Le site du parti de l'In-nocence

Quand "race" rimait avec "grâce" (déculturation)

Envoyé par Francis Marche 
L'homme de lettres provençal Jean Aicard, auteur de poésies et du roman L'Illustre Maurin (devenu Maurin des Maures dans la culture populaire) fut le maire du village varois de Solliès-Ville, qui domine d'un haut piton rocheux le débouché de la "plaine varoise" dans le pays toulonnais. En 1920, il fit jouer en ces lieux, sur les ruines de la Montjoie, son drame historique retraçant les actes du rattachement de la Provence à la France, lequel aurait été signé par le seigneur des lieux dans les années 1430 : Forbin de Solliès ou le Testament du Roi René

Cette année-là, Aicard fit construire le monument aux morts du village et graver ces deux quatrains bouleversants, d'une élégance simple et d'une profondeur capables de conduire, face à cet humble monument, logé dans un coin de cette minuscule place de l'église, au bord des larmes, jugez-en :

Que voulez-vous de la Patrie,
Soldats tombés sous les drapeaux ?
-- "Nous voulons qu'elle nous sourie
En ornant de fleurs nos tombeaux

C'est pour te garder dans ta grâce
France, que nous avons souffert
Et seul le bonheur de la race
Est digne de nous être offert".


Il existe un site web des Amis de Jean Aicard, qui reproduit ces vers. Le cinquième vers y est retranscrit ainsi:

C'est pour te garder de ta grâce


Comme l'écrivait Jacques Audiberti : l'intelligence saigne, l'âme a mal.

[www.amisdejeanaicard.free.fr]
13 mars 2014, 15:29   Pas l'ami d'Aicard
Croisement de lectures :

"Les apparitions de Jean Aicard ne produisaient pas le même effet, avec quelque soin que ce cabotin de petite ville les aménageât. Toujours frappé de quelque nouvelle ténébreuse calamité, comme Manfred, riant avec un grincement de damné « par-dessus sa douleur », ce raseur à masque tourmenté avait le toupet, après Aubanel, de tirer son pauvre mirliton. Quand il avait achevé, de sa trop belle voix de velours sombre, ces vers d’une atroce niaiserie, il quêtait les compliments dans la sébile grinçante d’un rire faux. Un jour qu’il avait agacé Mistral par je ne sais quelle sotte raillerie sur la taille et le teint des Arlésiennes, le maître de Maillane lui riposta : « Je te conseille de parler de beauté ; tu as l’air d’une vieille pierre ponce trouvée au fond du Rhône. » Il y a vingt-cinq ans de cela. Depuis, la vieille pierre ponce, habillée de vert par l’Académie, a dû amasser de la mousse. […] Régulièrement, il reculait [son] départ à la dernière minute, la voiture étant attelée, sans s’apercevoir de notre désappointement, à nous les jeunes, que ses façons à la fois dramatiques et charlatanesques irritaient. Pour employer une expression vulgaire, mais si juste en l’occurrence, ce « foudroyé » nous bassinait, comme si nous avions payé un fauteuil de balcon afin d’assister à ses contorsions. Aicard posait jusque pour la femme de chambre, cependant d’âge canonique, qui faisait son lit et lui montait l’eau chaude. Il est de ces incorrigibles vaniteux qui croient que Satan s’occupe exclusivement de leur personne et leur réserve des tentations exceptionnelles. […] L’originalité, la seule, de Jean Aicard, aura été, au cours de sa sinistre existence de plagiaire, ce contraste d’une âme banale jusqu’au vil et d’un visage presque dantesque."

Léon Daudet – Fantômes et vivants
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter