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Indépendantistes allogènes

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
Les résultats du referendum écossais sont connus. Les électeurs ont très nettement rejeté l'idée de l'indépendance.

Il est intéressant de regarder quelle partie de l'Ecosse a voté oui et quelle partie a voté non.

Le Oui ne l'emporte que dans quatre des trente-deux circonscriptions (Glasgow et deux circonscriptions de sa banlieue, et Dundee, c'est à dire dans les zones urbaines ex-industrielles ayant connu une forte immigration intérieure et depuis l'Irlande).

Le Non l'emporte de façon écrasante dans l'Ecosse traditionnelle, avec 67% aux Iles Orcades, 60% à Perth and Kinross et un score analogue dans la capitale historique et intellectuelle, Edimbourg.
Utilisateur anonyme
20 septembre 2014, 10:05   Re : Indépendantistes allogènes
Ce qui m'a intéressé, durant la campagne, c'est le recours à un argument assez utilisé en France dès lors que l'on demande un changement quelque peu radical (la sortie de l'euro principalement) : si vous votez oui, ce sera le chaos.

La Royal Bank of Scotland, très peu de temps avant le vote, a indiqué qu'elle déplacerait, en cas de victoire du oui, son siège en Angleterre.

Cette manipulation, cette utilisation de cette institution est scandaleuse ; elle a évidemment fait pencher la balance chez beaucoup des indécis.

Comme en 2005 en France, on promettait l'apocalypse.

Ce que vous appelez l'Ecosse traditionnelle a pris peur, voilà tout.
Utilisateur anonyme
20 septembre 2014, 11:51   Re : Indépendantistes allogènes
Et cette peur, bien entendu, n'aura eu pour fondement que des questions économiques, en aucun cas identitaires. C'est le comble, quand on sait que pendant longtemps l'un des principaux arguments en faveur de cette indépendance retrouvée fut justement la perspective d'une Écosse richissime grâce aux gisement pétroliers de la mer du Nord.

Il ne faut pas non plus négliger le rôle joué par Alex Salmond (plutôt un vilain personnage, je trouve) depuis quelques décennies. Dire oui à l'indépendance, c'était en grande partie dire oui à Salmond, et l'on peut comprendre que de nombreux Écossais n'aient pas voulu s'associer à lui.

Cela dit tout n'est pas perdu : on se souvient qu'un premier projet de “dévolution” du pouvoir — proposé par un gouvernement travailliste alors aux abois — fut d'abord rejeté par le peuple écossais en 1979, avant d'être assez largement accepté en 1997. À court terme, néanmoins, il semblerait que le Royaume-Uni n'ait plus d'autre choix que de devenir un pays fédéral.
Il y a, en fait, deux choses :

- la défaite générale au referendum, qui correspond sans doute à ce qu'évoque M. Rivoallan, au moins en partie, je vais y revenir ;

- la différence de vote suivant les circonscriptions : en fait, le Oui est fort dans les bastions travaillistes et faible, curieusement, dans ceux du SNP. Cela veut dire que le Oui a bénéficié d'un vote anti-Cameron. Il ne faut pas oublier cela : le camp du Oui agrégeait les partisans de l'indépendance et les ennemis du Gouvernement. Cette considération a, je pense, été faite par le Premier ministre écossais, qui a démissionné.

Pour le premier point, je n'utiliserait pas le mot "peur", c'est plutôt de l'inquiétude devant un programme flou, l'inquiétude normale devant l'inconnu. Le camp du Oui s'est borné à une campagne identitaire, effectivement, alors qu'il aurait très bien pu, toutes ces années, peaufiner son discours au-delà du thème : l'Indépendance, l'Indépendance, l'Indépendance et pour le reste Dieu y pourvoira. Cela marche pour Jeanne Jugan et les Petites Soeurs des Pauvres, moins bien pour les électeurs, surtout les électeurs âgés.

Les questions laissées en suspens étaient très nombreuses et n'étaient pas qu'économiques. La réalité est que les partisans du Oui ne pouvaient exposer un tel programme car ils n'avaient simplement pas de vision commune de l'Ecosse au-delà de son indépendance. Préciser le programme aurait conduit à faire exploser la coalition.

Ce n'est donc pas une peur à proprement parler, c'est le refus d'un chèque en blanc.

On notera aussi que les deux régions européennes qui comptent mettre en oeuvre une telle démarche, l'Ecosse et la Catalogne, ont moins de problèmes économiques que le pays auquel elles appartiennent : on pourrait penser, du seul point de vue économique, l'indépendance bénéfique.

En Catalogne, le débat est beaucoup plus vif qu'en Ecosse. Les enquêtes montrent le Oui en tête, mais avec une grande inquiétude des électeurs favorables au Oui, qui ne voient pas du tout comment la CiU (centre-droit) va pouvoir gouverner avec ERC et ICV (extrême-gauche), l'un pronant l'économie de marché, les autres la lutte des classes format 1936.


Quelle leçon en tirer ? qu'en France on ne commette pas les mêmes erreurs et qu'une fois la base du programme posée (restauration nationale, coup de frein à l'immigration, arrêt du regroupement familial, expulsion des fauteurs de trouble, renforcement des sanctions pénales) on s'intéresse de très près aux questions économiques au sens large, ainsi qu'aux questions environnementales (par exemple, là, au lieu de dire du mal de Bruxelles, il faudra clairement choisir entre un modèle productiviste en disant "l'écologie on s'en fout" ou un modèle écologique mais en expliquant alors quelles conséquences sociales il aura). Sinon, les électeurs seront d'accord avec le principe mais voteront pour un autre, jugeant que le programme manque de sérieux.
20 septembre 2014, 18:50   Re : Indépendantistes allogènes
Enfin bon, bien qu'éprouvant pour l'Écosse un amour fervent, j'avoue que le résultat — la survie du Royaume-Uni — ne me désespère pas tellement. God save the Queen !
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