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Conseils à un ami président...

Envoyé par Éric Guéguen 
17 septembre 2014, 10:07   Conseils à un ami président...
Monsieur le Président, en tant que membre de la grande confrérie des cœurs généreux, et par des temps difficiles pour toute politique se voulant humaniste et nivelante, je me sens en devoir de vous prodiguer quelques conseils en communication. La situation est à ce point désespérée qu’il faut vous réfugier, à l’instar de vos prédécesseurs, dans le paraître, ce qui est aussi, d’une certaine manière, tout un art. Dans la mesure du possible, j’aimerais beaucoup que ce courrier puisse rester confidentiel, vous comprendrez vite pourquoi.

[www.agoravox.fr]

Scandalisé par l’image ci-dessus, diffusée depuis quelques jours sur la toile (et effigie dont certains s’affublent outrageusement sur quelque t-shirt ou casquette !!), mon sang n’a fait qu’un tour. Nous ne pouvons laisser mettre en doute votre virilité d’une part, et d’autre part laisser entendre peu ou prou que le PS et l’UMP mènent la même politique. Pour mettre fin à la déveine dont vous êtes la victime depuis le début de votre mandat, je vous ai concocté un programme rédempteur. Vous m’en direz des nouvelles…



2015 :

On commence en trombe avec un sujet sensible, les commémorations des 70 ans de la fermeture du camp d’Auschwitz le 27 janvier 2015. Impossible de vous soustraire à cet anniversaire, vous savez combien le CRIF (le Conseil représentatif des institutions juives de France, pour celles ou ceux qui étaient sur une île déserte ces trente dernières années) ne vous le pardonnerait pas et vous risqueriez d’y perdre votre rond de serviette. Deux problèmes en découlent, dont il faudra prévoir les effets sur votre image. D’une part le camp d’Auschwitz a été libéré par l’Armée rouge, et il faudra donc ce jour-là partager l’estrade avec le président Poutine, au risque de fâcher le président Obama à qui vous devez des comptes ; rassurez-vous, ce dernier n’y coupera pas non plus, évitez simplement d’adresser la parole à l’ogre russe devant tout le monde. D’autre part, les Arabes de France feront comprendre, d’une manière ou d’une autre, qu’on en fait trop pour les Juifs. Seule issue possible : en faire autant pour eux, et nous verrons cela plus bas.

Dans le prolongement de la date ci-dessus, celle du 8 mai 2015 n’est à manquer sous aucun prétexte (Armistice de la Seconde Guerre mondiale). Il va sans dire que, de toute manière, l’un au moins de vos ministres s’en serait souvenu et vous aurait mis la puce à l’oreille. Ce sera l’occasion de rappeler les valeurs que vous défendez officiellement, à savoir la lutte contre la barbarie, contre l’antisémitisme et le racisme, celle pour le progrès, la tolérance et l’amitié entre les peuples. Il serait en outre bien vu d’en profiter pour tacler le Front national et de montrer en quoi, selon la formule consacrée, le socialisme national que la peste blonde promeut « peut, à bon droit, rappeler aux esprits éclairés les heures les plus sombres de notre histoire ». Une bise à Angela Merkel sera de rigueur car symbolique, mais abstenez-vous d’être aussi tactile que votre devancier, vous ne possédez pas son côté marchand de tapis. De plus, il n’est pas certain que la chancelière comprenne cette marque d’estime de la part d’un homme aux convictions politiques si éloignées des siennes, et qu’elle n’en déduise pas malencontreusement que vous désirez la visiter, un soir, en scooter. Une pensée pour Sétif ne serait pas de trop non plus : sachez qu’il y a tout un électorat à reconquérir du fait de l’impopularité de Manuel Valls dans les milieux concernés, cause notamment de son impéritie dans le traitement du dossier « Dieudonné ».

