé en 1918 le crime de "nationalisme bourgeois" - dont étaient accusées les élites non russes qui rejetaient la tyrannie russe, puis soviétique.

L'acquittement de son assassin est aussi symptomatique d'un mal (très ancien) de la justice française et européenne (procès à répétition pour "délit d'opinion" faits à Wilders, Riposte laïque, Hortefeux, Finkielkraut, etc. sans parler des condamnations sans procès et sans aucun "chef d'accusation" prononcées par les médias contre des écrivains ou des hommes politiques...), mal qui consiste à juger non pas un acte, mais des intentions, qui tantôt sont criminalisées, tantôt servent à absoudre des crimes. Les Allemands auraient pu faire assassiner De Gaulle en 1941 ou 1942 par des militants indépendantistes algériens ou marocains, désireux de venger des membres de leur famille tués par des soldats français en 1848 ou en 1925. Je doute qu'un tribunal britannique ait acquitté le coupable sous le prétexte qu'il vengeait des crimes commis par la puissance coloniale. La "culture de l'excuse", qui accorde une véritable impunité de fait à tous les auteurs de délits quand ils sont originaires d'Afrique, procède de ce même mal. Comme l'assassin de Petlioura, ils se vengent ou ils vengent, au nom de l'histoire ou d'une idéologie victorieuse, leurs morts, avérés ou imaginaires.

La "damnatio memoriae" dont Petlioura et d'autres, innombrables, sont les victimes n'est pas neutre; elle sert aussi à masquer la tragédie qui a frappé le peuple ukrainien pendant tout le XXe siècle - en particulier en 1932-33.
02 février 2011, 11:34   Re : Simon Petlioura
Vous ne croyez pas si bien dire, cher Jean-Marc. Il m'est moi-même arrivé d'écrire dans ma lointaine jeunesse (je ne vous l'avoue pas sans quelque rougeur au front) "ageouter", quand ce n'était pas, les jours de grande détresse, "ageouttter"...
02 février 2011, 13:29   Re : Simon Petlioura
JGL,

On pourrait appliquer le même raisonnement à Ante Pavelic.

En Ukraine, vous trouverez une figure un peu analogue avec Bandera : des nationalistes indéniables, mais qui recrutèrent leurs armées dans les couches les moins fiables de la population, et qui portent une lourde responsabilité dans ce qui se passa.

Il y a une différence entre damner la mémoire des gens et dire que leurs partisans commirent bien des exactions contre les juifs, exactions qu'ils couvrirent si ce n'est plus. Si on étudie l'histoire des massacres de juifs, surtout avant 1942, on constate la très grande place qu'y prirent les éléments nationalistes des "petites nationalités". Que bien des bolchéviques aient été juifs, cela peut expliquer une part de leur haine. Cela étant, les paysans juifs des villages d'Europe centrale n'étaient pas bolchéviques, et les nationalistes alliés des nazis les massacrèrent.

La grand'mère de Fabrice n'est sans doute pas une pro-bolchévique : ces hordes ukrainiennes voulant du mal aux juifs ne sont pas sorties de son imagination.
02 février 2011, 14:25   Re : Simon Petlioura
Citation
On pourrait appliquer le même raisonnement à Ante Pavelic.

Ah non et vous le savez bien. Pavelic était un équarisseur et responsable de massacres innombrables.
Utilisateur anonyme
02 février 2011, 15:10   Re : Simon Petlioura
Je rectifie une petite chose, cher Jean-Marc : bolchévique, elle ne l'était pas, ni ses très pieux parents, mais elle l'est devenue (cet événement constitua une forme d'épiphanie pour elle) et après son émigration elle fut et demeura membre active du PCF. Il ne s'agit pas d'une règle générale toutefois, le communisme a profondément divisé la branche ukrainienne de ma famille.
02 février 2011, 15:19   Re : Simon Petlioura
Rogemi,

Je me référais à la phrase :

Il est assez semblable au destin tragique de nombreux hommes politiques qui ont voulu faire accéder à la souveraineté leur "petite nation" d'Europe centrale

