Bref, le livre est presque entièrement critique.
Or "on ne détruit réellement que ce qu'on remplace".
Faute de remplacer les vues communes, l'auteur, me semble-t-il, les laisse subsister.
Des Highlands d'Ecosse au golfe du Bengale, on parle des langues qui ont beaucoup de traits communs ou voisins.
Depuis très longtemps, la théorie standard est qu'une population partie d'un territoire pas très vaste a parlé des dialectes apparentés constituant un ancêtre de ces langues, et que cette population, par migrations de proche en proche, a linguistiquement conquis l'espace allant de l'Ecosse au Bengale : il y a eu foyer, et diffusion par migration.
A la fin du livre, l'auteur consacre quelques pages non convaincantes à faire semblant de proposer un autre type d'explication quant à la proximité des langues.
Il indique en particulier que, dans les Balkans, à l'époque ottomane, plusieurs langues se sont profondément influencées mutuellement. Mais
a) de toute façon, c'est un espace assez petit, donc un foyer.
b) L'empire ottoman faisait régner la paix dans ce territoire, où les populations pouvaient donc circuler et se mélanger. Un tel empire est tout à fait exclu pour ce qu'il en est des I-E.
Une comparaison plus plausible est celle faite [par Strefan Zimmer] avec les "peuples" ayant accompli les Grandes Invasions : probablement chacun conglomérats de populations assez diverses linguistiquement.
Mais cela ne nous fait pas sortir de l'hypothèse d'un foyer.
Il dit aussi que, avant l'époque contemporaine, il n'y a pas un vaste territoire ou tout le monde parle une même langue, homogène, et, plus loin, un autre vaste territoire avec une autre langue.
Mais tout le monde sait ça : porte ouverte enfoncée.
Il rappelle que tel auteur [Schuchardt] faisait remarquer par exemple que, jadis, un voyageur allant de Rome à Paris n'aurait pas rencontré l'italien, puis le franco-provençal, puis le français. Mais, de village en village, aurait rencontré des transitions insensibles. C'est la situation contemporaine qui nous fait projeter indûment sur le passé nos langues nationales.
Assez juste.
N'empêche : un voyageur qui serait allé vers l'est, brusquement, aurait rencontré un idiome lorrain germanique, non significativement influencé par le lorrain d'oïl, et ne l'ayant pas significativement influencé non plus.
Et le serment de Strasbourg n'a pas été prononcé en six cents idiomes, ni en trente, ni en dix, mais en deux : un idiome roman, et un idiome germanique, et tous les soldats ont à peu près compris soit l'une, soit l'autre des deux versions, et non seulement ont compris mais ont prononcé (puisque au serment du roi répondait un serment des soldats).
Une hypothèse assez marrante ("mais le débat n'est pas tranché") : l'anglais serait un pidgin, mélange de saxon et de français (p 576), d'où sa simplicité grammaticale [hypothèse que je comprends ainsi : les francophones arrivés avec Guillaume le Conquérant, aurait parlé un saxon "petit-nègre", à grammaire simplifiée, qui serait devenu l'anglais].