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Le retour du sacré à Bourges n'est pas pour demain

Envoyé par Francis Marche 
Deux heures de marche en étant enceinte jusqu'au cou... J'en peux plus!», «il s'accroche bien ce p'tit bout!»: sur son compte Twitter, imaginé par le diocèse de Bourges, une Vierge Marie pleine d'humour raconte son périple de quatre semaines, de Nazareth à Bethléem, jusqu'à la naissance de Jésus le 25 décembre. Le compte Vierge Marie @VersNoel, émaillé de quizz, de méditations quotidiennes, de vidéos et de tweets drôles et décalés, tous validés par l'évêque, a été conçu pour «dépoussiérer la foi» et «aider les gens à avancer vers Noël de manière sympa», selon le responsable de la communication du diocèse de Bourges, François Chasseriau, à l'initiative du projet, et qui compte bien le renouveler l'an prochain.

Les abonnés de cet Avent d'un nouveau genre peuvent aussi visualiser sur une carte de Judée-Samarie la progression de Marie et de Joseph, leur trajet du jour, leurs étapes: «J'ai négocié avec Joseph, on va rester se reposer à Emmaüs. Il y a une brocante sympa», raconte Marie. Une Vierge qui ne rate rien de l'actualité à deux millénaires de distance: «150 km à pied vers Bethléem, c'est raide quand même... La seule chose qui me console, c'est que c'est écolo #COP21», confessait-elle le 7 décembre, jour de l'ouverture de la conférence sur le climat à Paris. Ou encore, «#DarkVador n'a qu'une mère, pas de père, il est né de la force et devait apporter l'équilibre... Ça me rappelle bizarrement quelque-chose!»

Avec 370 «followers» recensés aujourd'hui en fin d'après-midi, le compte remporte une audience à laquelle ne s'attendait pas François Chasseriau, qui se dit «le premier surpris» car le public est particulièrement ciblé : «catholique, connecté et qui veut cheminer vers Noël».


[www.lefigaro.fr]

Quoi ? le sacré ? Nous, non, le sacré, on n'a pas ça en rayon. Nous on fait dans le "sympa". Pour le sacré, le tragique, le sens de la vie tout ça, adressez-vous à la mosquée, troisième rue à gauche. Dites-leur que vous venez de notre part. Ca leur fera plaisir.
Oui, évidemment, pour dépoussiérer la foi et avancer vers Noël de manière sympa, il faut faire appel au responsable de la communication du diocèse.
L'intervention de l'Archevêque de Paris, ce matin sur BFM-TV, était consternante de fadeur, y compris ses commentaires sur la situation des chrétiens d'Orient. En gros, Bé y faut faire en sorte qu'ils puissent vivre en paix sur leur terre d'origine. Daech est prévenu et les persécutés rassurés...
Non mais vous rigolez, le tragique, c'est éreintant, même carrément chiant, et puis ça pue l'bouc.
En plus, d'où tenez-vous que le tragique ait quelque rapport avec le sens, je vous prie ?
Non, nous voulons des dou-ceurs ! Les hommes, surnageant en pleine Baca, l'ont bien mérité. Permettez.
En plus, d'où tenez-vous que le tragique ait quelque rapport avec le sens, je vous prie ?

Ben ch'ais pas moi. Faut demander à George Steiner, qu'a écrit six cents pages sur les Antigones pour nous en toucher deux mots.

Nan sans déconner : la jeunesse qu'est pas Bataclan mais alors pas du tout, ces Twitters de l'évêque de Bourges, ça va lui enlever l'envie de partir en Syrie faire des conneries c'est moi qui vous le dit. Parce que hé, quand même, quand on cherche des vraies réponses à pourquoi qu'on est là et qu'est-ce qu'on y fout, et pour aller où, des trucs comme "150 km à pied vers Bethléem, c'est raide quand même... La seule chose qui me console, c'est que c'est écolo", ça vous cale l'âme quoi.
Francis, je vous parie que les Nouveaux Cathos Cools (les NCC) sont pas mal nietzschéens, faut ce qu'il faut ; et tout nietzschéen qui se respecte sait que le tragique, c'est l’acceptation inconditionnelle de ce qui est, ce qui advient, lequel n'est point sensé en premier lieu : c'est même quasiment le contraire, puisque cela ne va nulle part, n'aboutit pas, c'est-à-dire en arrive toujours au même point.
C'est du circulaire, il n'y a rien à découvrir, et le devenir charrie les myriades de ses apparences sous le ciel plombé de l'absence totale et consentie de débouché.
Steiner aurait-il donc d'autres vues sur la question ?
Ah oui mais justement, justement, c'est bien parce que le ciel paraît bouché et plombé par la tragédie que s'envole la prière à travers les nuages, en général. Je ne connais pas de tragédie sans invocation des dieux, personnellement. Mais ayant l'esprit ouvert sur la question je ne demande qu'à en connaître.