Et à une question de raisonnement. Bien évidemment, Pavelic et Petlioura ne peuvent être comparés en tant que personnes. De même, Sikorski n'a rien à voir avec les deux.
02 février 2011, 20:20   Re : Simon Petlioura
Selon la quasi totalité des sources israéliennes dont j'ai pu prendre connaissance, l'affaire est claire : Petlioura n'a au mieux rien fait pour empêcher la soixantaine de pogroms qui eurent lieu dans la première moitié de 1919, d'une sauvagerie inconcevable et dont on évalue les victimes à 50 000 environ, au pire il en a été l'un des "responsables", pour canaliser la frustration des troupes dans le combat contre l'Armée rouge et leur redonner un peu de cœur au ventre.
Une directive exhortant les hommes à arrêter les pogroms ne fut publiée qu'après que le mal eut été commis.
Si cela est plutôt vrai, et par ce tout petit bout de la lorgnette, Petlioura ne vaut que ses balles dans le corps.
Utilisateur anonyme
07 mai 2011, 10:17   Re : Simon Petlioura
Je ne pense pas que les sources israéliennes soient suffisantes et suffisamments objectives. Il est important de tenir compte d'autres sources. Dire que Petlioura n'a rien fait pour stopper les pogroms est une erreur. Il a autorisé la peine de mort pour les auteurs de tel acte. Dans ses écrits, avant la révolution russe comme après, a été retrouvé des écrits plutôt philosémite. J'ajoute qu'il eut des ministres Juifs tel Arnold Margolin.

On rapporte sa tardive réaction pour faire face aux pogroms. C'est là le seul argument valable que rapporte l'historien Henry Abramson, spécialiste du sujet. Il est facile de porter un jugement sévère, mais il est plus difficile de le condamner quand on prend en considération le contexte chaotique de l'Ukraine. L'armée hétéroclite de Petlioura ne fut pas la seule à combattre en territoire ukrainien.

Il a été considéré responsable de l'ensemble des pogroms en Ukraine, ce qui est en soit une erreur. On oublie souvent les mensonges de son assassin durant le procès, quand à la complicité de l'OGPU aussi bien dans l'assassinat que dans l'instrumentalisation du procès, ceci ne relève pas de l'imagination mais d'un fait. Les accusations à l'encontre de ce personnage est d'une telle ignominie qu'il vaudrait mieux se garder de justifier l'acte de l'assassin qui n'était en rien une personne des plus intègre...
07 mai 2011, 18:44   Talaat Pacha
La responsabilité de Petlioura n'est peut-être pas aussi nette dans ces atrocités antisémites que celle de Talaat Pacha dans l'organisation du dernier épisode du génocide arménien en 1915. Je pense à lui, à ce membre du triumvirat Jeune-Turc, car il fut assassiné, lui aussi, par un rescapé des massacres nommé Soghomon Tehlirian, à Berlin en 1921. Tehlirian fut acquitté, comme Schwarzbard, Ces décisions de justice ayant été prises à la même époque, en gros, je me demande si on peut les comparer.
Utilisateur anonyme
07 mai 2011, 19:46   Re : Simon Petlioura
Je ne partage pas ce point de vue. À vrai dire je ne connais pas bien l'histoire du génocide arménien, mais de ce qu'en dit Wikipedia, Talaat Pacha est considéré comme un des organisateurs du génocide arménien sans que cela soit l'objet d'un quelconque débat.

Il y a des différences importantes. Petlioura n'éprouvait pas d'animosité à l'encontre des Juifs. Comme je le soulignais, en témoigne ses écrits qui non seulement ne contiennent aucunement d'hostilité mais se révèlent même favorable. Il a pris des mesures contre les pogroms bien qu'on lui reproche sa tardive réaction de janvier à avril 1919.

