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Un type particulier de nocence

Envoyé par Pierre Jean Comolli 
Dernièrement, pour des raisons professionnelles, j'ai passé beaucoup de temps chez l'imprimeur de mon quartier. Par trois fois, alors que nous étions en train de discuter de nos affaires, des passants sont entrés brutalement dans la boutique pour demander, sur un ton vindicatif et sans s'excuser de couper sèchement la parole, au patron des lieux où se trouvait tel autre commerce, tel guichet administratif.

Les trois fois, il s'agissait d'immigrés intervenant sans manière (une Africaine, vêtue comme on l'est dans son village d'origine, a même ouvert la porte en donnant un grand coup avec sa poussette). J'ai un physique plutôt imposant et la confrontation ne me fait pas peur: si je surprends un taggeur en train de souiller la façade d'un bel immeuble haussmannien, ou si je remarque, dans le bus ou le train, des crétins agressivo-hilares qui font du raffut, j'interviens autoritairement, soit pour faire connaître publiquement mon sentiment, soit pour chasser les fauteurs de troubles. Mais là, je l'avoue, j'ai été totalement pris de court. Voilà donc une nocence qui me désarme sur le champ, qu'en tant que citoyen citadin, je ne sais pas encore combattre.
Faites donc, cher C., comme les vendeurs de grandes surfaces qui vous rétorquent sèchement, après que vous leur avez poliment demandé quelque renseignement, "Bonjour, d'abord !".
C’est curieux, je crois être plus sensible à la nocence inverse, la quasi impossibilité, il me semble, à présent, de demander l'heure ou son chemin à qui que ce soit — les gens vous regardent comme un fou (c’est peut-être que j’ai l'air d’un fou, je ne sais pas... ) Jadis rien n’était plus simple, plus courant et naturel que de s’adresser aux passants pour un renseignement. Aujourd’hui paraît régner une méfiance universelle.
C'est sûr qu'en soit l'abord c'est guerre détendu.
29 septembre 2012, 18:16   Re : Un type particulier de nocence
De guère, las!
Citation
Francmoineau
Faites donc, cher C., comme les vendeurs de grandes surfaces qui vous rétorquent sèchement, après que vous leur avez poliment demandé quelque renseignement, "Bonjour, d'abord !".

Il y a aussi cette mode, que vous avez raison de rappeler, Francmoineau, avec laquelle il faut composer dans les magasins. Une espèce de mise au défi, d’absurde renvoi dans les cordes, de quête de respect surjouée alors que l'on a dérogé à aucune règle de politesse. Ceci dit, je testerai le truc que vous recommandez...

La nocence qui dérange M. Camus m'affecte moins que celle que je décris. C'est juste que j'y suis moins confronté. Les Français sont encore assez réceptifs et serviables lorsqu'on les sollicite dans la rue pour un renseignement. En revanche, la langue française étant moins précise que l'anglaise pour indiquer en deux phrases, par exemple, un chemin, ils sont plus rarement efficaces que leurs homologues britanniques et américains du Nord.

Couper la parole, j'y reviens, relève vraiment de l'effraction (je devrais peut-être m'installer quelques temps au Japon).
En revanche, la langue française étant moins précise que l'anglaise pour indiquer en deux phrases, par exemple, un chemin, ils sont plus rarement efficaces que leurs homologues britanniques et américains du Nord

La langue française, vraiment ? ou les (néo)-Français que cette langue désormais, empêtre, pour se l'être progressivement aliénée. La langue française a joui longtemps d'une précision enviable de tous, et point seulement des Anglais ou des Américains.
Il est regrettable que la légendaire amabilité, l'extrême urbanité des Français (et, au premier rang, cette exquise délicatesse que les Parisiens avaient toujours manifestée aux visiteurs) disparaisse.

Quant à moi, si quelqu'un me demande l'heure dans la rue, je prends la fuite, car je ne peux concevoir qu'on n'ait ni montre, ni Smartphone. Cela ne peut être qu'un piège.
Citation
Francis Marche
En revanche, la langue française étant moins précise que l'anglaise pour indiquer en deux phrases, par exemple, un chemin, ils sont plus rarement efficaces que leurs homologues britanniques et américains du Nord

La langue française, vraiment ? ou les (néo)-Français que cette langue désormais, empêtre, pour se l'être progressivement aliénée. La langue française a joui longtemps d'une précision enviable de tous, et point seulement des Anglais ou des Américains.