Enfin s'il ne s'est pas produit une tragédie le 13 novembre dernier à Paris que s'est-il produit ? Et les acteurs (auteurs plus exactement) de cette tragédie (auteurs-acteurs, qui la jouèrent, se la jouèrent, en plus de la concevoir) au nom de quoi ont-ils agi, qu'est-ce qui, subjectivement, guida leur geste, sinon l'invocation du divin et l'affirmation conjointe d'un sens théologique et historique ? Mais je sens que vous allez m'objecter que je confonds tragédie et événement tragique ou tuerie, etc.. en embrouillant le propos et en le faisant fuir vers une axiologique, comme d'habitude.

L'apocalyptique est tragique et dans la foi mahométane, elle ressort au divin. Il ne m'en faut pas plus pour défendre ce que j'ai écrit sur le sujet dans mon message supra, que vous tenez à épingler coûte que coûte.

George Steiner a mis tant de choses, de pensées fécondes dans ses écrits sur les antigones, que je ferais insulte à sa mémoire en tentant de répondre au pied-levé à votre question. Mais veuillez retenir que la recherche du sens, l'interrogation du divin et la tragédie y apparaîssent solidaires, comme on le dit des éléments d'un objet architecturé, d'une charpente.
Utilisateur anonyme
24 décembre 2015, 01:26   Re : Le retour du sacré à Bourges n'est pas pour demain
tweets drôles et décalés, tous validés par l'évêque

Une religion revisitée par l'"esprit Canal". Cool.


Sauf que le mot d'ordre, derrière ça, c'est d'abattre la maison, d'en mettre en pièce la charpente.

Pas grave. Grande vérité bouddhique : "Destruction et négation sont dans l'ordre naturel des choses".
En un sens, Francis, peut-être avez-vous raison : l'invocation des dieux instaure un sens, de façon quasi directionnelle, et l'on pourrait dire que l'orientation de l'implorant vers le destinataire de sa prière le constitue en soi, ce sens, qui peut ainsi s'éployer dans la distance établie entre soi et ce qu'on invoque, même s'il ne résulte de cette seule orientation aucune lumière qui éclaire positivement ce qu'on appelle intuitivement le sens de tout cela : sa raison d'être, sa finalité et la compréhension qu'on pourrait avoir de la situation.

Quand Pavese définit la situation tragique grecque comme étant l'inexorable accomplissement d'un devoir être (inexorable, c'est-à-dire que l'invocation n'aura servi à rien, et ne pourra infléchir le cours du destin) : « Que ce qui doit être soit. De là le merveilleux des dieux qui font arriver ce qu'ils veulent... » (Le Métier de vivre), et que Nietzsche renchérit en posant l'acceptation de ce devoir être, sans que nous soit donnée en réalité aucune explication, il est évident qu'on ne sait pas ce qui arrive, que cela n'a censément aucun sens pour nous (le seul arbitraire divin, s'il est la seule raison, n'en est pas une pour nous, me semble-t-il), et qu'on ne peut strictement rien faire là-contre, aucune intervention effective n'étant possible, car en réalité, toujours selon Pavese, les protagonistes n'entretiennent entre eux aucun dialogue, ils ne peuvent même pas s'allier pour tenter de lutter ou de contrecarrer le sort, aucune concertation n'est possible : « ...les personnages ne se parlent jamais, ils parlent à des confidents, au chœur, à des étrangers. La tragédie est donc représentation en ce que chacun expose son cas au public. Le personnage ne s'abaisse jamais à des dialogues avec d'autres, mais il est comme il est, statuesque, immuable.
Les meurtres ont lieu en coulisses et on en entend les hurlements, les exhortations, les mots. Le messager arrive et il raconte les faits. L'événement se traduit en parole, en récit. Pas de dialogue, mais récit à un public idéal, le chœur [qui constate, prend acte du fait déjà accompli]. » (Ibid.)

Avouez que si les attentats participent de la tragédie, dans cette optique, ce sera fâcheux : non seulement on n'y comprendra rien, mais en plus ne pourra que subir...
La Messe là-bas (Claudel), version dépoussiérée :

video: [video.lefigaro.fr]
Dans le poëme La Messe là-bas (1917), et toujours à propos du sens :

Comment les choses auraient-elles un sens si leur sens
n'était de passer ?

Comment seraient-elles complètes, si leur sort n'était
de commencer et de finir?

Et moi-même qui parle, qu'est-ce qui parle, sinon ce
qui est immortel en nous et qui demande à mourir ?


.................................................................................

