Le topos est la dénomination savante du "je-me-comprends". Cette "faute grammaticale" fait passer en contrebande dans le discours ce qui tient lieu en son sein tout à la fois de prémice et de conclusion, elle fait que le discours s'enroule en solipsisme, se mord la queue, démontre par la prémice que ce qu'il y avait à démontrer était la prémice.
Nous y sommes tous sujets, moi le premier évidemment, mais je m'avise aussi que cet accolement des objets dans un univers-topos est en train de se solidifier dans les discours supranationaux et dans la bouche de leurs représentants nationaux. Les ministres, présents ou passés (Montebourg était un as de la chose) de la présidence Hollande s'y distinguent particulièrement. Et qu'il y a lieu de supposer que ce vice rhétorique ait pour source la langue du pouvoir suprême.
Le philosophe Jacques Derrida, dans ses cours -- celui que j'ai sous les yeux date de 1964-65 :
Heidegger, la question de l'être et l'histoire, cours à l'ENS --, s'y adonne gaiement, au point que son éditeur (les éditions Gallilée) en fait des notes :
[à propos de Hegel] Pour peu qu'on lise et qu'on en fasse autre chose qu'un -- disons ici précisément -- un demeuré, il va de soi que la fin de l'histoire et de la philosophie ne signifie pas pour Hegel une limite factuelle après laquelle le mouvement de l'histoire se serait stoppé, arrêté, mais que l'horizon et l'ouverture infinie de l'historicité est apparu comme tel.
De manière générale, l'exercice de la traduction, qui eût appelé ici un
mais que l'horizon et l'ouverture infinie de l'historicité sont apparus comme tels fait surgir l'artifice de plaidoyer que constitue cette soudure chez les locuteurs natifs. Un de ses motifs est du reste lui-même grammatico-esthétique et tient à la répugnance de l'écrivain natif (ici Derrida en français) à faire se désaccorder le genre; entre un accord de genre forcé et contre-intuitif -- qui serait donc ici "...et l'ouverture infiniE de l'historicité sont apparUs comme teLs" --, et le viol de l'accord du nombre, on choisit le viol. La priorité ainsi donnée à l'aisance du discours produit donc un vice rhétorique et un viol du logos, mais il se trouve que justement,
le trépas du logos cimente un topos. Nous avons là un stratagème politique typique mettant en jeu la langue et la pensée qui, par le truchement de la langue, aboutit à perclure la pensée, à la cimenter, à l'engluer en elle-même et à lui faire une carapace contre tout risque d'analyse.