L'Ukraine était dans une situation chaotique, Petlioura (on peut lui reprocher cela) avait une autorité sur les différents otamans faible sinon nominale. J'ajoute plus globalement que les pogroms n'était ni organisés, ni officieusement voulus par Petlioura comme on tentera de le faire croire. Les pogroms de cette époque ne s'inscrit pas dans la liste des génocides, il n'y avait pas de programme d'extermination établi par les chefs et absolument pas par le haut commandement.

Quand à la personnalité de l'assassin, Schwartzbard était un internationaliste (anarchiste) qui avait gardé des contacts avec les groupuscules bolchéviques. Peut être sa "vengeance" était elle sincère, mais il savait qui était les commanditaires de l'assassinat. Lavrenti Beria écrit lui même le 11 août 1930 à propos des émigrés indépendantistes Géorgiens, que les autorités soviétiques auraient pu se débarasser de ceux-ci si "Moscou avait dépensé autant que pour assassiner Koutepov et Petlioura"...

Enfin il ne faut pas oublier ce que représente Petlioura pour les Ukrainiens. Il s'agit d'un leader qui lutta pour l'émancipation de son pays longtemps asservi. Peut on lui en vouloir de n'avoir pas démissionner ? Cette cause n'était elle pas noble ? La nature des deux affaires est différentes. Pour Soghomon Tehlirian membre d'une organisation propre, nous avons affaire à une vengeance sur un personnage dont l'implication dans les massacres est reconnu, de l'autre un individu plus ou moins manipulé qui bénéficia du soutien du Komintern.
07 mai 2011, 23:56   Re : Simon Petlioura
Étant donné que parmi les victimes des pogroms figuraient les membres de la famille de Schwarzbard et ses propres parents, ai-je lu, et qu'il avait été témoin de certaines des exactions commises, et compte tenu de la brutalité extrême de ces événements, d'une violence stupéfiante en vérité, je ne suis pas sûr que son désir de vengeance ait été si platonique.

Un sacré aventurier tout de même ce Schwarzbard, qui n'a cessé sa vie durant de se battre, braqueur de banques, bagnard, anarchiste, communiste, Garde rouge, légionnaire héros de la Grande Guerre, poète, yiddichiste, bien trop bouillant et fougueux apparemment pour n'avoir été qu'un froid exécuteur commandité, bien que l'un n'empêche pas l'autre.
il me rappelle un peu cet autre vengeur, Abba Kobner, poète lui aussi, qui fut l'un des instigateurs de la création du groupe dit des "Vengeurs", qui après la Shoah voulut empoisonner l'eau des principales villes allemandes d'abord, et quand ce plan tomba à l'eau, littéralement, entreprit d'empoisonner le pain de prisonniers allemands. On estime qu'il y eut entre 8 et 300 victimes...
Utilisateur anonyme
08 mai 2011, 07:02   Re : Simon Petlioura
Citation
Jean-Marc
Petlioura...


JGL, j'apprécie beaucoup vos interventions, mais, de mon point de vue, Petlioura ne mérite pas tant d'honneurs.

Petlioura était très apprécié de Boulgakov. C'est déjà pas si mal.
08 mai 2011, 07:20   Re : Simon Petlioura
J'aimerais juste savoir quels furent les attendus et les motifs de l'acquittement de Tehlirian par la justice berlinoise, et s'ils sont comparables à ceux du tribunal parisien. Et d'autre part, j'ai suivi un jour un documentaire historique bien fait, sur la chaîne Planète, à propos des Vengeurs et de leurs tentatives. Furent-ils poursuivis par la justice militaire américaine ? Et dans un même ordre d'idées, que décida la justice française à propos du jeune Juif polonais qui, voulant venger ses parents, assassina en représailles un attaché d'ambassade allemand à Paris, en 1938, donnant prétexte à la Nuit de Cristal ?
Utilisateur anonyme
08 mai 2011, 08:14   Re : Simon Petlioura
Boulgakov n'appréciait pas Petlioura, c'est plutôt le contraire. Boulgakov était pour l'armée blanche qui d'ailleurs détesté l'indépendantisme ukrainien.

