Paul Morand, "né sous le signe des Poissons".

Comme nous parlions de Paul Morand dans un fil précédent (j'avais écrit que, de son propre aveu, il ne se voyait pas comme un grand écrivain), je vous propose cet extrait :


"J'ai été français, soldat, électeur, mari, fonctionnaire, comme tout le monde ; j'ai été écrivain, diplomate, etc. mais tout cela à demi, sans m'engager à fond, amphibie, né sous le signe des Poissons. Même aujourd'hui je devrais être à l'Académie, pour y distribuer le prix du Roman ; or je suis en Suisse, j'écris ceci au soleil. Mystère de la destinée ; est-ce mon caractère, le hasard, etc. ? Je n'ai jamais été "en situation", comme disent les gens de théâtre."

Paul Morand, "Journal inutile", 24 octobre 1970.

Au mois de mars 1909, il y a cinquante-trois ans, un punt descendait la Tamise, à Oxford; le jeune homme qui poussait son bateau y mettait tant d'énergie que sa perche demeura engravée dans le fond; il y resta suspendu, pendant que le punt continuait sa route... Ce jeune homme c'était moi. Ainsi continue le cours du temps, alors que je reste seul, suspendu dans le vide, avant de tomber à l'eau (Le Nouveau Londres.)

Ce passage est vraiment très beau. Merci.

Avec plaisir ! Sens de la formule, fabricant d'images, de sons : dire tout haut,
trois fois, Hécate et ses chiens