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Et que pense la noble assemblée de l'oeuvre de Damien Hirst ?

Envoyé par Utilisateur anonyme 
Utilisateur anonyme
15 septembre 2008, 21:23   Et que pense la noble assemblée de l'oeuvre de Damien Hirst ?
Chère Aline, j'aurai besoin de vos lumières... faut-il acheter ?
Article extrait du quotidien suisse Le Temps, paru ce jour
Citation

Damien Hirst aux enchères

L'artiste britannique Damien Hirst va mettre ce soir et demain aux enchères, chez Sotheby's à Londres, quelque 220 oeuvres. (photo: Keystone)
A 43 ans, il est l'incarnation des records du marché de l'art. Dès demain, après une vente événement chez Sotheby's, à Londres, son portefeuille sera plus lourd... si les acheteurs sont au rendez-vous.

Florence Gaillard, Londres
Lundi 15 septembre 2008

En quelques jours, plus de 15000 personnes, spécialistes, amateurs, curieux et même clochards sont entrés chez Sotheby's à Londres. Damien Hirst, impassible devant les photographes il y a quelques jours, semblait plus détendu samedi, alors que la maison de vente aux enchères ouvrait ses portes jusqu'à minuit. L'artiste le plus médiatique, le plus fêtard, le plus riche, le plus frondeur, le plus ceci et le plus cela a choisi de vendre ses œuvres aujourd'hui et demain par l'intermédiaire d'une des deux plus grandes sociétés d'enchères au monde. «C'est la forme de vente la plus démocratique, argumente-t-il. N'importe qui peut participer.» N'allons pas croire que Hirst fasse dans le social. Hirst est un enfant de la working class de Leeds devenu l'enfant gâté d'un méga-parc d'attractions où s'invitent les fortunes de la planète. Il apprécie les limites à franchir, le jeu.

Il dit: «L'art, c'est un vieux club de garçons qui est devenu un casino.» Où il a décidé d'être à la fois croupier et joueur, dans son cas artiste et vendeur, usurpant, disent ses détracteurs, le rôle du galeriste, qu'il prive ainsi de son pourcentage. Hirst a toujours fustigé la maigre part qui revient au créateur. Il est pourtant à des années-lumière de l'innocent artiste abusé par le méchant marchand. Hirst veut peut-être venger Van Gogh, mais alors en requin parmi les requins. Ou mieux, petit cochon ailé. Ou zèbre? Papillon pris dans le pigment? Etoile faite de milliers de mouches agglutinées? Ou serait-il carrément le Veau d'or, la fausse idole des anciennes Ecritures?

Toutes ces créatures animales, on les rencontre en chair et en os dans l'exposition avant la vente londonienne. De fait, c'est la plus formidable rétrospective de Damien Hirst. Dans le formol et des caissons dorés, des animaux semblables à ceux qui ont fait sa célébrité mondiale, après qu'il a présenté en 1992 The physical impossibility of death in the mind of someone living (L'impossibilité physique de la mort dans l'esprit de quelqu'un qui vit). C'était le titre. Damien Hirst est très fort en titres. La pièce, c'était un requin dans du formol turquoise. Damien Hirst est aussi très fort en finitions impeccables et en chocs frontaux. En affaires. En discours. Et en art? Oui, aussi en art. «Il est l'enfant spirituel d'Andy Warhol, commente Caroline Lang, directrice de Sotheby's Genève, venue à Londres pour la vente. Il traite, avec sa part d'humour noir, britannique, de l'obsession du sexe et de la mort.»

A 43 ans seulement, Damien Hirst concède «avoir obtenu ce que la plupart des artistes passent une vie à espérer». C'est qu'il y a eu tant d'effervescence. Tant de drogues et de délires au Groucho Club, tant d'appétit, tant d'argent. Il était tout frais étudiant en art quand il s'est vu catapulté dans un univers de grandes manœuvres. «Je n'imaginais même pas pouvoir un jour être payé pour quoi que ce soit que j'aimais faire.» La réalité a largement dépassé l'imagination. Hirst a été payé, beaucoup. Il a acheté une cinquantaine de maisons, investi dans des restaurants. Il a monté plusieurs ateliers, employant jusqu'à 180 personnes qui ont dessiné des points, collé papillons et mouches, redessiné du faux rouge à lèvres sur des vrais mégots de cigarettes, et réalisé les 223 œuvres vendues aujourd'hui. Dont ce puissant veau à disque d'or sur la tête et sabots dorés, dans un caisson plein de formol. Estimation? Entre 28 et 44 millions de francs. Hirst vaut aussi de l'or mais redoute, pour lui-même, le formol. Ainsi dit-il «J'ai peur des musées. Les musées c'est pour quand on est mort.»

Interprète contemporain du cabinet de curiosités (médicales, zoologiques, etc.), et des Memento Mori, Damien Hirst a une longue histoire intime avec la mort. Adolescent, il allait à la morgue et chez les bouchers, dessiner les cadavres. Les squelettes, les viscères, l'anatomie et ses instruments d'acier, la pharmacie, ses fioles et ses pilules, toute la base est là. Damien n'a pas connu son père, qui a filé dès avant sa naissance. L'homme qui a partagé la vie de sa mère ensuite est parti quand il avait douze ans. Finalement, le seul père qui ne l'a pas quitté, c'est la figure du grand peintre. Francis Bacon. «Celui après qui la peinture s'est arrêtée», selon Hirst.