Troisième grand rendez-vous de cette année 2015, les célébrations à l’occasion du bicentenaire de la victoire remportée à Waterloo… par nos amis les Anglais. En 2005, grâce au CRAN (le Conseil représentatif des associations noires de France…), Jacques Chirac avait pu esquiver les célébrations du bicentenaire d’Austerlitz. Si le lien de cause à effet vous échappe, retenez que trop peu de noirs sont morts en Moravie ce jour-là. C’est totalement faux, mais cela n’a aucune espèce d’importance, l’essentiel étant de ne surtout pas se mettre ce pendant noir du CRIF à dos. En tout cas, en 2005, la France a montré l’exemple en étant le seul pays d’Europe à bouder ostensiblement l’hommage rendu unanimement à sa propre histoire (on ne badine pas avec la paix dans le monde). Montrez-vous aussi rétif à la fumeuse « identité nationale » que ne le fut alors votre compatriote corrézien : soyez le premier à répondre à l’invitation que les Anglais, un brin taquins, ne manqueront pas de vous faire parvenir sous pli cacheté sur vélin de l’époque. Notez bien la date : 18 juin 2015. God save the Queen !

Viendra ensuite une longue traversée du désert qu’il vous faudra meubler sans couacs et à grands renforts d’inaugurations. Pensez en effet à ne jamais négliger la symbolique humaniste, elle a le grand mérite de maintenir tout le monde tranquille dans l’émotion d’une solennité de commande. Voici, pêle-mêle, quelques idées de canonisations : des avenues Salvador Allende (elles se vendent encore très bien), des ronds-points du 19 mars 1962 (surtout dans certains quartiers), des places Victor Schoelcher (fleuries en permanence, de préférence), mais également des écoles Jean Jaurès, des boulevards des Justes et des rues de la Rose, des salles de sports Jesse Owens, voire des succursales Robert Badinter ou des impasses Christiane Taubira. Vous avez fait de cette dernière la mascotte de votre quinquennat, vous vous devez de lui rendre hommage. Évitez cependant toute référence à la Commune ou à 1789, cela vous serait reproché par votre gauche eu égard au parti pris qu’ils vous prêtent pour les classes possédantes. De même, Jules Ferry est devenu, la Mémoire aidant, un faux ami de la gauche dont notre confrérie devra, tôt ou tard, faire cadeau à la droite primesautière, comme ce fut le cas pour le colonialisme. Enfin, certains sujets seront dorénavant à taire absolument et une bonne fois pour toutes, et l'affaire « Leonarda » est de ceux-là (même les lecteurs de Libé ont flairé la supercherie et n'en veulent pas en France, c'est dire !).



2016 :

L’année 2016 vous sera plus propice, riche de diversions mémorielles. Première d’entre elles : le 8 janvier 2016, l’anniversaire des 20 ans de la mort de Français Mitterrand, le patriarche. C’est un peu notre de Gaulle à nous, la probité en moins mais la Francisque en plus. Je verrais assez une grande réunion de toutes les gauches autour de son mausolée de Jarnac (je ne me ferai jamais à ce nom, entre nous soit dit). Chacun se couvrirait d’un feutre noir et brandirait une rose en signe de communion et d’attachement aux valeurs de la Cause. Vous pourriez envisager également un concert événement, vous savez que les artistes, par définition, vous sont acquis dans l’ensemble, qui plus est lorsque le Front national caracole en tête des sondages. Seront à solliciter Zazie, Bénabar, Amel Bent, Jeanne Birkin, Raphaël, Grand Corps Malade, etc. L’inénarrable Cali sera de la partie, mais interdiction lui est faite de chanter « C’est quand le bonheur ? » : si d’aventure le public en venait à répondre en cœur « en 2017 ! », nous serions mal. On peut aussi tabler sur Yannick Noah qui – quoi qu’il en dise – serait mis au pied du mur à la prochaine élection présidentielle si la finale devait opposer Marine Le Pen à un candidat de droite. Pierre Arditi est l’un de nos menhirs, Emmanuelle Béart, Charles Berling et Jeanne Moreau également, sans oublier la pimpante Clémentine Célarié, hystérique au soir de votre élection ; ces derniers chantent tous comme des casseroles, mais c’est l’amour qui compte et le public ne s’y trompera pas. Bref, il vous faut dès ce début d’année mobiliser tout ce qui, à gauche, tient encore à peu près debout et peut inciter la jeunesse à vous soutenir, coûte que coûte. Sans compter que Français Mitterrand a eu le bon goût de naître en octobre 1916, ce qui nous donnera l’occasion d’un second concert en fin d’année, pour les 100 ans de sa naissance, histoire d’enfoncer le clou.

