Dans la série "ça peut toujours servir", petit conseil pratique, et technique, à toute personne qui aurait l'occasion (sait-on jamais) de se trouver prise dans un corps à corps avec un individu armé d'un fusil de chasse (car, si je bien compris, c'est ce qui s'est produit dans le malheureux cas évoqué). La première chose à faire est, en effet, d'agripper à deux mains l'arme en question, de manière à lui faire subir un mouvement de rotation à l'horizontale, afin qu'au plus vite l'individu ne puisse continuer de vous mettre en joue ni de vous menacer avec. La deuxième consiste, dans le feu de l'action, à appuyer sur la gâchette de l'arme, de manière à vérifier que celle-ci est ou non chargée, et, le cas échéant, à vider la chambre de toute munition (faire en sorte que le canon soit dirigé vers le ciel). La troisième consiste à projeter, violemment, d'un coup sec partant de la poitrine, sa propre tête en direction du visage, et plus précisément du nez, de votre adversaire - c'est ce qu'on appelle couramment le fameux "coup de boule à la Depardieu" (démonstration visible dans je ne sais plus quel film de Jacques Weber, avec Pierre Richard (on ne peut pas toujours ne regarder que
L'Éclipse ou
Le Septième sceau)). Généralement l'effet est immédiat : sous celui de la douleur éprouvée, votre adversaire lâche son arme qui, dès lors, vous appartient. S'il lui prend la très mauvaise idée de revenir à la charge, vous pouvez alors prendre l'initiative de lui en remettre une couche, si vous voulez bien me passer l'expression, en le frappant cette fois-ci à l'aide de la crosse dudit fusil. Évitez tout de même, si possible, de frapper à la tête ; n'importe quel avocat vous le dira : la Justice (sic), qui n'aime pas qu'on abîme ses petits délinquant chéris, vous en sera éternellement reconnaissante.
La situation est beaucoup plus épineuse, faut-il le préciser, si vous avez affaire à un malfaiteur muni d'un fusil d'assaut de type AK 47, arme automatique susceptible de tirer en rafale et dont dotée d'un chargeur de plusieurs balles. Et cette méthode n'est, bien entendu, d'aucune utilité s'il l'est d'une arme de poing.
Quoi qu'il en soit, ne laissez pas croire qu'il est impossible de désarmer à mains nues un homme armé d'un fusil de chasse. Il faut être d'une couardise répugnante, d'une abjecte lâcheté morale, et faire preuve d'une indécence toute journalistique, pour oser publiquement et médiatiquement s'interroger, à peine sa dépouille est-elle froide, sur l'inconscience supposée de ce brave qui, n'écoutant que son courage et sans doute aussi révolté par l'inqualifiable démission de l'État (qui n'est plus que la providence des nocents), vient de tomber vaillamment au combat, celui de l'indispensable lutte à mener contre la plus criminelle et
sensible des nocences. Et eux, nos chers journaleux et autres reporters de guerre, lorsqu'ils vont s'aventurer dans des théâtres d'opérations à très haut risque et qu'ils finissent par s'y faire prendre en otages par des ravisseurs qui en profitent pour nous rançonner, ce qui, en définitive, nous coûte des sommes faramineuses et ne fait jamais que financer d'autres conflits à venir, avons-nous le droit de nous interroger sur l'opportunité des risques qu'ils ont pris ? Mais il est vrai que cette profession intouchable, que ce pouvoir sans contre-pouvoir, se sacrifie chaque jour pour le sacro-saint droit à l'information (je renonce aux guillemets tant cela va de soi) et que sans nos vigilants journalistes, il n'y aurait plus de démocratie possible, on ne cesse de nous le rabâcher. Tandis que cet homme, ô combien courageux, froidement abattu par une racaille, qui, semble-t-il, voulait fêter l'anniversaire de ses dix-huit ans en commettant un braquage, on peut tout à fait impunément laisser sous-entendre qu'il aurait pris un risque inconsidéré, voire qu'il se serait comporté comme un imbécile. Un tel discours en dit long sur l'effondrement moral de ce peuple. Et sur l'abjection de sa presse.
J'ajoute, pour compléter le tableau de cette profession, que j'ai entendu hier soir une jeune journaliste parler de cet à peine sexagénaire, retraité très récent, comme d'un ''vieil homme''. Cette béotienne peut-elle imaginer que bon nombre d'hommes d'âge mûr, et même plus que mûr, ont, entres autres, offert d'exceptionnels chefs-d'oeuvre à l'histoire de l'art ?