Jean Lacouture

Jean Lacouture vient de mourir.
Le trait qui chez lui me semblait le plus sympathique était l’entrain, le bonheur exprimé (surtout dans ses derniers livres). A part ça, il me semble que ses biographies étaient surtout caractérisées par une très grande superficialité : aucun point n’y était un peu sérieusement discuté.
Celle des biographies de Lacouture que j’ai lues où son tiers-mondisme prend un caractère franchement pénible - et coupable - est la biographie de Ho Chi Minh (1967). Le traitement infligé aux prisonniers français de la guerre d’Indochine en général (et de Dien Bien Phu en particulier) n’y est pas évoqué. Ce silence a quelque chose de communiste, et de criminel.
Ceci alors que Ho Chi Minh est décrit comme une sorte de Franciscain (au travers notamment de l’évocation de ses relations épistolaires avec le maire de Florence, Giorgio La Pira (actuellement en instance de béatification)).
A part ça, évidemment, aucune discussion du coût humain pour les Vietnamiens des décisions du povorello Ho et de son groupe : guerre contre les Français, guerre contre les Etatsuniens.
Mais c’est le silence pur et simple sur le fait – sur le crime – commis contre les prisonniers français qui je pense restera sur le souvenir et la réputation de Lacouture comme une tache qu'il faudra beaucoup plus que les parfums d'Arabie pour faire disparaître.

Il devait être comme Boudarel, chrétien progressiste. Et le progrès, comme chacun sait, c'est tout.

«J’ai pratiqué une information sélective en dissimulant le caractère stalinien du régime nord-vietnamien. Je pensais que le conflit contre l’impérialisme américain était profondément juste et qu’il serait toujours temps, après la guerre, de s’interroger sur la nature véritable du régime. Au Cambodge, j’ai péché par ignorance et par naïveté. Je n’avais aucun moyen de contrôler mes informations. J’avais un peu connu certains dirigeants actuels des Khmers rouges, mais rien ne permettait de jeter une ombre sur leur avenir et leur programme. Ils se réclamaient du marxisme sans que j’aie pu déceler en eux les racines du totalitarisme. J’avoue que j’ai manqué de pénétration politique.»

Le testament autocritique de Jean Lacouture

Testament que j'ai trouvé pécher par omission, au moment même où Lacouture se frappe la poitrine : il ne s'agit pas de la nature du régime, mais de ses crimes. Par ailleurs, le caractère inhumain du traitement infligé aux prisonniers français de Dien bien Phu était largement connu en France, même du grand public. Il s'agit là d'un procédé de dénégation par omission d'un fait largement connu qui est un procédé typique du totalitarisme. En démocratie la presse ment, bien sûr, mais sur de petits faits, pas sur des crimes d'Etat de grande ampleur.

L'ANAPI fait état le 8 juin 2015 de la Journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Indochine. Qui en a parlé ? Qui en parle ?
Le caractère inhumain du traitement infligé aux prisonniers de Dien bien Phu était connu en France, mais le parti communiste était très puissant à l'époque, et la chape de plomb l'était tout autant. Boudarel, quand il revient en France retrouve tout naturellement son poste d'universitaire (wikipedia: promu maître de conférences à l'Université de Paris VII et chercheur au CNRS), protégé par le parti communiste.
Une seconde collaboration française aura sans doute été celle du parti communiste, mieux vaut donc la taire, parce qu'une collaboration ça fait déjà beaucoup, mais avec deux collaborations, les choses ne sont plus tenables.
Sans parler de la visite de l'Huma à l'hôtel Meurice (ici)

Quant à Lacouture, il écrit son livre sur Ho Chi Minh en 1967, et le réécrit dans un numéro spécial d'Historia en 1972, puis nouvelle édition en 1976. Donc, il se fait du blé. Jean Lacouture n'aurait sans doute jamais dit de son vivant que Ho Chi Minh lui avait payé sa maison de campagne.

Je vous comprend mal : vous affirmez que Ho Chi Minh a payé une maison de campagne à Jean Lacouture, ou bien vous ne l'affirmez pas ?

J'affirme (comme vous dites) que son livre 'Ho Chi Minh' l'a aidé à se payer une maison de campagne, ou tout autre objet de son choix.
Les droits d'auteur de son "Ho Chi Minh" lui ont donc sans doute permis de s'acheter une maison de campagne, ou tout autre objet de son choix. Je sais bien que les français aiment l'histoire, mais quand même, une réédition de la vie d'Ho Chi Minh après l'avoir passée en numéro spécial dans Historia, même le général de Gaulle n'a jamais bénéficié d'un tel régime de faveur. On Angleterre, on dit 'traire la vache'.
(Mais je n'affirme pas qu'il était parti traire la vache).