Ensuite, le moment sera venu de donner à nos Arabes les gages de sympathie que vous aurez accordés auparavant à nos Juifs, en espérant qu’entre-temps, leur haine multiséculaire ne se soit pas déchaînée dans nos rues par l’entremise du conflit israélo-palestinien. J’ai donc pensé à des célébrations, dans toute la France, du soixantenaire de l’indépendance du Maroc (le 2 mars 2016) et de celle de la Tunisie (le 20 mars suivant). À cette occasion, il serait bienvenu d’organiser un débat autour de la place de l’Autre dans nos sociétés, animé conjointement par Jamel Debbouze et Michel Boujenah et ponctué des meilleurs de leurs sketches respectifs. L’un est arabe franco-marocain, l’autre juif d’origine tunisienne, tout cela sent donc le pain bénit. Et ainsi vous attacherez-vous les faveurs de la CROUPE (ou Conseil représentatif… non, c’était pour détendre, Monsieur le Président).

L’année 1936 fut celle des débuts de la Guerre d’Espagne, mais je vous déconseille fortement de faire référence aux républicains de cette époque. Certains mauvais coucheurs pourraient avoir l’audace de faire un parallèle entre l’engagement des Brigades internationales d’alors, et nos actuels petits djihadistes, 100% made in France. Tout bien considéré, l’analogie n’est pas totalement infondée du point de vue d’un Bernard-Henri Lévy pour qui Bachar el-Assad n’est qu’un nouveau Franco, si ce n’est pire. Non, ça ferait désordre. En revanche, l’année 1936 est aussi celle des débuts du Front populaire. Inutile, je pense, de vous rappeler tout ce que nous lui devons. Aussi vous verrais-je assez marcher dans les pas de Léon Blum qui – rappelez-vous – n’était pas, lui non plus, avantagé par les caméras. Date à retenir, donc : le 4 juin 2016 !

Ce même mois de juin 2016 verra le coup d’envoi du Championnat d’Europe de football… sur nos terres sociales ! Un événement à instrumentaliser au maximum, en croisant deux à deux tous les doigts du corps pour que notre équipe l’emporte et fasse la preuve, s’il en est encore besoin, des vertus de la mixité sociale. Le chantre en pourrait être le sélectionneur qui, aux dires de mauvaises langues, est le seul de l’équipe à pouvoir aligner dix phrases intelligibles sans les ponctuer d’un « Wesh ma couille » ! Quoi qu’il en soit : Allez les bleus ! En cas de victoire, le cas échéant, le moment sera le bon pour annoncer vos fiançailles, ou plus encore ; vous savez combien les Français sont sympathiques et indulgents les quelques semaines qui suivent. Néanmoins, et dans ce bel élan, gardez-vous des tenues impudiques sur la plage ; il y a des limites à tout, et je vous rappelle que la presse-torchon est sans cesse à vos trousses, au grand bonheur de votre ex revancharde.

Pour finir en beauté, nous commémorerons, le 19 décembre 2016, la fin des durs combats ayant ensanglanté Verdun et ses alentours durant presque toute une année. Vous ne pourrez pas y échapper, même s’il fait froid ou s’il pleut. Le seul risque à écarter – et non des moindres – est d’en venir à faire la part belle à Pétain. L’histoire est décidément ingrate et ténébreuse, elle ne nous ménage jamais, nous autres, amoureux éperdus du Bien et défenseurs de toutes les causes qui agrègent. Défi subsidiaire : il vous faudra parler des femmes. Quelle qu’en soit la raison, le Français moyen que nous avons contribué à modeler ne comprendrait pas que des pans entiers de notre histoire se dérobent au devoir de parité. Je n’irai pas jusqu’à vous inciter à promouvoir la distribution de petits fusils roses dans les écoles – mon âme généreuse se remettrait difficilement d’être assimilée à un va-t-en-guerre – mais l’importance du combat contre les stéréotypes sexuels le commanderait presque.

Voilà donc, Monsieur le Président, ce que je vous conseille de faire pour redorer le blason socialiste sans pouvoir compter ni sur une relance de l’emploi et du pouvoir d’achat, ni sur l’exemplarité de vos ministres, pour moitié économistes et hommes d’affaires, pour moitié avocats. Courage, vous êtes presque à la moitié de votre grand œuvre. Et n’oubliez pas : on y croit tous. Personnellement, j’ai ressorti mon t-shirt de 2012 : « Ouf on respire ! » au recto, « Moi président… » au verso.

