J'ai été étonné d'entendre Paul Ricoeur parler de "vivre ensemble" dans ces entretiens de 1985. Est-ce lui qui a forgé ce terme à cette époque ? Dans son esprit, cette notion se superpose à tout ce que "le Contrat Social" de Rousseau a pu essaimer de discours et de concepts depuis deux siècles qui filent la pensée républicaine moderne.
Faire société avec des gens qui affluent sur un continent à la recherche d'un pays mieux-disant en matière d'avantages à en tirer pour soi et sa famille n'a évidemment plus aucun sens, quand ces gens sont appelés, par les lois d'expansion démographique qui jouent en faveur de leur nombre et par leur fureur à engendrer des progénitures, à constituer des "communautés" dont certaines sont propres à faire basculer, à terme, la composition ethnique et religieuse d'une nation en effaçant son histoire,
sans même toujours le vouloir explicitement. Communautés qui n'ont qu'une ambition, qu'un désir, chevillé au corps : celui de se continuer, de se perpétuer sur le sol qui les accueille exactement comme les régimes qu'ils ont fuit le leur permettaient, peu ou prou, dans leur pays d'origine. Peu ou prou parce que dans le cas des pays arabes du Maghreb, le salafisme et le fanatisme islamiste sont
moins bien tolérés par les régimes en place que dans la France de Macron !
Tout ce qui se pensait en France en 1985 est à jeter. Tout, absolument tout est à repenser da capo. Ce n'est pas que nous le voulions, ce n'est pas non plus qu'il le faille à priori dans l'intérêt du bien commun, mais la fatale absence de choix qui nous y force.
Il n'y a plus de politique possible, plus de "philosophie politique" comme cela se disait encore entre Castoriadis et Ricoeur avant la bascule du désastre dont nous sommes témoins, plus de politique imaginable, seulement de
l'action historique.