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Printemps égyptien

Envoyé par Marcel Meyer 
25 avril 2013, 19:04   Re : Printemps égyptien
Le lecteur non abonné ne saura pas ce qui suit après cette phrase : "C'est l'une des raisons pour lesquelles je me suis provisoirement exilée", affirme Dalia Hassan, qui organise des festivals cul..." C'est cruel.
25 avril 2013, 19:37   Re : Printemps égyptien
Voici des extraits de la suite :


…qui organise des festivals culturels en France. A Alexandrie, un trajet quotidien à pied de vingt minutes pour aller à mon travail était devenu un enfer." Riche ou pauvre, aucune Égyptienne n'échappe aux agressions verbales ou aux gestes déplacés. Rien ne retient les harceleurs : ni l'âge, ni la bague au doigt, ni le voile. Un adolescent pris sur le fait à Alexandrie et questionné sur son attitude a répondu de façon significative : "Si je ne poursuivais pas les femmes, mes copains me prendraient pour un homosexuel." (…) Demander assistance à un policier ? Ces femmes ont appris, très jeunes, à se méfier des agents de l'ordre, qui ne sont parfois que des harceleurs en uniforme.

(…) Beaucoup de chemin avait pourtant été parcouru en Egypte depuis qu'une pionnière, Hoda Chaaraoui, de retour d'un congrès féministe en Europe, en 1923, s'était spectaculairement dévoilée en public. Un scandale toléré à l'époque parce que la classe dirigeante était tournée vers l'Europe et soucieuse de lui ressembler. (…)

VAGUE DE "RÉISLAMISATION"
Mais certaines de ces avancées ont été remises en cause par la vague de conservatisme et de "réislamisation" des décennies suivantes [après l’ère Sadate]. (…)

Le taharosh a pris une autre dimension avec des agressions collectives différentes des "tournantes" en France : il ne s'agit pas de quelques violeurs qui, à tour de rôle, abusent de leur victime, mais de dizaines, voire de centaines d'hommes, qui se jettent sur une ou plusieurs femmes, souvent lors d'une manifestation, pour arracher leurs vêtements, les toucher, les pénétrer avec leurs doigts, les battre ou les blesser. Plusieurs agressions de ce genre avaient été signalées ces dernières années lors de fêtes religieuses. En 2006, des jeunes femmes avaient été attaquées par une meute d'inconnus, en plein centre du Caire, sans que la police n'intervienne.

(…) on a affaire à des agresseurs de tous âges et de tous milieux sociaux, parfois mariés à deux ou trois femmes.

(…)L'État, en pleine libéralisation économique, s'est désengagé de certains secteurs comme la santé, permettant à des groupes fondamentalistes de prendre la relève, avec d'importants soutiens financiers venant d'Arabie saoudite ou du Qatar. Le régime Moubarak a lui-même contribué à renforcer leur influence, en donnant des facilités aux salafistes - sur l'accès aux ondes, par exemple - pour contrer les Frères musulmans.

La référence islamique a pris une place démesurée dans l'espace public ; c'est à travers elle désormais que s'évalue la respectabilité des institutions et des personnes. (…)chacun affecte de suivre les règles islamiques et s'indigne de ceux qui ne le font pas. (…)l'écrivain Alaa El-Aswany explique : "Les wahhabites ne voient en la femme qu'un réceptacle sexuel, un instrument de tentation ou un moyen d'avoir des enfants. Ce qui les préoccupe le plus, c'est de recouvrir le corps de la femme et de l'isoler autant que possible de la fréquentation de la société, pour repousser le mal qui peut venir de sa séduction." La femme qui est perçue uniquement comme un corps, source de tentation, devient ainsi un butin sexuel.

LA LOI DU SILENCE
(…)Le taharosh, longtemps nié, est devenu un débat national grâce à une femme courageuse de 27 ans, Noha Rochdi. Agressée en 2008 par un chauffeur de minibus, elle a osé porter l'affaire devant les tribunaux. Malgré les quolibets et les rumeurs ignobles propagées sur son compte, elle a réussi à faire condamner l'agresseur à trois ans de prison.

AU MILIEU DE LA LIESSE POPULAIRE
Le cinéaste Mohamed Diab, qui assistait au procès, a décidé d'en tirer un film. Les Femmes du bus 678, sorti en 2011, met en scène trois jeunes habitantes du Caire, appartenant à des mondes différents, victimes d'agressions sexuelles. Elles décident de punir physiquement les agresseurs... Si le film ne fait pas toujours dans la dentelle, il a battu des records d'entrées et a sensibilisé les Egyptiens au fléau du harcèlement. Mohamed Diab a gagné les procès qui lui ont été intentés pour avoir prétendument sali l'image du pays.
Les Femmes du bus 678 est sorti juste avant le soulèvement populaire de janvier et février 2011 qui, en dix-huit jours, a chassé Hosni Moubarak du pouvoir. Un remarquable civisme régnait alors place Tahrir. Pas un seul cas de harcèlement n'a été signalé, alors que des manifestantes y dormaient. Malheureusement, le dix-huitième jour, au milieu de la liesse populaire, une envoyée spéciale de la chaîne américaine CBS, Lora Logan, a été sauvagement agressée par plus de 200 hommes. Au cours des mois suivants, deux journalistes françaises, Carole Sinz, de France 3, et Sonia Dridi, de France 24, attaquées de la même façon, ont été secourues à grand-peine.

