Il y a, en fait, deux choses :
- la défaite générale au referendum, qui correspond sans doute à ce qu'évoque M. Rivoallan, au moins en partie, je vais y revenir ;
- la différence de vote suivant les circonscriptions : en fait, le Oui est fort dans les bastions travaillistes et faible, curieusement, dans ceux du SNP. Cela veut dire que le Oui a bénéficié d'un vote anti-Cameron. Il ne faut pas oublier cela : le camp du Oui agrégeait les partisans de l'indépendance et les ennemis du Gouvernement. Cette considération a, je pense, été faite par le Premier ministre écossais, qui a démissionné.
Pour le premier point, je n'utiliserait pas le mot "peur", c'est plutôt de l'inquiétude devant un programme flou, l'inquiétude normale devant l'inconnu. Le camp du Oui s'est borné à une campagne identitaire, effectivement, alors qu'il aurait très bien pu, toutes ces années, peaufiner son discours au-delà du thème : l'Indépendance, l'Indépendance, l'Indépendance et pour le reste Dieu y pourvoira. Cela marche pour Jeanne Jugan et les Petites Soeurs des Pauvres, moins bien pour les électeurs, surtout les électeurs âgés.
Les questions laissées en suspens étaient très nombreuses et n'étaient pas qu'économiques. La réalité est que les partisans du Oui ne pouvaient exposer un tel programme car ils n'avaient simplement pas de vision commune de l'Ecosse au-delà de son indépendance. Préciser le programme aurait conduit à faire exploser la coalition.
Ce n'est donc pas une peur à proprement parler, c'est le refus d'un chèque en blanc.
On notera aussi que les deux régions européennes qui comptent mettre en oeuvre une telle démarche, l'Ecosse et la Catalogne, ont moins de problèmes économiques que le pays auquel elles appartiennent : on pourrait penser, du seul point de vue économique, l'indépendance bénéfique.
En Catalogne, le débat est beaucoup plus vif qu'en Ecosse. Les enquêtes montrent le Oui en tête, mais avec une grande inquiétude des électeurs favorables au Oui, qui ne voient pas du tout comment la CiU (centre-droit) va pouvoir gouverner avec ERC et ICV (extrême-gauche), l'un pronant l'économie de marché, les autres la lutte des classes format 1936.
Quelle leçon en tirer ? qu'en France on ne commette pas les mêmes erreurs et qu'une fois la base du programme posée (restauration nationale, coup de frein à l'immigration, arrêt du regroupement familial, expulsion des fauteurs de trouble, renforcement des sanctions pénales) on s'intéresse de très près aux questions économiques au sens large, ainsi qu'aux questions environnementales (par exemple, là, au lieu de dire du mal de Bruxelles, il faudra clairement choisir entre un modèle productiviste en disant "l'écologie on s'en fout" ou un modèle écologique mais en expliquant alors quelles conséquences sociales il aura). Sinon, les électeurs seront d'accord avec le principe mais voteront pour un autre, jugeant que le programme manque de sérieux.