Potentiellement, l'anglais et le français se valent sûrement à l'aune de ce critère de précision. C'est des usagers actuels que je parlais. Il reste que l'anglais courant est très pratique pour, je le redis, indiquer une direction ou décrire en quelques mots une situation. Mais les deux langues ont bien décliné. L'anglais parlé et écrit (surtout celui de la presse) relève de plus en plus du code simplificateur, du mauvais espéranto. Quant au français, qui fut longtemps la langue des diplomates et, avec l'allemand, celle des philosophes, son niveau a également considérablement baissé, y compris parmi les élites. J'ai travaillé longtemps (trop longtemps) dans une organisation internationale où les apprentis-diplomates rédigeaient et déclaraient des discours souvent médiocres.
Utilisateur anonyme
29 septembre 2012, 19:33   Re : Un type particulier de nocence
Citation
Francis Marche
En revanche, la langue française étant moins précise que l'anglaise pour indiquer en deux phrases, par exemple, un chemin, ils sont plus rarement efficaces que leurs homologues britanniques et américains du Nord

La langue française, vraiment ? ou les (néo)-Français que cette langue désormais, empêtre, pour se l'être progressivement aliénée. La langue française a joui longtemps d'une précision enviable de tous, et point seulement des Anglais ou des Américains.

Oui plus précise parce que plus pauvre.

De l'honnête pauvreté la langue est tombée dans la misère crasse puis la basse crapule.
Utilisateur anonyme
29 septembre 2012, 19:41   Re : Un type particulier de nocence
Citation
Jean-Marc
Il est regrettable que la légendaire amabilité, l'extrême urbanité des Français (et, au premier rang, cette exquise délicatesse que les Parisiens avaient toujours manifestée aux visiteurs) disparaisse.

Quant à moi, si quelqu'un me demande l'heure dans la rue, je prends la fuite, car je ne peux concevoir qu'on n'ait ni montre, ni Smartphone. Cela ne peut être qu'un piège.

La politesse des Français, le fair-play des Anglais, la chaleur des italiens, l'innocence des In-nocents... Je ne sais plus qui a écrit que ces fausses vertus étaient des leurres pour touristes : les peuples cités ayant les vices exactement contraires aux vertus nationales qu'on leur suppose.
"Quant à moi, si quelqu'un me demande l'heure dans la rue, je prends la fuite, car je ne peux concevoir qu'on n'ait ni montre, ni Smartphone. Cela ne peut être qu'un piège."

Bien vu.

Je revois la mine attérée d'un employé de station service à qui je demandais mon chemin, pris que j'étais dans une féérie de ronds-points : "Mais vous n'avez pas de GPS ?"
Le meilleur moyen, et peut-être désormais le seul, de ne pas être vu comme un fou quand on demande son chemin, ou l'heure: ne pas s'approcher de l'informant à plus de cinq mètres, s'adresser à lui ou à elle à voix très haute, pour bien montrer que l'on ne craint pas que le voisinage ne perde rien de votre question, qui doit être ainsi lancée comme à la cantonade; arborer, au choix, un air joyeux et sportif ou au contraire marri et contraint, sincèrement embêté, appelant spontanément à la rescousse, et accompagner sa question de gestes vis, précis et rationnels de chef d'orchestre italien.
Citation
Orimont Bolacre
Je revois la mine attérée d'un employé de station service à qui je demandais mon chemin, pris que j'étais dans une féérie de ronds-points : "Mais vous n'avez pas de GPS ?"

Il y a dix ans, le fait de ne pas avoir de téléphone portable était concevable. Il y a cinq ans, cela pouvait encore passer pour un choix original et volontaire (bien qu'un peu ridicule). Aujourd'hui, c'est une chose à peine croyable, irritante, et presque assimilée à une forme d'incivisme.
Exactement.


Cela étant, si vous vous présentez à quelqu'un l'air égaré en disant :


"Bonjour, pouvez-vous m'aider, la batterie de mon iphone est déchargée ?" c'est une approche crédible, cela arrive à tout le monde, on vous aidera.

Si vous voulez exciter la compassion, montez d'un cran :

"Bonjour, aidez-moi, mon iphone est en panne" et là, vous pouvez presque tout demander.
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