S'il en était besoin, la vision de cette scène ô combien ignoble, et propre à donner la nausée, me renforce plus que jamais dans mon horreur viscérale de la foule en général et des foules vindicatives en particulier, lesquelles m'ont toujours épouvanté au suprême, et ce dès mon plus jeune âge. Ces images de sanglants égorgements et fort maladroites décapitations (ce qui devrait faire quelque peu réfléchir au scandaleux sort que subissent chaque jour dans notre pays ces pauvres bêtes mises à mort dans les abattoirs destinés à approvisionner l'importante filière de la viande halal...), quand bien même celles-ci sont en partie charitablement ''floutées'', nous laissent imaginer ce que furent, il y a plus de deux siècles, les plus ardentes heures de la Terreur révolutionnaire française. Où l'on mesure, tristement, qu'en effet l'invention française de la guillotine fut une manière de progrès humain, si l'on peut dire, dans l'ordre des moyens techniques de procéder à une exécution capitale...
Certes, l'Histoire nous apprend qu'extrêmement rares, et même tout à fait exceptionnelles, je crois bien, furent les révolutions et les libérations nationales qui ont pu faire l'économie de telles scènes d'épuration sauvage et de lynchages populaires. Encore faut-il ajouter que dans le cas qui nous occupe, en l'occurrence celui de la Syrie, ne serait-ce qu'à l'aune des dites "Révolutions arabes" et de leurs déplaisants lendemains qui déchantent sur le mode de l'islamisation croissante de la société civile, mais plus encore dans la mesure où l'on nous dit que la rébellion engagée contre la dictature de Bachar Al-Assad est désormais largement aux mains des islamistes, des combattants djihadistes, des émules d'Al-Qaida, il reste difficile de se convaincre qu'il s'agit bel et bien là d'une insurrection susceptible de déboucher un jour sur la libération du peuple syrien au sens où nous l'entendons en Europe. Entre d'un côté un régime autoritaire soutenu par l'Iran intégriste et les terroristes du Hezbollah (ainsi que la Russie de Poutine), et de l'autre une armée dite "libre" composée de fous d'Allah que financent le Qatar et l'Arabie saoudite (sans oublier la Turquie), je laisse bien volontiers à de plus savants que moi le soin de décider où se trouve l'intérêt de l'Occident et d'Israël.
Pour en revenir aux images insoutenables de la décapitation de supposés opposants par l'armée dite "libre" de Syrie, et si l'on est encore capable de prendre un tant soit peu de recul une fois dépassé (s'il est possible) le dégoût qu'elles ne manquent pas de provoquer dans nos cerveaux civilisés, on peut même faire l'hypothèse - bien entendu tout à fait invérifiable - que les trois individus massacrés de la sorte, devant cette foule masculine hurlant en choeur ''Allah Akbar'', n'étaient peut-être pas d'innocentes victimes dignes de la compassion que nous inspire spontanément l'affreux traitement qu'on leur fait subir sous nos yeux, ni ne s'étaient auparavant pacifiquement comportés à l'égard des hommes venus assister à leur exécution, de sorte qu'eux aussi avaient peut-être du sang sur les mains ; il n'en demeure pas moins qu'il faut plaindre, plus encore que redouter, le nom de ce dieu, soi-disant de paix et d'amour, que de tels bourreaux visiblement improvisés invoquent sans vergogne en accomplissant leur atroce besogne, comme d'ailleurs un peu partout sur la Terre où l'on pose des bombes, où l'on assassine, où l'on persécute et où l'on opprime au nom d'Allah.
Moyennant quoi, il ne manquera sans doute pas de belles âmes entichées des droits de l'homme et partisanes de la repentance à sens unique pour nous rappeler - fort opportunément - que toutes les civilisations se valent, qu'aucune n'est supérieure à une autre, et que tous ceux qui croient encore au choc des civilisations, devant de telles images, ne sont que des fomentateurs de guerre civile et des islamophobes invétérés.