Il y a une distorsion dans les perceptions d'échelle qui fait que certains, dont Attali, ne connaissent pas la diversité.
Le pays dont ils parlent, dont ils ne prennent plus la peine de se réclamer, qu'ils ne nomment presque plus, à l'égard duquel ils n'éprouvent aucun sentiment d'appartenance (c'est du moins le cas de ce chattemite faussement visionnaire et supérieur de Jacques Attali), est un grand pays radicalement divers. C'est le plus grand pays d'Europe, plus grand que le Japon, qui est pourtant un long buisson de folle diversité régionale. La France est une mosaïque de perceptions qui se fondent en un pays, la plus grande mosaïque de perceptions du monde et de soi qui en Europe se soit constituée en unité n'est pas l'Allemagne, ni l'Espagne, ni même le Royaume-Uni, c'est la France.
Or ce pays est dirigé par des gens qui pataugent dans une scandaleuse méconnaissance de la matière qu'ils se figurent pouvoir commander, modeler, ordonnancer, manipuler selon leur fantaisie. Cela se donne à lire sur leur trogne suffisante et auguste, qu'elle soit celle d'un Attali, d'une Martine Aubry ou d'un Alain Juppé. Ces gens ne connaissent rien de l'objet dont ils se revendiquent et revendiquent la tutelle, la régence. Tous les candidats futurs, à l'exception de la malheureuse fille Le Pen, ne sont candidats qu'à la régence de ce pays, non à sa présidence.
Cette méconnaissance de l'objet de toutes leurs convoitises, de tous leurs fantasmes de pouvoir et de commandement remonte loin, fait une vieille et longue tradition qui s'actualise et s'instantialise aujourd'hui dans l'invention d'une diversité artificielle, fabriquée, importée, qui doit se substituer à celle qu'ils méconnaissent, qui doit de celle-là, qui leur est occulte, tenir lieu.
C'est donc ainsi : leur méconnaissance de notre diversité leur fait désirer, comme substance devant combler leur désir aussi hystérique qu'aveugle d'une matière présente mais qu'ils ne perçoivent pas, une diversité illusoire et artificielle, d'importation, imagière, toute idéalisée, toute fécondée de leur désir d'un monde vrai et divers comme il l'est dans leurs rêves.
Le réel divers mais occulte, ce faisant, doit subir, doit souffrir, les rigueurs et exigences de la rêverie d'un gouvernement fait d'aveugles et de sourds, fait d'aveuglement et de surdité.
Et on en veut à un état de fait -- et on est en colère contre lui --, si intolérable qu'il n'y a plus guère à disposition pour le dire qu'une forme de poésie dénonciatrice. L'incompréhension, le fossé entre qui entend nous gouverner et ce que nous sommes fait un scandale total, et cette
totalitarité nous prive des mots ordinaires avec lesquels les choses ordinaires et dicibles peuvent s'énoncer.