CALVAIRE
Mais la plupart des victimes sont égyptiennes. Une jeune manifestante, Yasmine Al-Baramaoui, a subi un calvaire en novembre 2012. Elle a tenu à le raconter à la télévision, alors qu'on lui avait demandé de se taire "pour ne pas ternir l'image de la révolution". Elle a répliqué avec colère : "Nous avons fait la révolution au nom de notre dignité, et vous voulez que je me taise !" Yasmine se trouvait ce jour-là sur la place Tahrir avec d'autres militantes. "Au début, a-t-elle précisé, ils étaient une dizaine, ils formaient un petit cercle autour de nous. Puis d'autres cercles se sont ajoutés. Nous avons été séparées les unes des autres. J'ai été battue, jetée à terre, violée avec leurs mains, blessée avec des couteaux. Des personnes ont essayé de me venir en aide, elles n'ont rien pu faire..." Montrant aux téléspectateurs ses habits déchirés, elle a ajouté : "Je ne suis allée ni dans un commissariat ni dans un hôpital, je ne leur fais pas confiance. Mais je vais déposer plainte contre le président de la République, le premier ministre et le ministre de l'intérieur."

(…)UN TERME SOURCE DE CONFUSION
Le terme taharosh est source de confusion, car il désigne toute une gamme de comportements, allant de la drague - célébrée par le film ou la chanson - jusqu'aux viols collectifs. La multiplication de ceux-ci depuis deux ans tient en partie à la crise des institutions. L'Etat donne l'impression de s'effondrer, en tout cas de ne plus rien contrôler. La police est en pleine débâcle, et nombre de délinquants, parfois évadés de prison, ont le champ libre, utilisant des armes à feu venues de Libye. On avait tablé sur l'armée pour assurer l'ordre. Mais celle-ci a démontré son incompétence ou sa brutalité. Les révolutionnaires ne lui pardonnent pas les stupéfiants "tests de virginité" qu'elle a infligés à des manifestantes arrêtées le 9 mars 2011, lors de la Journée de la femme.
"Le harcèlement est un rapport de pouvoir, une manière de signifier que la rue appartient aux hommes", affirme Evine Naga, une militante féministe qui a créé en Egypte une société développant... les énergies nouvelles. Elle ne fait pas de différence entre les "commandos" actuels et les baltagueyas("mercenaires et voyous") qui, du temps de Moubarak, voulaient terroriser des manifestantes de la même façon, le 25 mai 2005, devant le siège du syndicat des journalistes, au Caire. Elle dénonce "un pouvoir islamiste, obscurantiste, qui, sous prétexte de charia et de traditions, veut emmurer les femmes et anéantir la révolution".

"ESPACES MASCULINS"
Il faut dire que les Frères musulmans, qui gouvernent le pays, ont réagi à ces violences de manière lamentable : soit en promettant de vagues mesures qui n'ont pas reçu l'ombre d'une application ; soit en rendant les victimes responsables de ce qui leur arrivait. Les femmes qui vont manifester place Tahrir savent pertinemment qu'elles se trouvent au milieu de voyous, ont dit en substance des membres de la commission sénatoriale... des droits de l'homme. Elles portent des tenues "indécentes"ou se trouvent dans des "espaces masculins". On a entendu des propos ahurissants à la télévision. Un prédicateur fondamentaliste, le cheikh Abou Islam, a dit sur la chaîne privée Al-Oum : "Celles qui vont place Tahrir sont des femmes nues, non voilées, des veuves et des croisées qui ne cherchent qu'à se faire violer."
(…) Aujourd'hui, malgré les tentatives d'intimidation, c'est par centaines que les femmes, voilées ou non, descendent dans la rue pour dénoncer le "harcèlement sexuel". Un terme vague et bien faible pour désigner les violences qui leur sont faites, y compris à la maison.
"Les Égyptiennes sont harcelées de tous côtés : physiquement, psychologiquement, socialement, économiquement, affirme l'essayiste Ghada Al-Wakil. L'Égypte s'est couverte de voiles. Dans ma jeunesse, nous étions en maillot de bain sur les plages. D'où sortent tous ces voiles ? C'est une culture du désert, qui n'est pas la nôtre. J'ai porté le foulard trois mois, je voulais faire l'expérience. Je me suis sentie déguisée. Plus jamais ! J'ai passé des nuits sur la place Tahrir. Je n'ai pas de leçon à recevoir de ces prêcheurs barbus, je suis musulmane et vaccinée. Nous avons vaincu la peur. Ils n'ont pas fini de nous entendre."

Robert Solé
25 avril 2013, 19:41   Re : Printemps égyptien
Merci beaucoup.
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