Le site du parti de l'In-nocence

Eléments d'appréciation de l'ère ante-clavier

Envoyé par Thomas Rhotomago 
"Le lendemain matin, le facteur rural me remit un paquet de lettres. Il y en avait une de Paris. L’adresse était écrite d’une de ces écritures nettes, cursives, brèves, qui annoncent la promptitude, la précision et la fermeté de résolution de l’esprit dans la volubilité de la main."

Alphonse de Lamartine - Confidences (1849)
09 novembre 2015, 22:56   Autre
"Le plus grand de mes dons étant une faculté consommée pour ne rien faire, je ne puis même pas considérer que l’ennui ait pu être un stimulant suffisant pour me faire prendre une plume. La plume en tout cas se trouvait là et il n’y a à cela rien d’étonnant. Il n’est personne qui n’ait chez soi une plume (cette arme blanche de notre époque) par ce temps de timbres à deux sous et de cartes postales. […] Et moi aussi j’avais une plume qui traînait je ne sais où, cette plume qu’emploie rarement et que prend à regret un marin à terre, la plume que rouille l’encre séchée des tentatives abandonnées, des réponses différées au-delà des bornes de la décence, des lettres commencées avec une extrême répugnance et soudainement remises au lendemain, ou même à la semaine suivante. La plume dont on n’a cure, qu’on jette de côté à la moindre occasion et que sous le coup de quelque cruelle nécessité on se met à chercher sans enthousiasme, sans conviction et en grommelant : « Où diable cette satanée chose a-t-elle pu se fourrer ? » Oui, où cela ? Elle peut bien être restée derrière le canapé depuis un jour ou deux. La fille anémique de ma propriétaire (comme aurait dit Ollendorf), quoiqu’elle fût assez soignée, avait une façon seigneuriale et nonchalante de remplir ses devoirs domestiques. Il se pourrait même que cette plume fût restée délicatement fichée dans le pied de la table, et, une fois retirée de là, montrât un bec béant, inutilisable, capable de décourager un homme doué d’instincts littéraires. Mais pas moi ! « Cela ne fait rien ! Cela ira ! »"

Joseph Conrad Des souvenirs (1924)
Utilisateur anonyme
10 novembre 2015, 09:00   Re : Eléments d'appréciation de l'ère ante-clavier
"Passaient un visage mat, de femme, un visage luisant, d'homme. Les hommes avaient à la pochette un stylo, et quelquefois, en plus, un porte-mine ; il n'y a qu'à Paris qu'on voit cela ; tous les Français sont des penseurs."


Montherlant, Les célibataires, p.837, Pléiade, Gallimard
Mon beau-frère est un homme important : il est sous-chef de rayon aux Grands Magasins. Il roule en vélo Solex et a quatre stylos à la pochette.

Fernand Raynaud (cité de mémoire)

Dans l'armée chinoise, quand elle était très "de libération", pas de galons, pas de grades, mais des vareuses à nombres de poches inégaux, et, pour les très hauts gradés, un certain nombre de stylos, proportionnel au grade, dépassant des poches à hauteur de poitrine.

Les années 60, en Chine comme dans le pays de Fernand Raynaud et de Montherland : l'apogée, l'apothéose du stylo-bille.
Utilisateur anonyme
10 novembre 2015, 09:31   Re : Eléments d'appréciation de l'ère ante-clavier
pour les très hauts gradés, un certain nombre de stylos, proportionnel au grade, dépassant des poches à hauteur de poitrine.

C'est que même les plus rustres aiment à se composer une physionomie, un look...
Utilisateur anonyme
10 novembre 2015, 09:38   Re : Eléments d'appréciation de l'ère ante-clavier
Montherlant, toujours dans Les célibataires, parlant d'une "écriture conquistador" :

"(...) de son écriture de plus en plus conquistador : ferme, énergique, magnifique."
Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum.

Cliquer ici pour vous connecter