La réponse courante de Hirst, lorsque reviennent les questions sur l'argent, la folie du marché, son personnage ou son rôle dans tout cela tient en ceci: «I don't give a shit.» (j'en ai rien à foutre). «La seule chose en laquelle je n'ai jamais cessé de croire, c'est l'art. L'art c'est tout ce qui compte.» La formule est éculée, Hirst est trop immensément riche pour être absous, mais il est probable qu'il soit sincère.

Damien Hirst veut s'alléger. Cesser ses classiques «spin paintings» (peinture giclée sur toile avec une rotative) et ses «Butterflies». Ce soir et demain, l'argent des ventes ira intégralement dans sa poche. Montant possible? Plus de 130 millions de francs suisses. Voilà qui s'ajoutera à la fortune colossale de Hirst - 365 millions, selon le Sunday Times, un milliard selon son manager. A moins que le cauchemar avoué de Damien Hirst ne se vérifie: «J'ai rêvé d'une salle de vente où personne ne lève de pancartes. Pas une seule main». Est-ce aussi ce dont ont rêvé les banquiers? L'action Sotheby's a plongé, jeudi dernier, de 8,4% à la bourse du New York, tant les analystes, explique Bloomberg, anticipent un flop de la vente. Les galeristes de Hirst assurent pourtant, beaux joueurs, qu'ils seront là, prêts à miser. Larry Gagosian, l'un des principaux, a néanmoins invité tous les poids lourds du milieu à l'inauguration de sa nouvelle galerie, à Moscou, aux mêmes dates...

Succès ou pas, cette vente est une occasion de plus pour parler d'argent dans l'art, et assez peu d'art. Finalement, les chiffres, les zéros alignés, le «bling», les records tout comme les diamants font partie de l'œuvre de Hirst. Et il ne laisse personne d'autre la signer. Ensuite, avec ses millions, il achète de l'art. «Je remets cet argent dans le système». Et chez lui, dans un château du Devon, il contemple ses toiles. Surtout Bacon.

Que faire après qu'on a tout fait? Que vouloir lorsqu'on a tout eu? C'est peut-être la question que Hirst, tel un Hamlet face à son crâne, a dû résoudre. S'anéantir dans le formol et nager pour toujours dans un caisson doré? Ce n'est pas le genre du bonhomme. Damien Hirst semble préférer mettre le feu à la boutique, dans une sorte d'apothéose outrancière. Il a fait un bras d'honneur à une armée de marchands, de commentateurs, d'acheteurs si aveuglés par son seul nom qu'ils voient à peine son art. «A mon âge, vous commencez à sentir le besoin de quelque chose d'autre. Quelque chose de plus personnel, de plus tranquille, de plus sombre.» Lui dont les tentatives picturales n'ont jamais été, de son propre aveu, que des «sous-copies merdiques de Bacon», écrit déjà, sans la montrer, la prochaine page.

Le prochain bras de fer est une épreuve entre lui et lui, un défi à hauteur de ses ambitions immenses: être un homme, tout seul, devant une toile, un pinceau à la main.

Bio express
Florence Gaillard
1965. Naissance à Bristol.

Années 80: Damien Hirst fréquente les abattoirs et la morgue.

1988. Elève au Goldsmiths College de Londres, il organise une exposition d'étudiants. D'importants responsables de galeries se déplacent. Charles Saatchi, le collectionneur, s'emballe pour Hirst. C'est le début d'un renouveau de l'art britannique. Hirst, Tracy Eming et Sarah Lucas entre autres seront bientôt identifiés comme les Young British Artists (YBA).

1991 :The physical impossibility of death in the mind of someone living. Commande de Charles Saatchi. Premier requin, buzz mondial.

Années 90: Alcool, cocaïne et autres substances.

1995 : Lauréat du Turner Prize.

1997 : Exposition à scandale, Sensation fait connaître les YBA

hors Grande-Bretagne.

2000. Enorme succès de l'exposition chez Gagosian à New York.

2007 : La Lullaby Spring, armoire à pharmacie contenant 6136 pilules faites et peintes à la main, est vendue 19,2 millions de dollars.

For the love of God, crâne humain incrusté de diamants, est «vendu» pour 100 millions de francs. En réalité, c'est Hirst associé à un consortium qui a «acheté» sa propre œuvre.
"Adolescent, il allait à la morgue et chez les bouchers, dessiner les cadavres. Les squelettes, les viscères, l'anatomie et ses instruments d'acier, la pharmacie, ses fioles et ses pilules, toute la base est là."
Eh bien vous voyez que le métier ne se perd pas, et que certains dessinent encore !!!
18 septembre 2008, 20:40   Re : Hirst le croque-mort
Cher Corto,
Je ne peux me résoudre à laisser votre question sans réponse car ce serait faire offense à votre courtoisie sans faille. Permettez-moi de le faire en donnant la parole à un artiste et ami très cher:

[lalettredujeudi.canalblog.com]
Utilisateur anonyme
19 septembre 2008, 11:13   Re : Hirst le croque-mort
Merci, chère Aline, de cet avis si fécond. En définitive, il est bien compréhensible que les clients de Hirst le croque-mort se recrutent parmi ces traders cyniques qui se sont employés récemment, pour leur profit personnel, à enterrer le système financier mondial et il est fort moral que de l'argent si mal gagné soit si mal dépensé....
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