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Perte d’identité

Envoyé par Gérard Rogemi 
01 octobre 2008, 21:56   Perte d’identité
L'auteur se rappelle son enfance, et les plats que préparait sa grand-mère, Noémie.

”Je me souviens de repas ultérieurs, bien plus simples, au cours desquels Noémie servait à mon père et à mon oncle d'épais et tendres steaks de cheval, qui ont fini par me donner, bien des années plus tard, le goût de cette viande devenue rare, les boucheries chevalines, dont j'ai tant aimé les enseignes, disparaissant les unes après les autres, au profit de malo­dorantes sandwicheries gréco-turques ou de gargotes asiatiques, le lieu commun exotique se substituant à la diversité nationale, et bien des signes s'abolissant ainsi, le monde deve­nant l'immense table d'un festin fantôme où tous les mets sont proposés mais point ce qui, dans mon enfance, relevait d'une cène intime […].”

Richard Millet, Petit éloge d'un solitaire
01 octobre 2008, 22:05   Homme nu, homme libre
Homme nu, homme libre

Extrait de L'ingratitude, conversation sur notre temps, un livre d'entretiens entre Alain Finkielkraut et Antoine Robitaille, publié en 2000 chez Gallimard :

Après de longs échanges sur la conception de la nation et des héritages, face à l'expérience de la fragilité, en Europe centrale, au Québec et en Israël, son interlocuteur québécois Antoine Robitaille lui demande de jouer à présent cartes sur table et lui pose la question : êtes-vous conservateur ? Dénonçant la tendance actuelle qui fait de la réserve à ”faire bouger les choses” à tout prix une pathologie, Alain Finkielkraut rappelle brièvement les fondements des mouvements politiques conservateurs, nés en réaction à la Révolution de 1789 et à une conception entièrement abstraite et universelle de l'homme. Il reprend un raisonnement d'Edmund Burke qu'Hannah Arendt avait été la première à réactualiser, dans Les origines du totalitarisme, et montre qu'après l'expérience du totalitarisme justement et de ses horreurs, des déplacements massifs de populations, ces fondements ont pris une singulière modernité. Parallèlement à son engagement au service de la conservation de la richesse de la langue et d'un environnement à l'homme vivable, c'est un Alain Finkielkraut vibrant et humaniste, conservateur et résolument moderne que ce texte nous montre. Excellent exemple, il me semble, de “moderne déniaisé” au sens où Antoine Compagnon emploie l'expression.


“On ne peut plus dire aujourd'hui avec Joseph de Maistre : “J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc.; je sais même, grâce à Montesquieu, qu'on peut être Persan. Mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie ; s'il existe, c'est bien à mon insu.”[1] Nous savons, nous, et d'un douloureux savoir, qu'on peut être homme, seulement. L'homme nu, l'homme sans détermination, l'homme délié de tout ancrage et extrait de toute communauté, l'homme uniquement habité par lui-même et exclusivement identifiable à son humanité, cet homme n'est pas une chimère métaphysique ou une vue de l'esprit. En faisant de la personne déplacée sa figure instinctive, notre temps s'est même ingénié à le produire à des millions d'exemplaires. L'homme existe donc bel et bien, mais la pure appartenance à l'espèce est la pire épreuve qui soit : l'être humain réduit à ce qu'il perd à la fois la possibilité d'exister humainement sur la terre et les qualités qui permettent aux autres de le traiter comme leur semblable. L'homme qui n'est rien qu'un homme n'est plus un homme.[…]

Du déracinement des apatrides à l'internement concentrationnaire, la négation de l'humain a pris la forme de la désolation, c'est-à-dire de la privation de sol, de l'expérience radicale et désespérée d'une absolue non-appartenance au monde. Il faut un monde à la liberté. Ce n'est pas n'importe où, n'importe comment, mais au sein d'un peuple, dans un certain milieu vital, à l'intérieur d'une communauté politique, que l'homme peut vivre en tant qu'homme parmi les hommes, c'est-à-dire “exprimer des opinions signifiantes et mener des actions efficaces”[2].”
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[1] Considérations sur la France

[2] Les origines du totalitarisme
01 octobre 2008, 22:09   Valeurs éternelles
J'ai trouvé les deux textes ci-dessus sur un très beau site que je recommande à tout le monde.