Quant aux acquittements les motifs sont du même ordre mais pour des contextes différents et des victimes différentes. Je ne vois pas en quoi le justice militaire américaine aurait poursuivi ces "vengeurs". Cela n'a pas été le cas.
Utilisateur anonyme
08 mai 2011, 11:57   Re : Simon Petlioura
Citation
Alain Eytan
Étant donné que parmi les victimes des pogroms figuraient les membres de la famille de Schwarzbard et ses propres parents, ai-je lu, et qu'il avait été témoin de certaines des exactions commises, et compte tenu de la brutalité extrême de ces événements, d'une violence stupéfiante en vérité, je ne suis pas sûr que son désir de vengeance ait été si platonique.

Un sacré aventurier tout de même ce Schwarzbard, qui n'a cessé sa vie durant de se battre, braqueur de banques, bagnard, anarchiste, communiste, Garde rouge, légionnaire héros de la Grande Guerre, poète, yiddichiste, bien trop bouillant et fougueux apparemment pour n'avoir été qu'un froid exécuteur commandité, bien que l'un n'empêche pas l'autre.
il me rappelle un peu cet autre vengeur, Abba Kobner, poète lui aussi, qui fut l'un des instigateurs de la création du groupe dit des "Vengeurs", qui après la Shoah voulut empoisonner l'eau des principales villes allemandes d'abord, et quand ce plan tomba à l'eau, littéralement, entreprit d'empoisonner le pain de prisonniers allemands. On estime qu'il y eut entre 8 et 300 victimes...

Cette histoire d'empoisonnement m'en rappelle une autre, peu connue, dans laquelle il est question de dissémination des bacilles du choléra dans les conduites d'eau potable de Londres (circa 1947) :

[books.google.com]
Utilisateur anonyme
08 mai 2011, 14:14   Re : Simon Petlioura
Citation
Jean B.
Boulgakov n'appréciait pas Petlioura, c'est plutôt le contraire. Boulgakov était pour l'armée blanche qui d'ailleurs détesté l'indépendantisme ukrainien.

Quant aux acquittements les motifs sont du même ordre mais pour des contextes différents et des victimes différentes. Je ne vois pas en quoi le justice militaire américaine aurait poursuivi ces "vengeurs". Cela n'a pas été le cas.

Rappelez-moi, le personnage de Petlioura est-il déprécié par Boulgakov dans "Garde blanche"? Je n'en gardais pas un souvenir tel.
Utilisateur anonyme
08 mai 2011, 16:26   Re : Simon Petlioura
Citation
Brunet Latin
Citation
Jean B.
Boulgakov n'appréciait pas Petlioura, c'est plutôt le contraire. Boulgakov était pour l'armée blanche qui d'ailleurs détesté l'indépendantisme ukrainien.

Quant aux acquittements les motifs sont du même ordre mais pour des contextes différents et des victimes différentes. Je ne vois pas en quoi le justice militaire américaine aurait poursuivi ces "vengeurs". Cela n'a pas été le cas.

Rappelez-moi, le personnage de Petlioura est-il déprécié par Boulgakov dans "Garde blanche"? Je n'en gardais pas un souvenir tel.

Exact. De mémoire dans ce roman. Boulgakov n'a jamais pris parti pour Petlioura.
08 mai 2011, 16:54   Re : Simon Petlioura
Citation
Jean B.
Quant aux acquittements les motifs sont du même ordre mais pour des contextes différents et des victimes différentes. Je ne vois pas en quoi le justice militaire américaine aurait poursuivi ces "vengeurs". Cela n'a pas été le cas.