Ce n'est pas payer trop cher de mourir, mon Dieu,
afin que Vous existiez davantage !
Avouez que si les attentats participent de la tragédie, dans cette optique, ce sera fâcheux : non seulement on n'y comprendra rien, mais en plus ne pourra que subir...

La question est celle du jeu de rôle dans la constitution du sens, et celle de l'historicité, celle des rôles assumés, consentis (celui qui se tait dans son égorgement, consent à un rôle, à une direction d'acteur que lui intime le bourreau).

Jan Patocka (dans un court essai de 1941), sur le consentement au tragique de scène dans l'histoire, restitue certains fondamentaux (la beauté des essais de Patocka tient à cela : seul intéresse cet auteur, d'emblée, tout de go, le fondamental, qu'il livre derechef en quelques traits, puis qu'il affine et fait vivre dans les détails de la contemporanéité, en cueillant le sens au passage -- grande et fort enviable élégance de ces textes, impression de légèreté et de souveraine puissance) :

La philosophie de l'histoire est une branche spécifiquement moderne de la philosophie, inconnue de l'Antiquité. L'Antiquité ne connaît pas de réflexion sur les événements historiques dans leur unicité et leur cohésion, de même qu'elle manque du sens de l'histoire en général, qu'elle ignore la distance qu'instaure l'histoire. La profondeur historique. L'Antiquité crée une théorie de la société, une philosophie de l'Etat, elle réfléchit sur les lois qui régissent la succession des différentes formes d'Etat, sur leurs principes et leurs avantages respectifs, elle en présente la critique. Mais toute cette réflexion est naïvement supratemporelle : il s'agit de constater des vérités collectives, sans rien au-delà. Le philosophe se tient au-dessus du processus historique, non pas en lui et sous son diktat. Ce n'est qu'avec le christianisme que l'Europe se dote d'une manière de philosophie de l'histoire, disons plutôt d'une conception dramatisée du monde : l'humanité unie du début à la fin par un même destin, par l'histoire de la chute et du salut, cadre unique à l'intérieur duquel la vie de chaque individu acquiert une signification eu égard au sens global; ce processus global se tient au-dessus de l'individu comme une loi, une consigne que force lui est d'accepter et d'exécuter -- bien ou mal -- comme il jouerait un rôle au théâtre.

Il y a un script de l'histoire (avec les Evangiles, Joachim de Flore, etc.) en Occident et un autre dans le monde musulman. Deux directions d'acteurs, jeux de scènes s'affrontent et la tragégie qui se noue dans et par l'histoire n'est autre que celle qu'organise et que nourrit une rivalité entre deux scripts, deux jeux de scène, un conflit entre deux scénarios concurrents. Que les Evangiles ne soient plus littéralement le script que suit l'Occident n'a pas d'incidence sur le déroulé des choses (le script moderne et post-moderne, qu'il s'agisse du Progrès ou de la thématique d'une maîtrise des phénomènes naturels globaux, etc. continue de ressortir au même esprit de salut) ni sur la nature de la lutte de l'Occident contre un hypothétique arrêt brutal de l'histoire dans et par l'instauration d'un Califat mondial, ni à fortiori sur l'issue d'icelle.

Tout ce qui fait sens historique et "fait histoire" est tragédie et ne se conçoit pas hors le sens du tragique et celui qu'enfante et fait surgir une lutte subie, dont le déroulé est, en sous-jacence des discours, contradictoirement, conflictuellement entendu comme préécrit.
(commentaire de la présentatrice de BBC World sur le curé philippin en hoverboard : "Well obviously this priest thought he could not be blamed for taking things up to... a higher level")
Le retour du sacré s'éloigne encore un peu en Espagne :

[www.lefigaro.fr]

On lit que cette église fut "désertée dans les années 1930" à cause de la guerre civile. Well... quand on sait ce que les Républicains et anarchistes espagnols firent des églises dans les années 30 (et ils n'attendirent pas l'assaut de Franco pour tout y fracasser), on comprend mieux.

Les vaillants anarchistes espagnols qui jetaient bas les grands crucifix des autels sous l'oeil protecteur du gouvernement républicain se doutaient-ils que leurs petits enfants (ou arrières-petits-enfants pour être exact) feraient de leur action dans ces eglises ce que l'on voit aujourd'hui ? Se doutaient-ils à quoi ils préparaient le terrain ? Se doutaient-ils que l'anarchisme préparait la voie à la los-angelisation de la terre d'Espagne et que de ce processus ils n'étaient que les agents premiers par la chronologie ?

Autoproclamée la Church Brigade, ce collectif de skateurs animé par la foi du Do It Yourself décide de réinvestir l'espace en skatepark par lui-même.
Dès 2012, l'espace ouvre ses portes à tous les skateurs sous le nom de «Kaos Temple».


A mon avis, non. L'histoire se régale de faire des cocus.
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