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Elément moral, élément juridico-politique et despotisme oriental (Hegel, 1822-1823)

Envoyé par Francis Marche 
Contribution à la critique des lois "sociétales" et morales votées à tours de bras par les parlementaires français depuis une dizaine d'années à l'instigation des partis de la gauche divine, lois contre certaines formes de pensée ou expressions de sentiments -- homophobie, "racisme", islamophobie, "haines anti-ceci ou cela", lois contre le désamour social visant telle ou telle catégorie de citoyens, lois visant à redéfinir le lien familial, lois pro-Bien moral --, par G.W.F Hegel dans la transcription de son cours de 1822-1823 Le monde oriental où il est ici question de la Chine (à lire à la suite de cette discussion [www.in-nocence.org] où est évoquée la nature orphique de la morale dans ses rapports avec le politique, et en référence à ceci : [www.in-nocence.org] ) ; les soulignements sont de nous :

Les lois peuvent contraindre parce qu'elles saisissent l'individu dans son extériorité. La moralité, en revanche, est le domaine de l'intériorité, le champ de mon jugement, de ma détermination selon mes propres fins, de mes intentions, etc. Cette intériorité peut prendre la forme du respect, de la révérence, de l'amour. Mais cette façon qu'à l'individu d'être avec soi en soi-même, cette intériorité ne peut pas être ordonnée, on ne peut pas en faire l'objet direct des lois. Les lois juridiques, civiles et politiques se rapportent à un être-là extérieur. Mais l'élément moral a aussi sa manifestation extérieure. C'est une source d'actions, de comportement des personnes par rapport à l'Etat et aux individus. Ces manifestations extérieures ont l'élément juridique pour contenu. Mais de l'autre côté il y a aussi des manifestations extérieures qui ne proviennent que de la disposition d'esprit morale, comme les marques de respect, l'amour de nos proches et de notre conjoint. Il y a, certes, une limite à partir de laquelle nous avons affaire à ce qui relève du droit. Mais il est difficile de la tracer, parce qu'il n'est pas permis à l'élément juridique de s'introduire en un point qui appartient à l'individu lui-même. Si quelque chose de moral fait l'objet d'un commandement, les lois peuvent bien résonner excellemment, elles peuvent être de décrets de Salomon, il n'en demeure pas moins que du despotisme est intervenu, et un despotisme d'autant plus grand que la loi résonnait comme plus excellente.

Dans l'Etat chinois, ce qui est éthique est transformé en quelque chose de juridique. Ce qui n'a de la valeur que comme disposition d'esprit doit compter comme objet de l'élément juridique. Est donc commandé par les lois ce qui, par sa nature même, est moral, ce qui appartient à l'autodétermination intérieure. Ces choses sont ordonnées par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir. Lorsque, auparavant, nous avons introduit les lois [familiales], nous avons vu plusieurs exemples de cela. De très nombreuses lois civiles ont trait à la conduite des citoyens les uns à l'égard des autres, à leur conduite à l'égard de leurs supérieurs, à celle des fonctionnaires à l'égard de l'empereur. L'un des anciens [textes canons], le Livre des Rites (Li Jing) contient uniquement les us et coutumes qui sont déterminés de manière fort circonstanciée et qui entraînent des peines très sévères s'ils ne sont pas respectés, tant et si bien qu'il n'est guère difficile d'encourir la peine de mort. Quant aux convenances extérieures, elles sont nécessaires et commandées, mais lorsqu'elles sont formulées comme système de lois juridiques, elles perdent leur vrai sens. Par conséquent, la détermination fondamentale de la constitution chinoise est que ce qui est moral est posé comme étant strictement juridique. Un tel gouvernement, un gouvernement qui promulgue une telle législation prend la place de mon intériorité, et de ce fait le principe de la liberté subjective se trouve supprimé, ou il n'est pas reconnu.

Et ce qu'on comprend d'abord par liberté, c'est surtout, dans un premier temps, ce principe d'une telle liberté subjective. Cette liberté subjective, la sphère inviolable de l'intériorité, constitue une détermination qui est spécifique au principe européen. De cette source formelle provient donc tout ce qu'il y a de beau et de vrai. Lorsque les gouvernements font de l'élément moral leur principe, alors il n'est plus reconnu dans les sujets, il n'est plus présent comme ce qui est propre au sujet particulier. La moralité semble certes constituer le principe de tout l'Etat, mais ce qui est lié à cela, c'est la non-reconnaissance de la moralité qui doit résider dans l'intériorité du sujet. Il manque donc par là à ce système cette liberté-là de l'âme, la source de l'éthicité libre reposant sur soi, de la science libre, de la religion libre. Rien ne doit transparaître qui soit une création propre du sujet, car ce serait une seconde oeuvre, face à l'oeuvre du gouvernement. Ce dernier s'est emparé de la morale, il a confisqué l'intériorité. De cette manière, l'oeuvre idéelle de la liberté ne peut pas prospérer. Rien ne doit transparaître dans les lois de ce qui est intérieurement libre, qui a son être-là dans le sujet.

Extrait de l'ouvrage G.W.F. Hegel -- La philosophie de l'Histoire, collection Pochothèque, sous la direction de Myriam Bienenstock, pp.225-226
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