La justice militaire américaine aurait pu inculper ces gens (les Vengeurs) de tentative de meurtre, commise dans le territoire que les Américains contrôlaient. A propos des acquittements de Berlin et de Paris, il aurait été intéressant de savoir comment le droit et les tribunaux envisageaient la notion de vengeance : Schwarzbard ou Tehlirian furent-ils acquittés en raison de leur histoire personnelle, ou parce que les tribunaux considérèrent les victimes plus coupables, collectivement, historiquement, que les assassins ? Accordèrent-ils dans ces cas-là, une sorte de légitimité à la vengeance personnelle, dès l'instant qu'elle rejoint le malheur de tout un peuple ? C'est un problème juridique qu'il aurait été intéressant de poser.
Utilisateur anonyme
18 mai 2011, 10:43   Re : Simon Petlioura
Euh... J'avoue ne pas comprendre votre raisonnement. Vu que Paris ou Berlin sont des territoires que les Américains ne controlaient pas... Quant à la question de vengeance c'est un vaste débat ou il est nécessaire de tenir compte des contextes bien différents dans ces deux affaires.
18 mai 2011, 21:40   Re : Simon Petlioura
Les contextes diffèrent, oui. Tehlirian fut acquitté par un tribunal berlinois de l'époque weimarienne. Schwarzbard par un tribunal français de la III° République. Les Vengeurs formèrent leur projet après 1945, dans l'Allemagne vaincue occupée par les Alliés. Cependant les trois cas opposent une vengeance plus ou moins personnelle, mais aussi ethnique et collective, à des droits qui ne reconnaissent que la responsabilité individuelle. D'où ma question, qui associe peut-être ce qui ne doit pas l'être. Un juriste serait bienvenu.
Utilisateur anonyme
19 mai 2011, 09:53   Re : Simon Petlioura
Citation
Henri Bès
Les contextes diffèrent, oui. Tehlirian fut acquitté par un tribunal berlinois de l'époque weimarienne. Schwarzbard par un tribunal français de la III° République. Les Vengeurs formèrent leur projet après 1945, dans l'Allemagne vaincue occupée par les Alliés. Cependant les trois cas opposent une vengeance plus ou moins personnelle, mais aussi ethnique et collective, à des droits qui ne reconnaissent que la responsabilité individuelle. D'où ma question, qui associe peut-être ce qui ne doit pas l'être. Un juriste serait bienvenu.

L'affaire Tehlirian comme celle de Schwarzbard c'est dans les années 20, pourquoi parler de l'après seconde guerre mondiale ? Pourquoi me parler vous de trois cas alors que l'on en évoque deux ? Vos propos sont incohérents.
19 mai 2011, 10:30   Re : Simon Petlioura
On ne voit vraiment pas ce qu'il y a d'incohérent dans l'intéressante question que pose Henri : lisez-mieux et soyez plus prudent dans vos jugements et la façon de les exprimer s'il vous plaît.
Pour ce qui est de la "Garde blanche", Petlioura n'y apparaît jamais en tant que personnage. Ceci dit, les membres de l'armée populaire ukrainienne apparaissent comme des ignares, violents et amateurs de pogroms.
Utilisateur anonyme
19 mai 2011, 16:34   Re : Simon Petlioura
La question de la culpabilité de Tehlirian du meurtre de Talaat Pacha a été, me semble-t’il, tranchée sans que les jurés n'expliquent leur décision, mais on peut estimer qu’ils ont entendu invoquer une irresponsabilité pénale, une folie passagère, inhérente aux traumatismes subis par sa famille. Or Tehlirian avait agi en s’auto-désignant comme responsable de la conscience de l’humanité. Le caractère absurde - d'un point de vue juridique - de ce jugement conduisit Raphael Lemkin, alors jeune étudiant en droit, à demander à son professeur pourquoi les Arméniens n’avaient pas fait arrêter Talaat Pacha. Le professeur répondit qu’il n’y avait pas de loi qui permît de procéder à cette arrestation, la souveraineté de l’État turc permettant de le protéger. Lemkin considéra que l’impunité pour un crime de masse devait cesser et ce crime – et son châtiment – être inscrit dans le droit international. Il entreprit un travail qui aboutit à la Convention sur le génocide de 1948.

