« On va bien prendre des bains de soleil. Pourquoi y a-t-il si peu de gens qui aient l’idée de prendre des bains de silence ?... On nous a tellement bourré le crâne ! Si nous nous prêtions pour quelques minutes à l’opération inverse qui consiste à nous débourrer le cœur ? A cette opération mentale dont nous éprouvons de temps en temps jusqu’à l’asphyxie, la nécessité, et que j’appellerai la
décompression. C’est sûr qu’il y a en nous quelqu’un d’à moitié étouffé qui a absolument besoin de se mettre à l’aise !... Combien de temps depuis que nous entassons, que nous bourrons en nous, comme du linge sale dans une valise, en vrac, l’un par-dessus l’autre, les choses, les gens, les souvenirs, les désirs, les impressions, les livres, les conversations, les opinions, les succès, les insuccès, les humiliations, les vices, les bonnes actions, les mauvaises actions : et le pire est qu’il ne s’agit pas de choses mortes, tout cela vit, rampe, vermille, parle, grogne, remue, cherche péniblement à s’arranger ensemble... »
Paul Claudel.
