Ce film montre une réalité sinistre. On comprend que les Allemands ayant vécu plus de quarante ans en RDA (plus 13 ans de socialisme national) aient eu le sentiment, en 1989, d'être enfin libérés, comme les Français en août et septembre 1944.
Pourtant, ce film reprend tous les poncifs de gauche ou d'extrême gauche sur la réalité communiste. Souvenez-vous, les victimes du Goulag, dans cette vulgate, ne sont pas ou n'ont pas été les Russes, ni les ressortissants de l'empire soviétique, mais les trotskistes ou les partisans de Lénine ou ceux qui, en 1937, voulaient que la Révolution continue, ou les intellectuels dont l'oeuvre a ou aurait été censurée ou interdite. En bref, les seules et vraies victimes du communisme n'ont pas été les moujiks, ni les ouvriers, ni les prêtres, ni les nobles, ni les bourgeois, mais les seuls révolutionnaires, les communistes vrais de vrais et purs parmi les purs, membres du Parti depuis toujours et fidèles au Parti même jusque dans la mort.
Le film "la vie des autres" met en scène cette très détestable vulgate. Les victimes du communisme de RDA qui nous sont montrées sont ceux qui croyaient dur comme fer au socialisme, au vrai, au pur, au désintéressé : les intellectuels critiques, les artistes à la Brecht, les comédiens. Tous ont participé à l'aventure, tous ont donné du crédit à cette sanglante tragédie, tous ont fini par être victimes des bureaucrates et des policiers, comme si, eux, eux aussi, eux d'abord, n'avaient pas mis en mots, les premiers, avant tous les autres, la société bouffone de l'utopie criminelle. Comme toujours, les vraies victimes de la Stasi et du Système ne sont pas montrées : rien sur les opposants véritables, rien sur ceux qui ont été assassinés par les flics ou l'armée parce qu'ils essayaient de quitter leur prison, rien sur les censurés, les condamnés au silence, les martyrs; mais tout sur les enfants chéris du régime, les nantis, les choyés, les chouchoutés, qui prennent conscience de l'horreur du régime qu'ils ont servi et dont ils ont jeté les fondements après trente-cinq ans de complicité ou d'aveuglement.
Décidément, le cinéma (est)allemand et Arte continuent sur leur erre formatée au totalitarisme, comme s'ils étaient devenus naturellement inaptes à la liberté.