Au procès de Schlomo Schwartzbard, en 1926, le jury devait répondre à cinq questions :
1° Schwartzbard est-il coupable d’avoir à Paris, le 25 mai, volontairement porté coups et blessures à Petlioura Simon ?
2° Lesdits coups et blessures ont-ils été portés volontairement et ont-ils occasionné la mort de Petlioura ?
3° Schwartzbard avait-il l’intention de donner la mort à Petlioura ?
4° Schwartzbard a-t-il agi avec préméditation ?
5° Schwartzbard a-t-il agi avec guet-apens ?

M°Henry Torrès s’adressa aux jurés en ces termes :

« Monsieur l’Avocat Général vous a demandé de répondre à cinq questions, cinq accablantes questions. Avec moi, vous vous arrêterez à une seule question, la première… Je vous la rappelle : « Schwartzbard est-il coupable d’avoir porté des coups à Petlioura? ». OUI, il a porté des coups. NON, il n’en est pas coupable. Mais Petlioura, lui, a-t-il porté des coups ?... NON ! Est-il coupable ? OUI ! La victime n’est pas toujours du côté où on l’imagine… Petlioura n’a pas besoin d’avoir du sang sur les mains pour être coupable. Chef ou bourreau, là n’est pas la question. Petlioura, chef des bourreaux, est par là même coupable. Condamnez Petlioura et vous ne pourrez qu’acquitter Schwartzbard !

« Vous direz simplement qu’il était du devoir de Schwartzbard de prendre les armes. Ce que je vous demande d’accomplir, c’est un véritable acte de civisme, et non pas un pardon au bénéfice de l’émotion. Vous, Jurés de France, vous vous substituerez aux magistrats défaillants. Vous êtes aujourd’hui, Messieurs, responsables du prestige de notre Nation et des milliers de vies humaines qui dépendent du verdict de la France. »

C'est ce qu'ils firent.

Nota : A l’époque du procès, les Jurés délibéraient seuls, hors la présence du Président de la Cour d’assises.
« Au milieu de la matinée, l’armée nationaliste ukrainienne entra dans Kiev et défila sous les vivats en direction de la douma. Juché sur sa monture, Petlioura ouvrait lui-même la marche, le bras gauche pendant et ensanglanté. Son cheval, tel celui d’un héros légendaire, avait lui aussi le poitrail et les jambes en sang. Sur son passage, les jeunes filles de Kiev lançaient des fleurs ; les représentants de la ville lui offrirent le pain et le sel de bienvenue, et la foule l’acclamait depuis les balcons et les fenêtres.

Seul le Podol [le quartier juif] demeura étranger à la liesse ; ses rues restèrent désertes, ses fenêtres closes. Les vieux rabbins, emmitouflés dans leurs longues lévites noires, se déplacèrent néanmoins pour accueillir l’ataman victorieux. Peine perdue. A peine le défilé fut-il achevé que les soldats de Petlioura se ruèrent sauvagement sur le Podol, assassinèrent à tout-va, pillèrent les maisons et embrochèrent les bolchéviks qui s’y cachaient encore. Ce fut un épouvantable carnage. Les troupes ukrainiennes comptaient des détachements d’homme du Sud appelés les grouzinskie - parce qu’ils étaient originaires de Géorgie ; ils s’acharnèrent sur les malheureux Juifs du Podol.

Au début, leurs chefs les laissèrent donner libre court à leurs représailles contre les Juifs, accusés de protéger leurs alliés bolchéviques ; mais ils commirent de telles atrocités qu’à la tombée du jour les officiers se rendirent en automobile au Podol afin de reprendre la situation en main. Ivres de sang, ces brutes refusèrent d’obéir ; pour obtenir d’eux qu’ils lâchent leurs proies, les officiers durent faire usage de leurs revolvers. »

Manuel Chaves Nogales : Le double jeu de Juan Martinez - titre original : El maestro Juan Martinez que estaba alli (paru en 1934, sous la forme d’un feuilleton, dans le journal Estampa, traduit en 2010 par Catherine Vasseur pour les éditions Quai Voltaire.)

Plus que divertissante à lire, cette épopée d’un couple de danseurs de flamenco en pleine révolution bolchévique ! Un régal de picaresque vécu.
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