Il s'agit en effet d'un blog extrémement riche en extraits de toutes sortes appellé Valeurs Eternelles
02 octobre 2008, 09:08   Re : Valeurs éternelles
"le lieu commun exotique se substituant à la diversité nationale"
Utilisateur anonyme
02 octobre 2008, 10:17   Le Web, le secret et l'extime
À propos de perte d'identité, je ne sais si certains d'entre vous ont écouté l'intervention très intéressante du président de la CNIL, hier-soir, à France-Culture (vers sept heures). Vertigineux, ce qui nous attend…

Rogemi, le lien ne marche pas ; peut-être est-ce dû à la panne de Google ?
02 octobre 2008, 10:57   Re : Perte d’identité
Et que disait-il, ce brave homme ?
Utilisateur anonyme
02 octobre 2008, 11:07   Le brave homme de la CNIL
Il parlait des dangers d'Internet, Cher Marcel, vous savez, ces choses qui n'existent que dans le cerveau des maniaques et des névrotiques dans mon genre. Il parlait du fait (il est professeur) qu'il est impossible de faire comprendre un certain nombre de choses aux jeunes gens d'aujourd'hui (je le trouve bien optimiste…). Il expliquait, entre autre, que le fichier Edwige, c'était de la rigolade, comparé à Internet, et à l'Homme numérique en train de naître sous nos yeux. Pour faire comprendre nos mentalités et notre manière de réagir, à ce sujet, il avait recours à une image que je trouve très parlante.

Si vous jetez une grenouille dans de l'eau bouillante, elle va certainement arriver à bondir hors de la marmite, dans un sursaut désespéré. Mais si vous la plongez dans de l'eau froide, et que vous augmentez la température de l'eau d'un demi-degré par semaine, elle va mijoter, au bout d'un certain temps. Pour lui, si je l'ai bien compris, nous sommes assez près de la température de mijotage…
Utilisateur anonyme
02 octobre 2008, 11:27   Re : Le brave homme de la CNIL
On peut encore écouter l'émission. Il s'agit d'Alex Turk.
Je reviens d'une virée à Munich et je clique sur le lien du site Valeurs Eternelles, cher Boris, et il marche parfaitement!!

Please try again....
Utilisateur anonyme
02 octobre 2008, 18:35   Re : Le Web, le secret et l'extime
Ça y est, ça marche ! Comme Google d'ailleurs…
Utilisateur anonyme
02 octobre 2008, 18:40   Re : Le Web, le secret et l'extime
Étrange, mais en arrivant sur la page, j'entends une musique jouée à 3/4, puis je clique sur la partition, et je vois qu'il s'agit d'une musique à 6/8.

Ce sont des petites choses comme ça, qui nous empêchent très souvent de prendre au sérieux les bandes organisées qui ont mis à sac cette "musique", qui était là très opportunément pour leur permettre de se dire musiciens.

(Comment ne pas rapprocher cette micro expérience de ce que je disais l'autre jour sur la "dissonance" qu'il existe de plus en plus souvent entre les goûts musicaux et les goûts littéraires et philosophiques ? Pauvre "musique médiévale", qui n'est plus là pour se défendre…)
Utilisateur anonyme
18 octobre 2008, 16:35   Re : Le Web, le secret et l'extime
Informé par ouï-dire googuelien que ce forum citait notre blog, je m’y rends, curieux de voir comment fonctionne la « toile », comment se tissent les liens spontanés qui la caractérisent.

Je vois que nos textes sont cités en entier, que les références sont justes et que le commentaire donne envie d’aller voir le site lui-même. Ce serait donc comme une forme de publicité.

Mais j’ai été chagriné malgré tout par le commentaire final de M. Boris Joyce, sur la transcription amateur d’une musique médiévale. Moi qui suis l’auteur de cette transcription, je trouve tout à fait grossière et malhonnête cette façon de généraliser : « les bandes organisées qui ont mis à sac cette "musique", qui était là très opportunément pour leur permettre de se dire musiciens ». Seul devant mon ordinateur je ne me sens pas spécialement une « bande organisée ». Si c’est cependant l’impression que je donne, je suis flatté. Quel pouvoir dois-je avoir ! Moi, en me trompant simplement de temps accentué, je mettrais à sac la musique ! Décoiffant. Sachez pourtant que j’ai fait cette transcription après que mon ami a mis en ligne le morceau, et l’ai fait indépendamment de sa volonté, pour la seule raison que je trouvais cela amusant (bouh, faire des choses amusantes), non pas « pour [me] permettre de [me] dire » je ne sais quoi.

Je vous concède volontiers que je connais mal la musique médiévale, ayant été éduqué plutôt aux compositeurs postérieurs, et que ce morceau sonne effectivement à trois temps. 3/4 plutôt que 6/8 d’accord, j’ai transcrit un peu vite, je peux rectifier. La prochaine fois, pourriez-vous faire simplement et directement la remarque, sans les insultes ?

Vous n’êtes pas seul face au reste du monde, il y a d’autres personnes face à vous, pas seulement des groupes ou des phénomènes sociologiques, des personnes qui se cherchent, et que vous pouvez blesser.

Mais, je dois vous laisser, j’entends qu’on sonne à ma porte. A cette heure-ci, qui ça peut être ? Mais bien sûr, cette façon de sonner, ça ne peut être qu’eux : ma joyeuse bande organisée. Elle m’attend pour mettre à sac d’autres morceaux de musique qui étaient là très opportunément pour leur permettre … Attendez, j’arrive !
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