Le changement, c’est maintenant !!

Éric Guéguen, un ami qui vous veut du bien.
Utilisateur anonyme
17 septembre 2014, 10:55   Re : Conseils à un ami président...
Le président vous répond, via Alain Finkielkraut :

Si j’étais François Hollande, j’irais, dans les tout prochains jours, au journal télévisé de 20 heures et je prononcerais, après les premières notes de la Marseillaise, l’allocution suivante :

« Mes chers compatriotes,

Il est vrai que vous en apprenez de belles sur mon compte. Non seulement, je maltraite les femmes mais je hais les pauvres. Ils me dégoûtent. Je les appelle même les "sans-dents" en pouffant de rire à ma bonne petite blague. Vous croyez vraiment à ça ? Et êtes-vous restés adolescents au point de considérer que la classe politique se divise entre ceux qui aiment les pauvres et ceux qui veulent les empêcher d’aller chez le dentiste par tous les moyens ? Et comment prouver son amour des pauvres sinon en prenant la pose ? La pose du nouveau pape faisant monter les petits enfants dans sa papamobile. La pose de l’homme politique qui va dans les "quartiers" pour montrer qu’il est solidaire de ses habitants et qu’il souffre avec eux. L’amour en politique, c’est l’image de l’amour, et l’image ne doit pas tenir lieu d’action. Certes, celui qui exerce le pouvoir se doit à son prochain comme tout un chacun, mais il a affaire à la pluralité humaine, et donc la question ne cesse de se poser : qui, dans ce cas précis, est mon prochain ? Il ne vit pas dans un monde d’effusions, mais dans un monde de problèmes et de dilemmes, parfois tragiques, parfois inextricables. Est-ce tendre la main aux jeunes gens issus de milieux modestes que de supprimer les bourses au mérite à l’université et de les remplacer par des bourses sur critères exclusivement sociaux ou est-ce au contraire les pousser malignement à se prévaloir de leur origine et à demander réparation au lieu de faire l’effort nécessaire pour accéder à la culture et à un avenir meilleur ? La justice, qui est l’objet par l’excellence de la politique, requiert le discernement. Je m’interroge tous les jours pour savoir si le discernement me guide ou s’il me fait défaut. Mais visiblement vous vous en fichez. Les problèmes, ce n’est pas votre problème. Vous voulez de l’amour. Le monde, disait Chesterton, est plein d’idées chrétiennes devenues folles, et cette folie est en train de tuer la politique. J’aurais gardé un peu d’espoir dans cette tourmente si je n’avais vu, à gauche comme à droite, des Mélenchon et des Apparu s’adosser au livre de Valérie Trierweiler pour continuer d’instruire mon procès. Ils ne savent pas, les inconscients, que nous sommes, eux et moi, dans le même bateau et que ce bateau coule.

Dans la Tache, un roman qui se déroule en pleine affaire Clinton-Lewinsky, Philip Roth écrit qu’il rêve d’une banderole tendue d’un bout à l’autre de la Maison Blanche, et qui proclamerait : "Ici, demeure un être humain". Je suis un être humain : tout aux délices de l’indiscrétion et à la volupté du sarcasme, vous n’avez pas l’air de vous en rendre compte. J’ai donc décidé de tirer ma révérence. Malgré Mediapart, je n’irai pas sur une autre planète. Mais je vous laisse, chers little big brothers et chères little big sisters. Amusez-vous bien.

Vive la République ! (mais elle est morte et ce n’est pas un nouveau numéro qui la ressuscitera). Vive la France ! (mais cette patrie littéraire n’est plus qu’un vague souvenir). A bas les réseaux sociaux ! (mais cette hydre infernale a gagné la guerre). »

(Tribune publiée dans Libération, le 9 septembre dernier)
Les dix références sempiternelles d'Alain Finkielkraut :

Chesterton
Camus (Albert...)
Kolakowski
Roth
Kundera
Péguy
Arendt
Levinas
Tocqueville
Grossman
Utilisateur anonyme
17 septembre 2014, 11:21   Re : Conseils à un ami président...
Cela s'appelle la cohérence.
Ou le psittacisme.
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