Le site du parti de l'In-nocence

Contribution à une anthologie de l'In-nocence

Envoyé par Virgil Waldburg 
« Vous n’imaginez pas (mais vous devriez imaginer, parce que maintenant la pensée européenne est dans les bras de cette tentation socialiste ou communiste), vous n’imaginez peut-être pas comme la simplicité de la pensée totalitaire est attirante et convaincante. Elle est comme un poison liquide agissant beaucoup plus efficacement qu’une censure ou une persécution de ses auteurs. Elle ronge de l’intérieur. Elle pénètre le crâne, de l’intérieur, et c’est très séduisant. On est véritablement attiré. Pourquoi cette séduction ? Parce que cette pensée permet de se sentir intelligent, de croire qu’on comprend tout, sans aucun effort. L’homme est normalement paresseux, alors il embrasse spontanément la promesse qui lui est faite de devenir quelque chose, sans labeur, sans travail. Cette séduction a opéré en Union Soviétique et ailleurs. Il y a des épisodes honteux dans la tradition intellectuelle : je pense à Bernard Shaw. Et même, ce qui est le comble, en France : la France qui pour moi était le pays de la clarté et du courage de la pensée, de la pensée contre tout et contre soi-même aussi, pensée dans le labeur et dans l’effort. Pour moi, le résultat suprême de cette cohorte d’intellectuels du type de Romain Rolland, de Bernard Shaw, et autres porteurs de cette séduction, se résume à la figure de Philby, l’espion anglais qui était espion par conviction. »
Merab Mamardachvili, La pensée empêchée (Entretiens avec Annie Epelboin), 1989, p. 17-18.

L’équivalent contemporain de Shaw, c’est Badiou – penseur totalitaire qui rend tout clair et simple, merveilleux professeur et terrifiant répurgateur de la réalité. Un BHL est une version plus médiatique et creuse de la même posture. La tentation islamiste me paraît être comprise, confusément et à tort, comme une version un peu exotique de la tentation socialiste : l’Oumma remplace simplement les classes laborieuses. Nos intellectuels qui n’avaient jamais vraiment affaire aux travailleurs ou à des travailleurs ne travaillant plus, ont désormais affaire à des musulmans ne pratiquant plus ou pratiquant en douce, cachant leurs vraies pensées.
Dire que Mamardachvili admire encore, en 1989, une pensée française qui a cessé d’être claire sous les coups de canon linguistique des Derrida, Barthes, Deleuze, Bourdieu et autres représentants de ce qui n’a de nom qu’en anglo-américain universitaire (c’est dire son caractère coupé de la réalité, artificiel et faux) : « French Studies ». Quand on compare Bergson et Deleuze (sauf dans ses livres sur Bergson ou Kant, le Deleuze avec Guattari), on constate qu’une chose s’est perdue : plus que la clarté, le souci d’être compris.
"(...) on constate qu’une chose s’est perdue : plus que la clarté, le souci d’être compris."

On constate aussi la remarquable démocratisation de cette perte de souci, qui peut affecter le moindre rédacteur chargé d'aligner une simple note.

Il y a même quelque chose de légèrement suspect à être clair, c'est comme qui dirait assez défavorablement connoté.
Si je peux me permettre, Shaw a tout de même écrit quelques pages fort intéressantes sur la situation musicale de son temps. Je doute que Badiou soit capable d'en faire autant. Cela prouve que même les idiots politiques d'alors avaient plus de goût et de culture que les idiots politiques d'aujourd'hui.

J'aime beaucoup votre commentaire sur le nom « French Studies ». On pourrait évidemment en dire autant de tous les autres domaines de « Studies » (queer, gender, y en a-t-il d'autres ?). « Caractère coupé de la réalité, artificiel et faux » : ça les résume bien.
Utilisateur anonyme
15 août 2012, 17:44   Re : Contribution à une anthologie de l'In-nocence
Bienvenue sur ce Forum, cher Germain Simard !
G. Deleuze, personnalité très habile, s'est revendiqué "pur métaphysicien" sur le tard, une manière de dire que ses ouvrages les plus classiques (les monographies et Différence et répétition) l'emportaient largement sur la pop-philosophie coécrite avec F. Guattari.
Les livres de Deleuze où il explique d'autres auteurs sont d'une grande limpidité. On y retrouve le professeur formé à l'école des professeurs de khâgne. Ses livres spéculatifs sont tout à fait illisibles et très fumeux. Je me demande si Guattari ne l'a pas abîmé.
Pour Shaw, je n'ai pas dit que j'en pensais du mal - en revanche, je suis très réservé à l'endroit de Badiou. Il fut mon professeur et il était très bon. Trop bon peut-être puisqu'il rendait simple tout ce qui est compliqué. Sa pensée politique est néanmoins atterrante. Simon Leys lui a réglé son compte et Badiou n'a répondu qu'en bas de page dans "Le Siècle", avec le mépris du normalien agrégé pour celui qui n'est ni l'un ni l'autre. Leys étant belge et sinologue n'a que faire de l'une et de l'autre !
Deleuze fumeux et illisible, je n'irai pas jusque-là. Même s'agissant des livres de lui que nous critiquons ici. Logique du sens recèle quelques pépites accessibles au commun des lecteurs éclairés et les assauts décapants contre les dérives idéologiques de la psychanalyse que contiennent L'Anti-Œdipe et Mille Plateaux n'ont pas pris une ride.

Mais il est vrai que le Deleuze historien original de la philosophie est formidable. N'oublions pas aussi ses travaux sur Proust et le peintre Bacon, des chefs-d’œuvre.
Dans "Logique du sens", je sauve les chapitres sur Platon et sur Lucrèce - presque tout le reste est terriblement pédant et souvent faux.
Exemple :
Nice
15/08/2012
Actes de vandalisme et tags anti-police et antisémites.
Dégâts.

Vandalisme et tags antisémites

On pourra toujours soupçonner les identitaires ou les skins... mais cela reste peu probable...
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