Le mot
mortier a deux sens en français : celui d'une pièce d'artillerie à tube court, à fort calibre, destinée à envoyer des bombes, des grenades, des obus. Tir au mortier; obus de mortier. Nous escortions trois compagnies d'artillerie autrichienne avec des pièces de gros calibre et une batterie de trois mortiers (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p.412):
Roule, fusillade, jour et nuit! feu de vos pièces toutes à la fois! tonnez, canons allemands! Que le coup du mortier de quatre cent vingt vers le ciel dans une montagne noire de fumée se décharge comme un volcan!
CLAUDEL, Poèmes guerre, 1916, p.528. (TLFI)
Et celui, familier aux cuisiniers et aux maçons, qui désigne un récipient ou se malaxent les substances.
Or la France, qui adhère à son vocabulaire, a la prétention de conjoindre et de faire alterner les deux dans ses politiques. C'est une vieille obsession française, qui commença dans la Guerre de cent ans.
Bombardes, grosses bouches à feu, mirent fin à cette guerre contre l'Anglois, qui, amateur de razzias (les Chevauchées d'Edouard dans le royaume de France pendant cette guerre) habile à manier l'arc prolétaire contre le samourai à cheval du royaume des Valois qui en était encore, à la charnière du XVe siècle, à viser son homme sur le champ de bataille en vue de le capturer pour une rançon (ce que faisaient les Japonais contre les guerriers de Kubilai Khan débarquant sur les rivages de leur archipel en 1274, pour qui tout affrontement n'était jamais que d'homme à homme, de connaissant à connaissant), se vit doubler sur sa gauche par la souveraine bombarde française qui le décima à Castillon (Guyenne).
Donc le mortier, la grosse bouche à feu française, technologique, totale, massique et dépourvue de sentiments, qui valut aux Américains leur indépendance face aux mêmes Anglois dans la bataille de Chesepeake remportée par l'amiral de Grasse (https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_la_baie_de_Chesapeake) le 5 septembre 1781, apparut dans l'histoire de cette nation, notre France, comme moyen souverain de faire la différence pour soi, non point avec Jeanne, mais à Castillon, avec la grosse et fatale technologie qui mortifiait l'ennemi quand ce dernier n'avait fait que nous intimer à y recourir.
Les Prussiens du XIXe siècle et de la première guerre mondiale, à cet égard, furent des Français plus systématiques que nous autres, qui supplantèrent leurs maîtres en matière de canons. Le Kaiser était la continuation de Napoléon qui, comme lui, avait jugé que l'avenir appartenait aux gros bataillons et aux bombardes supérieures. Toute la Prusse admirait la France, celle de Voltaire y compris. La Prusse qui aimait tant les gros calibres qui crachent loin derrière la ligne d'horizon, s'en était entiché par la France, laquelle, en Occident, en fit la première la démonstration, dès le quinzième siècle.
Le second sens du mot
mortier fut illustré par l'Amérique nouvelle, qui se piquat, par son
crucible, de mélanger les ingrédients ethniques pour faire nation.
La France actuelle, imitant sa fille, s'y met à son tour, avec deux bons siècles de retard : en prétendant unir tous ces Arabes et ces Noirs d'Afrique à nos pauvres gens d'ici,
elle fait mortier, elle croit, de la sorte,
se réarmer.
Faire France, depuis Castillon (17 juillet 1453),
c'est faire mortier.