Le site du parti de l'In-nocence

Ripolin

Envoyé par Jean-Marc du Masnau 
13 février 2014, 22:52   Ripolin
La lecture du Journal amène toujours à se poser des questions.

Aujourd'hui, deux sujets de réflexion :

- la jeune fille qui dit que le Concordat est un bateau qui a sombré. Au fond, ce n'est pas faux... ce qui paraît une bourde cache une vérité profonde (c'est le cas de le dire) ;

- les peintres Van Gogh, Brueghel, Magritte, Schiele, Hopper et Dalí. Pour les trois premiers et le dernier, je comprends pourquoi ils peuvent être des peintres pour les gens qui n’aiment pas la peinture. Pour Hopper, je peux l'imaginer (mais Hopper correspond à une vision très nostalgique de l'Amérique de mon enfance, mêlant Hopper, donc, Norman Rockwell et Weegee dans une sorte de brouillard). Pour Schiele, je ne vois pas du tout... j'aurais plutôt vu Chagall dans ce rôle-là, s'il avait fallu quelqu'un évoquant l'Europe centrale (la Mitropa, plutôt).

Je suis un grand admirateur de George Grosz et d'Otto Dix, nés aussi vers 1890, et aussi de Kurt Weill dans le domaine musical... nostalgie pour Weimar, inculture, faute de goût ?

PS : pour ceux qui se rendent à Berlin, je vous suggère (j'ai déjà dû le dire) d'aller à la maison-musée de Brecht. On y sert (servait ?) en sous-sol les plats que mitonnait Hélène Weigel.
15 février 2014, 02:53   Re : Ripolin
D'une certaine façon, "les peintres pour les gens qui n'aiment pas la peinture" réalisent également une insigne réussite, puisque preuve aura été faite qu'ils ont pu dépasser les limites de leur art, qui n'est qu'un moyen par quoi ils sont parvenus à toucher les indifférents ; les autres, les peintres pour les amoureux de la peinture, pour les connaisseurs, les initiés, les "spécialistes", sont restés confinés dans le cercle nécessairement étroit des amoureux de l'art qui est sa propre fin, où l'on doit faire étalage de son savoir, son savoir-faire et sa maîtrise par une sorte de perpétuel autoréférencement, de permanent commentaire de l'œuvre sur les autres œuvres, comme dans un système sophistiqué de renvois dans une chambre de résonance close. C'est une cour où l'on reste entre soi, amoureux bureaucrates de l'art intraitables sur les formulaires à remplir pour les droits d'entrée.

Étrangement pourtant, s'il est vrai que la grâce du génie peut frapper n'importe qui et n'importe où, ce sont les artistes plus élitistes de la seconde catégorie, et leurs dévots les autorisés du sérail, qui apparaissent plus démocrates et "modernes", parce qu'en principe, pour peu qu'on satisfît aux formalités tatillonnes des droits d'entrée et consentît par un apprentissage et un effort raisonnables à s'instruire comme il faut, ces droits seraient accessibles aux plus laborieux, fussent-ils moyens ; ce sont des catholiques de l'art croyant en la vertu de l'effort individuel dans la voie d'une possible rédemption esthétique, d'où le rôle prépondérant accordé à l'éducation, au travail, à la bonne gouverne de soi et au partage par la bonne note ; alors que les hussards de l'art prêts à dénicher la fleur rare même parmi les détritus, les sauvages, le 9-3 et les rappeurs, sont incontestablement des jansénistes qui ne s'embarrassent guère des conditions préalables de justice et de liberté dans le choix de soi, mais prennent acte du statut foncièrement immérité du don pouvant échoir, scandaleusement, aux plus indignes philistins.
15 février 2014, 03:49   Re : Ripolin
Mais sous un autre angle, la perfection ne s'obtient, pratiquement par définition, que par la suffisance : est parfait ce qui est parvenu à un état ne nécessitant plus aucune adjonction, complémentarité, et donc altérité : est parfait ce qui est parvenu à établir un cadre délimitant une aire propre si bien clôturée, dans un agencement formel si strict et robuste, que l’échappée hors d'icelui en devient physiquement impossible, le mouvement se heurtant aux limites fermées du cadre. Cela empêche non seulement tout échange possible entre l’intérieur et l'extérieur, mais aussi, par voie de conséquence, toute attribution de sens, celui-ci résidant toujours dans la possibilité de l’établissement d'un rapport avec une altérité...
En toute logique, une œuvre "parfaite" serait parfaitement incompréhensible, inintelligible, insensée, censément un objet égaré ou déchu des dieux ici-bas, dont on n'aura jamais ni la clé, ni l'usage, ni en fait la moindre notion possible : une pure étrangèreté.
15 février 2014, 16:26   Re : Ripolin
Alain, votre comparaison religieuse est parfaite. C'est, de mon point de vue, la réalité.

D'un côté, des catholiques, disons romains, qui font leurs les mots de Sénèque à propos de la philosophie "Bona mens omnibus patet", à condition que les gens fassent des efforts.

De l'autre, des jansénistes, effectivement. Le problème des jansénistes est que tous les jansénistes ne sont pas Pascal : il y a chez eux une propension au Convulsionnisme (théorie qui m'est propre, basée sur les convulsionnaires de Saint-Médard).
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